La Nuit des morts-vivants – Une novélisation qui surpasse le film
Comme le rappelle John Russo en introduction de sa novélisation du film de George A. Romero La Nuit des morts-vivants, en 1968, les zombies ne dévoraient pas encore les vivants…
Auparavant, les morts-vivants étaient généralement utilisés par des capitalistes comme force ouvrière bon marché. Ils ne se décomposaient pas sur place, ne se nourrissaient certainement pas des vivants et pour en venir à bout, il n’était pas nécessaire d’avoir recours à une solution aussi répugnante que de leur éclater la cervelle.
Avec La Nuit des morts-vivants de George A. Romero, la critique du capitalisme fait place à une menace plus concrète pour accuser, non plus un système économique, mais l’individu lui-même…
La rivalité au cœur de tous les conflits
D’abord, Barbara subit les tourments de son frère et ses remarques désobligeantes. Puis, une fois réfugiée dans la vieille ferme isolée dans la campagne, la jeune femme assiste aux querelles incessantes qui opposent Ben et Harry.
La rivalité aveugle chacun des protagonistes. Au point de largement compromettre leur survie ainsi que celle du groupe. Ainsi, exalté par le harcèlement qu’il fait subir à sa sœur, Johnny ne voit pas le zombie s’approcher de lui. Ben et Harry, quant à eux, auront à cœur de s’opposer systématiquement, quelle que soit la pertinence des propositions et suggestions du rival. Comme Johnny, ils ne pensent même pas à fuir face à la menace.
Bien plus tard, Brad Pitt apportera une réponse plus censée au débat auquel se livre l’homme noir et l’homme blanc afin de déterminer s’il est préférable de se barricader dans la maison ou dans la cave. En effet, dans World War Z (2013), seul le mouvement assure une chance de survie… À une époque où les riches se barricadent dans des zones résidentielles luxueuses, et où les peuples du sud sont obligés de fuir les zones invivables à cause du réchauffement climatique.
De l’exploitation des masses ouvrières à celle des zombies
Gageons que les responsables de La Nuit des morts-vivants se sont mordus les doigts de ne pas avoir saisi l’intemporalité du sujet qu’ils tenaient en main. Alors destiné à faire carrière au sein des drive-in moribonds en cette fin des années 60, le métrage devint, contre toute attente, l’un des films indépendants les plus lucratifs de tous les temps. Or, les auteurs qui avaient accepté de signer des contrats peu avantageux ne profitèrent pas du succès inattendu de leur bébé.
Afin de percevoir malgré tout un retour sur investissement, Romero et Russo décident donc d’investir dans les produits dérivés…
C’est ainsi que George A. Romero et John Russo se partagent la poule aux œufs d’or. Le premier exploite le filon en ajoutant « of the dead » à ses titres de films, comme Zombie (Dawn of the Dead, 1978) ou Le Jour des morts-vivants (Day of the Dead, 1985).
De son côté, John Russo s’empare du suffixe « living dead » et se met à l’écriture des scenarii du faux remake signé Dan O’Bannon Le Retour des morts-vivants (Return of the Living Dead, 1985), du vrai remake réalisé par Tom Savini La Nuit des morts-vivants (Night of the Living Dead, 1990) ou encore de la version 3D commise par Jeff Broadstreet (Night of the Living Dead 3D, 2006).
Un film marqué par les années – un roman intemporel
Autant dire qu’une bonne partie de la carrière de John Russo a tourné autour des morts-vivants. C’est aussi lui qui s’occupe de la novélisation du film de George A. Romero en 1974. Dans son récit de 250 pages, il intègre toutes les qualités du scénario déjà présentes dans le film. Plus encore, et au risque d’écrire une hérésie, force est de constater que le roman est nettement supérieur au film de George A. Romero.
En effet, le film a inévitablement pris quelques rides, marqué par son époque. Et pas seulement en raison du noir et blanc… L’utilisation d’une musique libre de droit n’est pas toujours adaptée à ce qui se déroule à l’image. Les effets spéciaux se limitant à l’achat de côtelettes distribuées aux figurants ne convainc pas des masses. L’interprétation parfois hasardeuse délivrée par les acteurs qui ne sont pas tous professionnels plombent la dramaturgie… Autant de handicaps qui ne figurent naturellement pas dans le livre, dont l’efficacité s’avère nullement atténuée par les années…
Bien au contraire, le roman bénéficie d’une écriture simple, efficace et directe, délivrant parfaitement la quintessence d’un message toujours d’actualité.