Madman – Slasher d’auteur
Madman est un slasher produit en plein boum du genre. Sa particularité est de ne pas suivre les codes d’usage pourtant très restrictifs. Au point que le film de Joe Giannone dispose de sérieux atouts lui permettant de s’extirper de la masse.
Autour d’un feu de camp, le directeur d’une colonie de vacances raconte l’histoire d’un fermier qui vivait dans « la maison derrière ces arbres ». Un sale type qui battait sa femme et punissait méchamment ses enfants tout en dépensant les économies de la famille dans les bars. C’est lors de l’une de ces visites régulières qu’il perd un bout de nez au cours d’une bagarre. Un jour, le salaud prend la décision de mettre brutalement un terme à l’existence de ses proches. En réponse, les autochtones font le choix, pour leur part, de faire justice eux-mêmes et mettent fin à l’escalade en plantant une hache dans la joue du meurtrier. Le lendemain, son cadavre ainsi que celui des membres de sa famille ont disparu…
Le nom du psychopathe est resté dans les mémoires : Madman Marz. Mais il est préférable de ne pas le répéter trop fort… Évidemment, un jeune abruti ne peut s’empêcher de faire le malin et se met à claironner le nom du triste sire. Une nuit d’épouvante s’annonce dans le camp d’été…
L’âme de tout slasher : le contexte
Madman sort en 1981 alors que la vague des slashers, initiée par le succès de Vendredi 13 en 1980, n’en est qu’à ses prémices. Dès l’année suivante surgissent sur les écrans Halloween II, Rosemary’s Killer, Happy Birthday : Souhaitez de ne jamais être invité, Meurtres à la St-Valentin, Carnage, Survivance, Cauchemars à Daytona Beach, Massacres dans le train fantôme… Le contenu s’avère peu ou prou le même : des adolescents se font trucider les uns après les autres.
Mais la fascination que ces films exercent à l’époque provient de toute autre chose : le contexte dans lequel est perpétré la longue liste de meurtres… Comme une fête foraine, un petit bourg isolé, une célébration issue de notre bon vieux calendrier… Ensuite, les motivations du psychopathe, associées au contexte, sont à l’origine de la raison pour laquelle les foules s’entassent dans les salles et, plus tard, louent les cassettes VHS à la vidéothèque au coin de la rue.
Un petit budget parmi les petits budgets
En ce qui le concerne, en face de ces ténors du genre, Madman rencontre quelques difficultés pour faire illusion.
Principalement en raison du manque de budget. À une période où le genre est tellement populaire qu’un convenable retour sur investissement peut être envisagé, quelle que soit la qualité du produit, se contenter d’une série de préfabriqués comme seuls décors et d’une poignée d’enfants pour que la colonie fasse illusion démontre la pingrerie des producteurs.
Au final, parmi ses pairs, Madman apparaît clairement comme un sous-produit fauché et, à bien des égards, Madman ferait même carrément songer à un film amateur… Si l’interprétation n’était pas aussi convenable et, surtout si le film n’était pas inhabituel…
L’art et essai du slasher
Alors que la première heure s’avère souvent la moins intéressante de n’importe quel slasher, Madman surprend en exposant plusieurs scènes franchement réussies.
Et ça commence tout de suite. Le film s’ouvre effectivement sur un campement en pleine nuit. Autour du feu, les animateurs racontent avec enthousiasme des histoires qui font peur. Parfois même en chantant. En guise d’avant-goût, les images présentant l’auditoire sont entrecoupées de quelques plans furtifs révélant les circonstances de la mort des protagonistes. C’est joli, mais surtout amusant, puisque ce qui apparaît comme un spoiler dans tout autre type de film, n’en est pas vraiment un dans un slasher…
Plus loin, l’un des protagonistes s’amuse à effrayer ses compagnons en faisant remarquer qu’en fin de compte, nul ne connaît véritablement ses collègues. En effet, personne ne sait ce qui se passe réellement dans la tête de ses camarades et que l’un d’eux pourrait parfaitement se révéler être un tueur en série. La séquence, joliment amenée, incite les protagonistes à des réflexions et hisse le niveau intellectuel des personnages du film au-dessus du QI de la grande majorité de leurs homologues s’ébattant dans la quasi totalité des slashers de l’époque.
Par ailleurs, alors que les meurtres commis dans le genre se caractérisent par leur caractère expéditif, les mises à mort figurant dans Madman s’avèrent étonnamment longues. À défaut d’être gore, les exécutions se terminent souvent de manière brutale. Mais surtout, les victimes se défendent ! Parfois, on se prend même à croire à leur chance de survie. C’est ce qu’on appelle le suspens…
Cerise sur le gâteau, Madman se permet d’être blasphématoire en faisant le choix de ne pas respecter l’un des codes élémentaires du genre lorsqu’il s’agit de définir qui survivra à la quête sanglante de Madman Marz.
Le risque ne paie pas toujours
Pour autant, toutes les audaces auxquelles se risque Joe Giannone ne se voient pas couronnées de succès.
La séquence romantique entre deux protagonistes dans un jacuzzi est kitschissime et certains protagonistes s’avèrent désolants de naïveté.
Difficile néanmoins d’en vouloir à un film qui tente d’innover dans un genre aux codes si étriqués. Ainsi, il faut accepter et saluer la prise de risque. Tout comme la niaiserie de certains personnages pourra aussi, pourquoi pas, générer un certain attendrissement.
D’autant plus que Madman se montre soigné sur un plan purement esthétique. L’histoire se déroule le temps d’une nuit, joliment éclairée par des lumières bleutées, et dont l’étrange atmosphère évoque à la fois le folklore et les légendes urbaines locales.
Bon an mal an, Madman parvient donc à trouver sa place dans la multitude des slashers des années 80. Certes, Joe Giannone ne livre peut-être pas un bon film. Comparé à Carnage, Madman s’avère même plus poussif encore, manquant cruellement de rythme. Mais la volonté de se différencier dans un genre qui montrait déjà ses limites en fait une œuvre suffisamment différente et singulière pour justifier sa défense.