13 Notes en rouge (2022) – critique
La tête dans le coaltar, Charlotte tente tant bien que mal d’émerger après une nuit agitée à faire la fête avec sa colocataire. Justement, celle-ci est très bruyante dans la chambre d’à côté. Au début, Charlotte pense que sa coloc passe du bon temps, mais quand les cris se muent en long hurlement d’agonie, elle comprend que son amie est en train de se faire assassiner.
Elle tente alors de l’aider, mais les portes et fenêtres sont toutes fermées et aucun voisin ne répond à ses appels à l’aide. Le bourreau, en ayant fini avec sa première victime, se tourne vers Charlotte, l’accuse de vol et lui promet le pire des châtiments si elle ne lui restitue pas immédiatement ce qu’elle lui a subtilisé. Le problème étant qu’après les abus de la veille, Charlotte n’a plus que des fragments de souvenirs qu’elle va devoir recoller si elle veut s’en sortir en un seul morceau !
13 Notes en rouge, le nouveau long métrage de François Gaillard emprunte, comme ses précédents films, au giallo, ces polars colorés et chargés d’érotisme ayant fleuri en Italie dans les années 70 avant de s’éteindre dans les années 90. Cette inspiration est largement assumée par le réalisateur qui convoque tour à tour Mario Bava (SIX FEMMES POUR L’ASSASSIN) et Sergio Martino (TORSO) comme influences à son cinéma. Mais François Gaillard ne se limite pas à l’Italie! Le Japon l’inspire également, notamment le cinéma de Seijun Suzuki et Norifumi Suzuki (n’ayant aucun rapport familial), ainsi que l’Angleterre avec la Hammer.
Ce qui est certain, c’est que le cinéma de François Gaillard célèbre un cinéma de genre qui n’est plus. Un cinéma généreux, gore, porté vers une certaine esthétique baroque, usant de la musique comme d’un instrument indispensable à sa palette, composant ses plans comme des tableaux. Certaines séquences sont très découpées comme les victimes du tueur, donnant un rythme clipesque dynamique, tandis que d’autres s’étirent avec langueur et sensualité. L’équilibre parfois fragile fonctionne néanmoins grâce au personnage principal campé par Jeanne Dessart et à sa psyché si particulière.
En effet, Charlotte est dotée de la faculté de rêvasser et de transformer la réalité selon ses souhaits. Cela permet au film d’avoir une dimension onirique assez forte pour donner vie à des visions, et ainsi faire naître un univers fantasque et baroque, le tout baignant dans une atmosphère fiévreuse, érotique, souvent anxiogène. Ce qui donne parfois le sentiment de frayer avec les atmosphères qu’aurait pu dépeindre le David Lynch de BLUE VELVET ou MULHOLLAND DRIVE, résonnant en écho à EYES WIDE SHUT, le dernier et sublime long métrage de Stanley Kubrick.
Le spectateur pourra être surpris par le ton humoristique très marqué par des punchlines n’ayant rien à envier aux actioners des années 80 et aux films érotiques des années 70. Celles-ci surprennent d’autant plus qu’elles viennent trancher des scènes de torture gore à souhait, mais elles apportent en même temps un ton particulier et surtout, une légèreté. Comme si le cinéaste affirmait par là qu’il n’aspire qu’à nous divertir.
En plus de nous offrir des visuels qui impriment immédiatement la rétine, le film parvient à donner corps à un univers comme on n’en fait plus ou si rarement. À l’instar d’UN COUTEAU DANS LE COEUR de Yann Gonzalez qui avait redonné vie au genre, 13 NOTES EN ROUGE nous donne un vibrant hommage à un cinéma dont on ne peut que regretter la disparition. Mais ce n’est guère un éloge funèbre, plutôt un chant de célébration puissant qui réanime ce cinéma si cher à nos cœurs.