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On considère souvent les années 80 comme l’âge d’or du Slasher, un genre cinématographique inspiré par le Giallo italien. Offrant des scènes de meurtres sanglants mêlées à une dose d’érotisme, les slashers permettaient aux producteurs de créer des films à petit budget avec un fort potentiel de rentabilité. Ces œuvres mettaient fréquemment en scène des adolescents dans des contextes irrévérencieux, un ingrédient parfait pour attirer un public jeune. C’est dans ce cadre qu’émerge Douce Nuit, Sanglante Nuit en 1984. Ce film raconte l’histoire de Billy, un jeune homme traumatisé par le meurtre de ses parents, tués par un homme déguisé en Père Noël. Des années plus tard, Billy enfile à son tour le costume rouge pour punir les « mauvaises personnes ». L’utilisation du Père Noël, un symbole d’innocence et de valeurs familiales, apporte une critique implicite des valeurs puritaines américaines.
Lors de son premier week-end en salles, Douce Nuit, Sanglante Nuit parvient à dépasser en popularité un autre classique du genre, Les Griffes de la Nuit, sorti la même semaine. Mais le métrage ne restera pas longtemps à l’affiche, retiré sous la pression d’associations catholiques dénonçant une « perversion de la jeunesse ». Cette polémique a néanmoins renforcé son succès en vidéoclub, convaincant les producteurs de lancer une suite en 1987.
Une suite recyclée
Pour réaliser cette suite, les producteurs Lawrence Appelbaum, Joseph H. Earle et Eric A. Gage contactent Charles E. Sellier Jr, le réalisateur du premier opus. Celui-ci refuse, regrettant d’avoir participé à un projet qu’il juge désormais offensant en tant que fervent catholique. La réalisation est alors confiée à Lee Harry, un monteur, épaulé par le scénariste Joseph H. Earle.
Douce Nuit Sanglante Nuit 2 reprend les événements suggérés à la fin du premier volet : la folie meurtrière de Billy se transmet à son petit frère, Ricky. Devenu adulte, Ricky, enfermé dans une salle d’interrogatoire, raconte son histoire et celle de son frangin à un psychiatre.
Le film, tourné en seulement 10 jours avec un budget modeste de 250 000 dollars, recycle abondamment des scènes du premier opus, qui constituent près de la moitié de sa durée. Ce procédé, bien que pratique pour réduire les coûts, donne l’impression d’une exploitation malhonnête de la licence. Pourtant, la deuxième moitié de l’œuvre bascule dans un univers de nanar assumé, au grand bonheur des amateurs du genre.
Film à personnalités multiples
Un nanar, pour rappel, est un long-métrage si mauvais qu’il en devient divertissant, provoquant le rire par ses maladresses. Douce Nuit Sanglante Nuit 2 coche toutes les cases : dialogues absurdes, surjeu délirant et scènes volontairement outrancières.
La lutte pour le poste de réalisateur de Lee Harry et Joseph H Earle entraîne une œuvre qui passe son temps à jongler entre sérieux et cartoon. Comme l’explique Marc Toullec, Eric Freeman, l’interprète de Ricky, recevait sans cesse des instructions de jeu contradictoires. L’un voulait que Ricky soit froid, voire robotique dans ses actions, tandis que de l’autre côté, on lui demandait de surjouer et de paraître heureux de punir les « vilains enfants ». Le résultat est hilarant, Le personnage fait n’importe quoi. Face au psy, on a l’impression que c’est une fausse personne qui essaye de se donner une allure cool, comme si tous ses meurtres et ceux de son frère étaient l’œuvre de héros !
Dans ces moments, le cadre est fixe. Le réalisateur utilise beaucoup de gros plans et travaille la profondeur de champ pour faire ressortir Ricky. Le spectateur a l’impression que ce dernier est au-dessus de tout. Pourtant, cela ne fonctionne pas, il n’y a pas d’empathie ni de peur face au personnage, juste l’envie de rire. L’échange avec le psy avec cette photo très téléfilm fait penser, par moments, à un soap opéra. C’est assez étrange comme ambiance, on est bien loin d’un Psychose ou bien encore de L’étrangleur de Boston ! Le pauvre Ricky est juste ridicule, Freeman est toujours faux dans le ton qu’il utilise.
Le meilleur réside surtout dans les scènes où Eric Freeman est dans le surjeu. Il rappelle Nicolas Cage dans ses prestations les plus survoltées. Les mises à mort ont quelque chose de très cartoon. La caméra tourne dans tous les sens autour des protagonistes, on a un montage très cut qui multiplie les angles de prise de vue, sans oublier les punchlines et les bruitages. Le spectateur retrouve avec plaisir le fameux même « Garbage day » lorsque Ricky tue et met à la poubelle sa victime, les yeux à la limite de loucher. Toutes ces mises à mort sont de grands moments, plus le personnage et la mise en scène sont over the top, plus le spectateur rit !
Un message maladroit derrière le carnage
Sous cette réalisation outrancière, Douce nuit sanglante nuit 2 tente de raconter quelque chose. Tout d’abord, il répond de façon sarcastique aux critiques reçues. Lors d’une scène au cinéma, Ricky et sa petite amie sont importunés par de jeunes loubards qui parlent fort et lancent du pop-corn. Ils représentent l’archétype de la jeunesse pervertie dénoncée par les associations. En punissant ses personnages de façon grotesque, Ricky devient le représentant de ces communautés. Il montre également que ces modèles de vertus cachent souvent quelque chose de mauvais en eux. Le père Noël tueur devient ainsi un révélateur de vérité.
Le premier film abordait le traitement du traumatisme via le prisme de la religion catholique. On retrouve dans cette suite cette thématique incarnée par la mère supérieure. La religion condamne les victimes autant que les coupables. Tout est question de honte et de refoulement, ce qui pousse Ricky à l’autodestruction ainsi qu’à voir tous les humains comme des mauvaises personnes. Il doit punir pour se sauver et devenir un bon garçon comme le répète la nonne. Les interrogations autour du statut des victimes surtout lorsqu’elles sont enfants est un sujet difficile qui aurait pu être pertinent à développer surtout par le truchement du Slasher. Il ne reste encore ici qu’un prétexte pour lancer le massacre et il est vite oublié par les rires suscités par le métrage.
Douce nuit sanglante nuit 2 échoue dans sa mission de slasher, mais il reste quand même un plaisir à regarder pour son côté comique même si celui-ci reste involontaire.
TEST DU BLU-RAY/DVD
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Le film est proposé en combo avec le premier opus, le tout accompagné par un livret illustré écrit par Marc Toullec. Celui-ci permettra aux spectateurs d'en apprendre plus sur le contexte de production de Douce nuit, sanglante nuit 2. Les + retrouver les deux films en une seule édition (l'édition Blu-ray de Douce nuit, sanglante nuit est épuisée) Les - => Achetez chez notre partenaire Metaluna=> Spécificités du DVD/Bluray sur le site de Sin'Art |
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Article rédigé par Faye Fanel
Ses films préférés - Chantons sous la pluie, The Thing, La maison du diable, Evil Dead 2, Fire walk with me... Ses auteurs préférés - JRR Tolkien, Stephen King, Amélie Nothomb, Lovecraft, Agatha Christie... J’adore le cinéma d’horreur et parler de mes nombreuses passions dans mes podcasts sur James & Faye ainsi que sur le site Les Réfracteurs.