Épouvante sur New York (1982) – Peur sur la ville ?
Au début des années 1980, Larry Cohen a déjà quelques petits films à son actif en tant que réalisateur (LE MONSTRE EST VIVANT, MEURTRE SOUS CONTRÔLE, FULL MOON HIGH, …) et une jolie expérience en tant que scénariste, puisqu’on le retrouve à la manœuvre dans les scripts du RETOUR DES SEPT ainsi qu’au travers de séries comme LES ENVAHISSEURS ou COLOMBO. Après les succès mitigés de ses premiers métrages et son éviction brutale du film J’AURAIS TA PEAU de Richard T. Heffron en 1981, l’homme décide de passer la seconde et de mettre sur pied un nouveau métrage : ÉPOUVANTE SUR NEW YORK, afin de profiter de l’effet toujours prégnant du KING KONG de John Guillermin (1976).
Pour ce faire et afin d’avoir une totale liberté artistique et de contrôle sur son œuvre, Larry Cohen se charge d’écrire lui-même le scénario, de passer derrière la caméra et de prendre aussi la casquette de producteur aux côtés de Samuel Z. Arkoff, Dick Di Bona, Salah M. Hassanein, Paul Kurta, Peter Sabiston et Don Sandburg. Bref, Cohen veut être libre de ses mouvements et a dans l’idée de se démarquer des autres en proposant un film de genre qui renouerait avec les films de montres d’antan, le tout avec une trame thriller / policière.
Et même si le budget du film n’est pas conséquent, le réalisateur se donne à fond pour mettre sur pied son projet. Ainsi, il arrive à convaincre l’acteur Michael Moriarty, tout droit sorti de la mini-série à succès HOLOCAUSTE (1978) et Candy Clarke (AMERICAN GRAFFITI, L’HOMME QUI VENAIT D’AILLEURS) de participer à son film et fait appel à ses vieux amis David Carradine (KUNG-FU), Richard Roundtree (SHAFT) pour compléter ce casting plutôt solide.
Voici le pitch : aux États-Unis, à New York, des morts étranges et violentes ont lieu un peu partout dans la ville. En effet, un laveur de vitres a été retrouvé décapité, un homme a été découvert entièrement dépecé et d’autres personnes ont mystérieusement été happées sur les hauteurs d’un immeuble par quelque chose d’étrange. Très vite, l’inspecteur Shepard (David Carradine) et le Sergent Powell (Richard Roundtree) du NYPD sont dépêchés sur les lieux des crimes et se lancent dans l’enquête. Au fil de leurs investigations, les policiers soupçonnent qu’un obscur rituel aztèque où se mêlent sacrifices humains et invocation de Quetzalcóatl, le serpent à plumes pourrait être au centre de l’énigme.
De son côté, Jimmy Quinn (Michael Moriarty), un aspirant pianiste de jazz est aussi truand patenté mais malchanceux. Ainsi, après avoir perdu le butin d’un casse de diamants et pour échapper à un agent de sécurité à sa poursuite, Quinn se retrouve tout en haut du Chrysler Building, et y découvre par hasard le nid de Quetzalcóatl ainsi que l’œuf géant qu’il couve. Afin d’échapper à sa condition de looser, il décide de faire chanter la ville en demandant un million de dollars en échange de l’emplacement du repaire de la créature…
D’entrée de jeu, malgré le budget faiblard alloué à ÉPOUVANTE SUR NEW YORK (environ 1,2 millions de dollars), on remarque tout de suite que Larry Cohen a porté une attention particulière à l’écriture de son scénario. Ainsi, même si cette histoire de Quetzalcóatl, caché dans New York, est un peu pataude malgré ses clins d’œil appuyés au KING KONG de 1933 de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack ou bien à THE FLYING SERPENT de Sam Newfield (1946), le script n’en reste pas moins bien ficelé. À ce titre, Cohen a décidé d’attacher une grande importante à la dimension psychologique et à la complexité de ses personnages, notamment celui de Quinn, beaucoup moins manichéen qu’il n’y paraît. Le casting solide et l’implication des acteurs dans leurs rôles amènent de ce fait à l’ensemble une réelle et agréable plus-value.
De même, le scénariste / réalisateur / producteur a pris le parti de construire en toile de fond de son film, une dramaturgie élaborée où se mêlent intrigues principales et secondaires. Ces différents traits scénaristiques se croisent et s’entrecroisent jusqu’aux dernières minutes du film. On sent que malgré les difficultés liées au budget et au tournage (certains plans ont été mis en boîte sans autorisation), Larry Cohen a su s’y adapter en retouchant parfois son scénario afin de coller au mieux aux réalités du terrain sans pour autant entraver sa liberté artistique.
Malgré toutes ses bonnes intentions, les effets spéciaux de stop motion lors des apparitions du monstre s’avèrent être très vieillottes (petit budget oblige…) et plombent de ce fait un peu l’ensemble. En effet, d’un point de vue technique, malgré le savoir-faire en la matière de David Allen et de Randy Cook (THE DAY TIME ENDED, CAVEMAN, …), la pauvreté des effets spéciaux est en total décalage avec le scénario bien ficelé et le jeu très solide des acteurs. On ne sait donc pas sur quel pied danser.
Mais au-delà de l’aspect un peu bancal du monstre Quetzalcóatl et de ses apparitions pas toujours folichonnes, ÉPOUVANTE SUR NEW YORK se pose d’abord comme une véritable petite série B nerveuse et mise sur pied avec beaucoup d’enthousiasme. En effet, en ce début des années 1980, Larry Cohen fait figure de véritable stakhanoviste dans l’art de la débrouille et ce film se pose d’emblée comme l’une de ses plus grandes réussites artistiques.
En fin de comptes, ce long métrage qui manie humour subtil, horreur et thriller dépasse le seul cadre du film de genre pour se placer dans une catégorie à part, celle des pellicules réalisées avec les tripes, la sueur, les larmes et le sang. Certains diront qu’ÉPOUVANTE SUR NEW YORK est un véritable manuel à l’attention des réalisateurs fauchés pour mettre en place un film digne de ce nom… Ils n’auront pas tort !