Lunettes noires de Dario Argento (2022)
Dix ans après Dracula 3D, Lunettes Noires signe le retour à la réalisation pour Dario Argento et dans le genre qui lui va si bien : le giallo.
À Rome, un tueur s’en prend aux prostituées. Diana, une call-girl de luxe, devient sa nouvelle cible. En essayant de lui échapper, elle est victime d’un accident de la route qui la rend aveugle. Chin, qui était dans l’autre voiture, perd son père alors que sa mère plonge dans le coma. Après que Diana lui ait rendu visite, Chin décide de rester auprès d’elle et de l’aider à attraper ce monstre.
Retour à la réalisation pour Dario Argento, dix ans après l’échec de Dracula 3D. Ses projets n’ont pu se concrétiser notamment parce que son producteur historique a des ennuis avec la justice. Dario Argento se concentre alors sur l’écriture avec deux ouvrages, dont Peur, et tourne dans Vortex de Gaspard Noé. Asia Argento, sa fille, travaille en parallèle sur une biographie et fouille dans les affaires de son père. Elle y trouve un scénario au fond d’un tiroir, et, le trouvant très beau, elle incite son père à travailler dessus. Finalement, ce dernier se prend d’affection lui aussi pour les personnages et décide une co-production franco-italienne, car il souhaite des français dans son équipe : un musicien qui travaille sur la musique électronique et une monteuse.
Retour au giallo pour Dario Argento
On retrouve dans Lunettes Noires le soin attaché à l’image par le choix d’objectifs anamorphiques qui donnent un scope à l’image particulière, mais aussi à la lumière avec le choix d’une image très contrastée qui vient renforcer la noirceur. Dario Argento soigne aussi la musique qui fait ritournelle, dont le thème revient encore et encore, accompagnant les meurtres et actes abjects du tueur. Il y a des choix de mise en scène qui parfois surprennent comme le meurtre dans les fourrés au début du film ou encore un plan en grand-angle qui se place à la hauteur d’une des victimes du tueur au sol. Enfin, il y a sa manière de filmer la ville.
La séquence d’ouverture nous montre des plans sur les arbres, sur une ville qui semble fantomatique où les rares habitants qu’on croise ont le nez en l’air. Ce n’est qu’au bout de quelques minutes qu’on comprend qu’il s’agit d’une éclipse. L’héroïne toute vêtue d’un rouge flamboyant se détache de tout ce vert qui l’entoure. Ce rouge reviendra sans cesse, comme un rappel du sang, mais aussi de la luxure, en référence au métier de la protagoniste.
Un duo attachant
Par la suite, Diana et Chin, deux accidentés de la vie, littéralement, vont faire chemin ensemble. Leur aventure est à la fois ancrée dans le thriller psychologique, mais aussi dans une sorte de conte de fées à la sauce moderne. Cela se remarque notamment dans la séquence de la forêt de nuit où ils se retrouvent isolés, sans technologie pour les aider, dans un retour à la nature et au primitif, pourchassés par un tueur qui a la figure du croquemitaine, presque du loup-garou.
En effet, le réalisateur joue sur la figure du monstre dans la manière dont il filme ses personnages : des marginaux et des prostitués : observés par les passants, la première victime meurt sans obtenir la moindre aide cependant. Solitude que connaitra plus tard l’héroïne.
En effet, la protagoniste est méprisée de tous, y compris par sa femme de. Seuls ses clients et la femme venant d’une association pour chien d’aveugle semblent la regarder autrement, sans mépris. L’un de ses clients se qualifie d’ailleurs de monstre, on devine que c’est parce qu’il ne parvient à avoir une sexualité normée, attendue par la société. Evidemment, le tueur est finalement le véritable monstre même si l’administration et la police ne sont pas en reste dans la manière dont ils traitent Diana et Chin.
Il y a une sorte d’étrangeté dans Lunettes Noires avec les passants aux visages grimaçants, presque menaçants qui s’amassent autour des victimes avec une espèce de fascination morbide évidente, mais aussi avec la manière de filmer, lointaine par moment comme dans la séquence de la forêt, ou très proche au contraire de ses personnages à d’autres instants, notamment des victimes à l’agonie. On retrouve cette ambiance dans le montage qui va laisser s’étirer des moments angoissants comme lors l’agonie de la première victime ou lors des errances dans le noir de la protagoniste.