Les rats attaquent (1982) – attention chien méchant
Les rats attaquent de Robert Clouse ne doit pas être confondu avec Les Rats de Manhattan, sorti deux années plus tard. Le film de Bruno Mattei se déroule dans un avenir post-apocalyptique à l’intérieur d’un laboratoire infesté de rats. Celui de Robert Clouse, en revanche, a été tourné à Toronto. À l’époque, le Canada se révèle un vivier intéressant en matière de films d’horreur, en particulier grâce à David Cronenberg et ses Videodrome (1983) et Scanners (1981)…
La trilogie de l’horreur
À l’origine de Les rats attaquent, on trouve d’abord le premier opus de la trilogie littéraire des Rats. Une saga reconnue comme l’un des monuments de l’horreur sur papier des années 80. L’auteur James Herbert a d’ailleurs construit sa carrière sur le genre, vendant plus de 50 millions de livres dans le monde.
Dans son premier roman, les Rats, James Herbert décrit un Londres des années 70 envahi par des rongeurs mutants. Cette histoire de mutation est illustrée par les réflexions du rat originel. Mais le livre s’articule principalement sur l’inaction de la mairie face aux offensives de rongeurs qui ciblent majoritairement la population la plus pauvre de Londres. Ainsi, les attaques, impressionnantes et effroyables, permettent aussi de mettre l’accent sur le volet social.
Le film Les rats attaquent, pour sa part, préfère livrer un message environnemental. Dès lors, la cause de l’agressivité des animaux trouve son origine dans la destruction, par les services de la ville, du maïs qui servait jusqu’alors de réserve de nourriture illégitime aux rongeurs. Quant à la taille gigantesque des animaux, elle s’explique par la contamination aux stéroïdes de ces mêmes grains.
Cette option choisie en 1982 par Robert Clouse permet de démontrer que les problèmes écologiques ne datent pas d’hier ; un élément accablant un peu plus encore nos politiques inefficaces dans ce domaine.
Néanmoins, en faisant passer l’aspect roman-catastrophe de l’oeuvre d’origine en arrière-plan, le film de Robert Clouse se transforme en simple film d’attaques animales. Un sous-genre en vogue lors de la sortie du film. La différence avec le matériau d’origine est telle qu’il est inutile de comparer les deux œuvres. Peut-être est-ce la raison pour laquelle le titre anglais du film ne fait pas référence à celui du roman.
Animal attack
Le film suit alors la trame logique des films d’attaques animales et son lot de passages obligatoires. Comme les autorités qui ne croient pas au problème et ne comptent pas mettre en pause les festivités, ici, la cérémonie d’inauguration d’une rame de métro. Pourtant, les signes sont sans équivoque puisque le film s’efforce de délivrer une agression toutes les 10 minutes.
Parmi elles, la première restera probablement dans les mémoires. En effet, la victime n’est autre qu’un adorable bambin. Certes, le drame se déroule hors-champ, mais la séquence n’en est pas moins scandaleuse avec ces sinistres sillons de sang qui mènent à la cave où se trouve l’inconcevable…
Le développement du film Les rats attaquent s’avérera néanmoins nettement moins perturbant… L’assaut d’une salle de cinéma diffusant Le Jeu de la mort (1978), ou la ruée des monstres sur les utilisateurs du métro, n’arrivent pas à la hauteur des descriptions sanglantes et sadiques de James Herbert. Le gore se révèle définitivement trop rare et l’on regrettera la pingrerie du producteur et la timidité de Robert Clouse, incapables de retranscrire les séquences cauchemardesques du livre.
Le travail tue
Sempiternellement moqués pour leur aspect, les bassets héritent ici d’une occasion unique de briller au cinéma. Les saucissons sur pattes se révèlent même l’attraction principale du métrage.
Contre toute attente, grimés en rats gigantesques, les toutous font parfaitement illusion en rats méchants et vicieux. Sales, on les imagine incontestablement tout droit sortis des tréfonds d’égouts infects. À l’écran, le résultat est une franche réussite. Voir courir les immondes créatures en horde fait même froid dans le dos ! Les personnes qui n’apprécient pas les rongeurs tireront la grimace, à coup sûr.
Plus tristement, les teckels offriront l’un des leurs en sacrifice pour le film.
Une production pas à la hauteur des teckels
Si Robert Clouse restera dans les mémoires pour son incroyable Opération Dragon (1973), immortalisant Bruce Lee dans l’un des meilleurs films d’arts martiaux de tous les temps, le réalisateur n’aura pas tant brillé par la suite.
Ses films s’illustrent à travers des sujets intéressants mais un traitement plutôt poussif, à l’image de New York ne répond plus (1975) avec Yul Brunner. Ici aussi, il vendange quelque peu l’un des romans faisant partie du fleuron de la littérature d’horreur des années 70-80. D’ailleurs, James Herbert ne sera pas enchanté du résultat final.
Il faut dire que Robert Clouse semble plus s’intéresser aux intrigues secondaires. Comme l’étudiante un peu naïve qui tente de séduire son professeur qui restera droit dans ses bottes, préférant une femme de son âge… Le film développe ainsi une histoire d’amour peu enthousiasmante. D’autant plus que ce vieux couple ordinaire est incarné par des acteurs faiblement charismatiques. En effet, Sam Groom et Sara Botsford se sont principalement illustrés dans des téléfilms et des séries. Dans un film dont la durée n’atteint même pas les 90 minutes réglementaires, peut-être que le spectateur venu assister à un film d’horreur aurait préféré moins de scènes de courtisanerie et plus de passages correspondant à l’esprit du livre…
Une photo pour finir
Attardons-nous néanmoins sur Lisa Langlois qui incarne cette jolie blonde espiègle cherchant à mettre le vieux professeur dans son lit. L’actrice au joli minois ne bénéficie pas d’un statut de star au sein des aficionados de fantastique. Pourtant, sa filmographie comporte quelques titres qui, à défaut de se révéler de bons films, bénéficient d’affiches alléchantes comme Voyage au bout de l’horreur (1953), Transformations (1988) ou Happy Birthday : Souhaitez de ne jamais être invité (1981). Une carrière discrète mais un parcours honnête, dont le point d’orgue est peut-être Les liens de sang (1978), un film réalisé par Claude Chabrol où elle s’affiche aux côtés de Donald Sutherland.
Après les teckels et Lisa Langlois, Scatman Crothers se présente également comme l’un des éléments les plus intéressants du casting puisque l’on se rappelle sa participation à quelques chefs-d’œuvre intemporels comme Shining (1980) ou Vol au-dessus d’un nid de coucou (1975)
La photographie reste l’élément le plus remarquable du film. Ce n’est pas vraiment une surprise puisque le directeur de la photographie s’est déjà fait remarquer en travaillant avec David Cronenberg sur Rage (1977). Ou à l’occasion de La Petite Fille au bout du chemin (1975), proposant une toute jeune Jodie Foster s’opposant avec courage à un Martin Sheen détestable.
Le travail fourni ici par René Verzier apporte de la crédibilité à l’histoire en conférant un aspect sombre et lugubre à la ville enneigée de Toronto. Au final, et même si Les rats attaquent manque de tension et de gore, le film séduit sur le plan visuel. En particulier lors des séquences qui se déroulent en sous-sol, autrement dit au cœur du sinistre territoire des rats.