Le sang des innocents (2001) – un giallo de Dario Argento
Réalisé en 2001, Le Sang des Innocents marque le retour de Dario Argento au giallo, un genre qu’il a rendu célèbre notamment avec L’oiseau au plumage de cristal, Profondo Rosso ou encore Ténèbres.
Une prostituée réalise que son client est un tueur en série. Dans la panique, elle embarque une pochette bleue en sortant de chez lui. Celle-ci contient les coupures de presse liées à ses meurtres. Hélas, le tueur la rattrape et la tue avant qu’elle n’ait le temps de contacter la police. Néanmoins, un témoin a entendu la victime parler du nain assassin. La police comprend que ce meurtre est lié à une vieille affaire d’un nain qui assassinait les femmes dans un quartier de Turin. Ils contactent l’enquêteur de l’époque, mais celui-ci peine à se souvenir de l’affaire.
Le sang des innocents est un film très psychologique, comme souvent avec Dario Argento. C’était le cas de Profondo Rosso qui remontait à un trauma d’enfance pour expliquer une vague de crimes ou encore le Syndrome de Stendhal dans lequel l’héroïne est marquée par le traumatisme que lui impose le tueur qu’elle pourchasse.
Le personnage du policier souffre d’Alzheimer, ce qui rend plus difficile la recherche de souvenirs de la vieille affaire qu’il pensait résolue. Pour ce rôle, Dario Argento a envisagé d’emblée Max von Sydow, un grand comédien suédois qui a travaillé avec Ingmar Bergman sur Le Septième Sceau, mais aussi avec William Friedkin sur L’exorciste. C’est d’ailleurs William Friedkin qui l’a convaincu d’accepter de travailler avec Dario Argento sur ce projet. Le personnage d’un policier malade lui a tant plu qu’il aurait même voulu tourner une suite.
Le film est construit comme un crescendo avec une scène d’introduction très prenante, comme celle de Suspiria, la victime guide le spectateur à travers un labyrinthe dont elle ne peut s’échapper. La mise en scène sublime cette mort. Le montage s’étire et rend l’agonie abominable, surtout pour la victime. La mort survient lentement, mais demeure inexorable. D’autant que, comme s’il s’agissait de poupées russes, la première mort en cache une autre. Le film fonctionne d’ailleurs beaucoup, dans son intrigue et dans ses meurtres, comme des poupées russes gigognes : les morts s’entrelacent, se suivent, comme les révélations, en cascade.
On y retrouve les mêmes thématiques et obsessions que dans ses précédents gialli. Ainsi, lors des flashbacks nous ramenant à un premier meurtre originel, la scène est livrée de manière cryptique. Il faut alors la décortiquer pour y découvrir des indices. C’est le processus que suivent les deux protagonistes qui s’improvisent enquêteurs sur l’affaire. Mais il y a aussi la symbolique de l’enfance avec la comptine et l’histoire d’un groupe d’enfants mêlés aux meurtres ou encore, les animaux. Dario Argento a souvent mêlé ces derniers à ses gialli comme dans Le chat à neuf queue, L’oiseau au plumage de cristal ou encore 4 mouches de velours gris. Ici c’est tous les animaux de la ferme qui sont cités par l’assassin, mais aussi, le perroquet qui aide l’enquêteur.
Première fois que Dario Argento tourne dans les quartiers périphériques de Turin. Il s’est intéressé à l’architecture de ces lieux où vivaient de grandes familles. Il a profité du fait que ces belles demeures étaient en travaux pour les filmer dans cet état de délabrement qui ajoute à la thématique du fantôme et des réminiscences d’une vieille affaire criminelle. C’est un thème qu’apprécie Dario, qu’on avait déjà dans Profondo Rosso, qui est cité explicitement avec la présence de Gabriele Lavia au casting.
Les marginaux sont mis en avant. Les prostituées sont porteuses de la vérité et vont ressortir cette vieille affaire, mais aussi faire sortir le tueur de l’ombre. C’est un clochard, Leone, qui détient toutes les clés de l’affaire et des souvenirs oubliés. Mais il y a aussi le fameux nain assassin, qualifié de monstre, qui provoque alors l’ire de la police contre toutes les personnes de petite taille de la ville. La figure du monstre hante la pellicule et comme toujours dans le cinéma d’horreur, le monstre n’est jamais qui on croit.
La mise en scène de Dario Argento utilise beaucoup les décors, notamment dans la scène d’introduction où il va se servir de chaque élément propre au train pour créer une séquence immersive et ludique. Dans les scènes suivantes, il met utilise des palaces, villas abandonnées, met en avant des peintures aux murs, et offre à son film des décors somptueux, mais délabrés conférant son aspect gothique au long-métrage. Enfin, la part belle est laissée aux scènes gores qui tapissent le film. Renforcé par les touches de rouge qui émaillent le métrage et constituent un rappel constant de la mort qui plane en chaque instant, menaçant d’engloutir chacun des personnages.