Gamera 2 – L’Attaque de la légion (1996)

L’équipe à l’origine du retour réussi de Gamera se retrouve à l’occasion de Gamera 2 – L’Attaque de la légion pour créer une suite directe au film de 1995. Cette fois, l’humanité affronte une menace extraterrestre, baptisée Légion en raison de son nombre. Heureusement, Gamera veille encore et se dresse pour défendre la Terre.

Regard vers l’occident

Si le premier long métrage portait un regard sur la relation complexe qu’entretiennent les japonais avec leur pays, cette nouvelle intrigue place un point de vue tourné vers l’occident et son invasion culturelle.

Longtemps replié sur lui-même, le Japon a craint les États-Unis et la Russie, notamment pendant la guerre froide. Pourtant, dans le domaine artistique, l’ouverture est réelle. Le cinéma américain influence fortement la culture japonaise, et cela se ressent dans le film. Il reprend de nombreux codes des classiques de science-fiction : une météorite s’écrase, révélant un vaisseau. On y glisse des allusions à Toungouska ou Roswell dans une simple conversation. L’arrivée des créatures de la Légion rappelle les films de drive-in, peuplés de monstres géants. En reprenant ces références occidentales, le réalisateur dénonce une société japonaise en voie de dissolution culturelle. Lorsqu’un personnage évoque une plante extraterrestre modifiant l’atmosphère, la scène coupe sur une supérette décorée d’un poster de Mariah Carey. Le Japonais perd son identité dans un monde saturé d’images étrangères.

Cette fois, la menace vient de l’extérieur. Après le déni et la fuite du premier film, cette suite pose la question de l’identité. Que reste-t-il du Japon en 1996 ? La modernité et la quête de puissance ont-elles effacé les valeurs fondamentales ? Une interrogation qui trouve écho auprès de certains courants conservateurs. La légion détruit tout sur son passage pour imposer un nouvel ordre. Elle représente la peur et le chaos. Kaneko filme ses monstres comme un cauchemar oppressant duquel on ne peut échapper. L’attaque du métro est un bon exemple pour illustrer ce propos. Les passagers, pris au piège, ne peuvent échapper aux longues pattes des créatures qui les broient. La menace est visible lorsqu’il est trop tard, offrant ainsi au spectateur une séquence horrifique. Le Japon a peur de l’inconnu, peur d’être effacé.

Le nom « Légion », emprunté à la Bible, évoque aussi une autre invasion : celle des missionnaires venus convertir le pays au christianisme. La photographie renforce cette sensation de malaise. Ce sentiment est accentué par une photo beaucoup plus sombre que le précédent opus. Elle est marquée par des tons bleu, gris et noir, des couleurs que l’on associe généralement à la dépression. Les attaques des Kaiju ressortent ainsi beaucoup plus, apportant un sentiment de fin du monde. Une nouvelle fois l’humanité se trouve assiégée, restera-t-elle sans rien faire ?

Le réveil

Dans Le Gardien de l’univers, le pouvoir restait passif, aveugle. Ici, la situation change. Dès l’introduction, politiques et militaires prennent des décisions rapides. Ils ont appris de leurs erreurs et considèrent désormais Gamera comme un allié. Leur action reste courageuse, mais leur ignorance limite leur efficacité.

La résistance s’appuie sur la connaissance, incarnée par la scientifique du premier film. L’étude des Kaiji et de leurs faiblesses l’aide à combattre sa peur. Elle transmet ce sentiment autour d’elle, il ne faut plus compter que sur Gamera pour s’en sortir. La légion constituée d’insectes, mélange de fourmis et d’araignées dans son apparence, fonctionne en symbiose sous les ordres de sa reine . Les différents pouvoirs s’unissent à la science pour accompagner Gamera dans sa lutte. Le courage du peuple est mis en avant. Le Japon n’a pas disparu, car ses habitants sont forts. On trouve dans ce discours une forme de propagande appuyée par un ennemi commun. Le regard se porte encore sur l’étranger comme coupable des problèmes de la nation. Cette affirmation est en partie vraie, mais les dissonances de certains personnages refusant d’appliquer les ordres laisse supposer que ce n’est qu’une partie du problème.

Une paix éphémère

Le film se conclut sur une victoire. Gamera triomphe, la paix semble revenue. Mais les destructions sont nombreuses, et le lien entre Gamera et l’humanité se brise avec le Magatama d’Asagi. Rien n’est vraiment résolu. La menace est repoussée, pas effacée. L’Attaque de la Légion se révèle plus sombre que son prédécesseur. Les émotions deviennent plus complexes. Les personnages glissent lentement vers le désespoir sans même s’en rendre compte. La trilogie continue et l’ombre grandit.