Godless: The Eastfield Exorcism (2023) Traitement dangereux
La possession est un genre horrifique qui ne cesse de grandir d’année en année. Il fascine le public malgré la mauvaise qualité de beaucoup de ces productions. Pourtant, il arrive parfois que des petites pépites apparaissent. En provenance de l’Australie, Godless: The Eastfield Exorcism, de Nick Kozakis, apporte de nouvelles pistes.
Dans ce long métrage à petit budget, Nick Kozakis explore les dérives de certains croyants qui remplacent la médecine et l’aide psychologique par la religion. Godless s’inspire de témoignages et faits divers tragiques suite à ces pratiques.
Un mari impuissant
Godless: The Eastfield Exorcism propose dans sa première partie un drame familial, le spectateur suit la tragédie d’un couple confronté à la maladie. Lara, l’épouse, semble déconnectée de la réalité et indifférente au monde qui l’entoure. De son côté, Ron, l’époux, apparaît dès les premières minutes comme désespéré et un impuissant. Dans une église, il assiste à une scène de ferveur religieuse sans trop savoir comment réagir. Le réalisateur choisit de filmer le protagoniste en gros plan pour susciter l’intérêt et la compassion. Cependant, ce sentiment est rapidement brisé lors de la séquence suivante. Pendant une séance de psychothérapie, Ron ne laisse pas sa femme s’exprimer et se montre hostile envers la psychanalyste. Serait-il la cause de la maladie de Lara ? Ou bien ce détachement de la jeune femme cache-t-il quelque chose de plus grave ?
L’intelligence de Godless: The Eastfield Exorcism réside dans cette ambivalence. Le spectateur hésite toujours à savoir qui est la victime de cette histoire. Du point de vue de Lara, elle a vécu un traumatisme majeur lié à la perte d’un enfant et semble plongée dans une profonde dépression et un état psychotique. Son époux prend les décisions à sa place et ne l’écoute pas lorsqu’elle affirme que le traitement médical l’aide à apaiser son état et ses pertes de réalité. De l’autre côté, Ron ne reconnaît plus son épouse et est convaincu que la médecine échoue à la soigner. Il doit faire face quotidiennement à la violence de Lara et à ses crises de somnambulisme.
La mise en scène reste sobre, sans excès de théâtralité, sans maquillage excessif. Les plans sont souvent intimes et naturels dans leur utilisation de la lumière. Ils témoignent du quotidien. Cependant, ce quotidien est rapidement brisé par le basculement de Ron dans l’endoctrinement religieux et sa violence.
Les dangers de la foi
L’épuisement mental de Ron joue un rôle crucial dans l’emprise d’un groupe religieux sur son esprit. Dans ce long métrage, la véritable possession ne vient pas d’un cousin de Pazuzu, mais du fanatisme. Profondément désespéré par son impuissance, Ron est facilement influencé par les paroles d’une pasteure qui prétend que la médecine ne fait qu’aggraver la souffrance de son épouse sans la guérir. Les médicaments sont considérés comme un poison qui l’éloigne de Dieu et facilite la possession par un démon. Lorsque cette idée s’insinue dans l’esprit de Ron, son comportement devient de plus en plus dur et agressif, au point que la psychiatre s’inquiète pour le bien-être de sa patiente. Malheureusement, Lara ne semble pas vouloir échapper à l’emprise grandissante de son mari. Ses visions deviennent de plus en plus présentes, surgissant en éclairs. Cette utilisation crée souvent une sensation inconfortable pour les spectateurs en raison de la rapidité et du manque de clarté. L’image devient progressivement ocre, contribuant à une atmosphère malsaine qui brise la routine quotidienne.
La violence s’insinue lorsque l’exorciste frappe à la porte de la maison. Le calvaire débute pour la pauvre Lara. Le public assiste impuissant à la torture mentale et physique que subit cette pauvre femme implorant sa liberté.
La mise en scène des scènes d’exorcisme est brutale et violente. Celles-ci sont dérangeantes, provoquant le malaise et la colère. Le spectateur a l’impression d’avoir basculé dans une scène d’interrogatoire d’un film de guerre tant ces scènes sont violentes.
L’attitude de Ron irrite le spectateur. Au fur et à mesure, il comprend ce qui se joue et on perçoit ses doutes lorsqu’il contemple la représentation de la souffrance de sa femme et l’empreinte de leur bébé disparu. Pourtant, il ne fait rien pour arrêter l’horreur vécue par son épouse. Il se persuade d’avoir fait le bon choix et que son épouse reviendra vers lui.
Le mal se cache sous le masque de la vertu
L’autre impact important sur le spectateur réside dans l’inversion des rôles, l’exorciste ne représente plus une force positive, mais l’incarnation du mal. Le metteur en scène choisit de le filmer en contre-plongée, jouant avec la lumière pour mettre en évidence la folie dans son regard. Les scènes précédant les exorcismes, face au miroir, illustrent la double personnalité de l’exorciste. Il semble parler à un autre lui-même pour se convaincre de l’importance de sa mission. Cette ferveur religieuse atteint son paroxysme lors d’une séquence d’hystérie collective glaçante, dont les derniers mots du long métrage rappellent la réalité des événements et finissent d’horrifier le public.
Un autre métrage, Le Dernier Exorciste, tente de critiquer ces pratiques et de dénoncer la manipulation exercée par certains croyants, mais il rejette toute cette réflexion dans sa conclusion. Godless ne commet pas la même erreur et poursuit son message et sa sensibilisation jusqu’au bout, avertissant le spectateur des dangers de ces rites.