Au sommaire du numéro 37 de Sueurs Froides :
Val Lewton, Nancy Drew, Ulli Lommel, Flower and Snake, Leprechaun, Patrice Herr Sang, Marian Dora.

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Kamen Rider – L’ère Shōwa (71 à 88) – Les chevaliers à deux roues

Un texte signé Faye Fanel

Nationalité
Japon
Année de production

1971
Réalisation

Minoru Yamada, Kimio Hirayama, Itaru Orita
Titres alternatifs

Kamen Raidâ tai Shokkâ, Kamen Rider vs. Jigoku Taishi, Gonin Raidā tai Kingudāku, Gekijō-ban Kamen Raidā Sūpā Wan
Interprètes

Hiroshi Fujioka, Takeshi Sasaki, Hiroshi Miyauchi, Shunsuke Takasugi...

La culture japonaise, à la fois riche en traditions et pleine d’exubérance, regorge de trésors populaires. Le Tokusatsu en est l’un des piliers. Apparu en 1954 avec Godzilla, il rassemble toutes les productions cinématographiques et télévisuelles, faisant appel à des effets spéciaux. Avec les années, le genre s’est diversifié, aux impressionnants Kaiju s’ajoute une palette de héros masqués aux tenues colorées. Kamen Rider, tout comme Godzilla, symbolise ce sous-genre. Apparu en 1971 et toujours présent aujourd’hui, ce justicier à l’allure d’insecte est devenu un véritable phénomène au Japon. Sa longévité et son influence rappellent celles de Doctor Who au Royaume-Uni.

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Kamen Rider, la naissance d’un mythe

Dans les années 70, la télévision dépasse le cinéma en popularité. Le pays traverse une crise, notamment à cause du choc pétrolier. Pour économiser, les Japonais se retrouvent plus volontiers devant leur téléviseur. Les studios, eux aussi, réduisent le budget de leurs productions cinématographiques pour privilégier la télévision, moins coûteuse. Dans ce climat, la chaîne MBS cherche un programme peu onéreux pour remplir un de ses créneaux.

Le producteur Toru Hiramaya contacte alors le mangaka Shôtarô Ishinomori pour lui proposer un projet mêlant série télévisée et manga. Rapidement, les deux créateurs s’accordent pour développer l’histoire d’un homme transformé en cyborg après un attentat terroriste. La série, plutôt sombre, met en scène ce héros, Kamen Rider, essayant de stopper les terribles Shocker tout en tentant de garder son humanité.

Pour concevoir les costumes, Ishinomori s’inspire des insectes et particulièrement de la menthe religieuse pour incarner le super-héros, symbole de la justice. Kamen Rider débute en 71 avec un succès croissant. La licence se compose de mangas, de différentes séries et de films. Malgré les pauses imposées par les différentes crises, la licence ne perd jamais son aura auprès de ses fans qui lui vouent un culte, s’arrachant chaque produit dérivé.

Du petit au grand écran

Pour attirer les spectateurs en salle, la Toei organise pendant les vacances le Toei Manga Matsuri, un programme composé de trois œuvres mêlant animation et prises de vue réelles. Dans ce contexte, le studio mise sur le succès grandissant de Kamen Rider et propose en 1971 un premier programme : une version longue d’un épisode de la première saison. Face à l’enthousiasme du public, la Toei lance rapidement la production d’un épisode spécial. Les enfants, qui chantent le générique de Kamen Rider en chœur pendant les projections, confirment l’engouement familial autour du personnage. Chaque année, les jeunes admirateurs du chevalier à moto profitent ainsi d’un événement dédié, parfois enrichi d’épisodes spéciaux réunissant plusieurs incarnations du Rider, à la manière des Avengers dans les comics.

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La recette magique

La structure narrative de Kamen Rider reste simple et répétitive. Après un accident ou une attaque terroriste, un homme, suite à une opération, devient une sorte de cyborg. Sa mission : lutter contre les terroristes responsables de son malheur. En début d’épisode, le Rider croise souvent la route d’un innocent à protéger ou part à la recherche d’un objet important. Les ennemis surgissent, et le combat commence. Les personnages bondissent, tout explose autour d’eux. Alors que la situation semble désespérée, le héros masqué puise une nouvelle énergie pour vaincre le mal. Ce schéma narratif, répété à chaque épisode, peut finir par lasser. Il est d’ailleurs fréquemment tourné en dérision. Les Inconnus, par exemple, s’étaient amusés de cet univers dans leur parodie de Bioman. Pourtant, réduire Kamen Rider à une simple succession de scènes kitsch serait bien trop simpliste.

À l’image des films de Kaiju, ce super-héros reflète le Japon de son époque. On y retrouve des thèmes forts comme l’écologie, la politique, l’amour du pays et de ses valeurs. La jeunesse y occupe une place centrale. Il faut ajouter à cela des musiques entraînantes, des scènes de combat dynamiques et bien chorégraphiées. Il ne faut surtout pas oublier dans la recette les impressionnantes cascades à moto, les maquettes soignées et les effets pyrotechniques.

Les années 70

Les films représentent une bonne entrée en matière pour découvrir la force de Kamen Rider, il n’est pas nécessaire de connaître l’univers pour être diverti et comprendre ses enjeux.

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Kamen Rider contre Shocker – 1972

Tourné en parallèle de la série, ce long-métrage permet de faire le lien entre les deux Kamen Rider. Durant la saison 1, ajouter une virgule l’acteur incarnant le premier Rider s’est blessé durant une cascade le forçant à prendre du repos pendant plusieurs mois. Pour poursuivre la série, la production introduit alors une nouvelle incarnation du justicier.

Cet épisode spécial puise son inspiration dans les films de la Hammer, et plus particulièrement dans ceux mettant en scène Dracula, avec un antagoniste aux allures vampiriques, un thème très en vogue à l’époque. Comme souvent, le héros doit sauver un scientifique menacé, dont l’invention pourrait provoquer une catastrophe mondiale si elle tombait entre de mauvaises mains. Le film traite d’une peur déjà évoquée dans Godzilla : celle de la technologie et des désastres qu’elle peut déclencher. L’ombre de Hiroshima plane encore sur l’imaginaire collectif.

L’angoisse se renforce grâce au travail effectué sur l’éclairage. Celui-ci utilise des filtres colorés vert et violet apportant une ambiance démoniaque renforcée par le contraste entre l’ombre et la lumière. Le cadre, généralement resserré sur les protagonistes, cache à la fois le petit budget de la production et renforce la tension dramatique en enfermant les personnages dans un espace clos. La mise en scène déborde d’ingéniosité : par exemple, l’usage de mousse pour représenter une désintégration permet de réduire les effets coûteux tout en conservant l’horreur propre aux Shocker, sans choquer le jeune public. En parallèle, les combats gagnent en dynamisme grâce à une caméra fluide et toujours en mouvement, qui met en valeur le talent des cascadeurs.

Kamen Rider contre L’ambassadeur infernal – 1972

On suit Kamen Rider 2 et son allié, un agent du FBI, infiltrer une base ennemie pour libérer un scientifique. Le récit délaisse l’horreur au profit d’une ambiance d’espionnage, teintée d’influences western et cartoonesques. Malgré une relation complexe avec les États-Unis, les œuvres américaines inspirent souvent la franchise, notamment à travers des références à leurs films et dessins animés. Le film jongle entre les phases sérieuses d’action et d’infiltration et un humour plus burlesque apportant un souffle plus léger.

Le réalisateur doit faire face au départ prématuré de l’acteur principal, ce qui entraîne quelques coupes abruptes où le héros réapparaît soudainement en costume, sans transition. Moins profond que le précédent opus sur le plan thématique, L’Ambassadeur Infernal s’impose néanmoins comme un divertissement efficace, porté par son sens du spectacle. Le point fort du film réside dans ses courses-poursuites à moto, exécutées par les comédiens eux-mêmes. La réalisation alterne gros plans et vues aériennes, permettant au public de suivre l’action avec clarté tout en situant les personnages au cœur des scènes explosives, parfois réalisées au péril de leur vie.

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Kamen Rider V3 contre les mutants de Destron – 1973

Après 98 épisodes, la première série s’achève. Dans la foulée, la production lance une nouvelle aventure : Kamen Rider V3. Moins sombre que la précédente, cette version incarne une figure lumineuse de la justice. Le nouveau Rider inspire la jeunesse à se battre pour un avenir plus radieux. En 1973, un nouveau film voit le jour, toujours destiné à une diffusion lors du Toei Manga Matsuri, afin de valoriser cette image positive auprès du jeune public. Mais la sortie ne se fait pas sans controverse. Lors du tournage d’une scène d’explosion sur une petite île, les effets pyrotechniques, trop puissants, provoquent une catastrophe écologique : les poissons meurent et la végétation locale subit de lourds dégâts. Une enquête s’ouvre, et le réalisateur reçoit un blâme.

Malgré cet incident, Kamen Rider V3 rencontre un grand succès. L’équipe livre un film épique, mettant à l’honneur des héros déterminés à empêcher leurs ennemis de corrompre une technologie capable de remplacer le pétrole comme source d’énergie. Le rythme effréné du film maintient l’attention du spectateur sans relâche, enchaînant tremblements de terre, affrontements spectaculaires et courses-poursuites.

Kamen Rider contre King Dark – 1974

Nouvelle série, nouveau film : le public découvre Kamen Rider X, un héros animé par le désir de se venger de l’organisation terroriste responsable de son malheur. Ce long-métrage marque un tournant en réunissant pour la première fois cinq Riders, un événement exceptionnel à l’époque. Ensemble, ces justiciers unissent leurs forces pour affronter la menace.

L’intrigue met en avant le courage, la solidarité et l’esprit collectif du peuple japonais. À travers cette alliance héroïque, le film célèbre le cœur et l’histoire du pays. Sur le plan esthétique, l’œuvre renoue avec l’imaginaire des films de monstres. L’antagoniste, King Dark, figure divine gigantesque, reflète les craintes persistantes liées aux sectes et aux mouvances d’extrême droite qui gagnent en puissance.

On retrouve un jeu très théâtral qui n’a pas peur d’en faire des tonnes, accentué à outrance par des zooms. Le but est de renforcer les enjeux dramatiques, mais cela provoque le rire chez le spectateur. Il en va de même avec certaines coupes abruptes avant une explosion aux accents de nanar. Pourtant, ces éléments touchent le spectateur en jouant sur la nostalgie. Le film assume pleinement son style, porté par des hymnes épiques et optimistes qui rappellent l’enfance. Le dernier plan, où les Kamen Riders saluent le public, évoque avec tendresse les westerns classiques américains, avec les héros s’éloignant dans le soleil couchant.

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Les années 80

Kamen Rider : les huit Rider contre le roi galactique – 1980

À la fin des années 70, un nouveau type de héros envahit les écrans : les Super Sentai et les combattants en armure connaissent un véritable essor. Le public s’enthousiasme pour des séries comme X-Or, tandis que la science-fiction gagne en popularité, portée par le succès planétaire d’une trilogie débutée en 1977 dans une galaxie très lointaine. Des productions comme San Ku Kai rencontrent un franc succès auprès des spectateurs. Après une période de discrétion, Kamen Rider revient en force pour fêter ses dix ans avec un film réunissant les huit Riders existants. Ce long-métrage adopte un ton plus promotionnel, bien qu’il conserve une certaine affection pour ses personnages.

L’intrigue place à nouveau les héros masqués face à une menace cherchant à s’emparer des plans d’une invention cachée… dans le collier d’un chien envoyé sur Terre par un scientifique. Cette introduction, très proche de Star Wars : Un nouvel espoir, rend aussi hommage à 2001, l’Odyssée de l’espace, notamment par son superbe design de vaisseau spatial. Après plusieurs séries au ton plus enfantin, Ishinomori souhaite renouer avec l’esprit originel de la saga. Il utilise les codes de la science-fiction pour explorer des thèmes plus profonds, comme la quête d’humanité et le désir de paix du protagoniste.Malgré sa vocation commerciale, Les Huit Riders contre le Roi Galactique offre un divertissement solide, inspiré des classiques de la SF des années 50. Les décors, à la fois épurés et rétro pour l’époque, renforcent cette filiation visuelle.

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Kamen Rider Super 1 – 1981

Dans cette nouvelle série, Kamen Rider prend les traits d’un astronaute engagé dans un projet secret de la NASA visant à créer un super-explorateur de l’espace. Après une attaque ennemie , le héros subit une opération qui le transforme. Il se retrouve ensuite dans un temple au Japon, où il apprend à maîtriser ses nouvelles capacités.

Cette série se distingue par son mélange habile de gadgets, de super-héros et d’arts martiaux. L’influence des films de Jackie Chan, très populaires dans les années 80, s’y fait clairement sentir. La transformation du Rider rend même hommage à l’une des techniques emblématiques de Chan, un clin d’œil que l’on retrouve également dans Dragon Ball d’Akira Toriyama, lorsque Goku utilise le Kamehameha. Le Rider en quête d’équilibre utilise les arts martiaux pour contrôler son pouvoir et son côté négatif.

Cette maîtrise s’avère précieuse lorsqu’il doit sauver des enfants et stopper un gigantesque vaisseau en forme de dragon, semant la destruction sur son passage. Le design de l’engin, ainsi que les effets spéciaux, sont le point fort du métrage par leur beauté. On trouve de plus beaucoup de soin apporté aux scènes d’action, assurant ainsi un excellent divertissement. Les enfants occupent à nouveau une place centrale, symbolisant un avenir prometteur, protégé par la silhouette bienveillante du Mont Fuji, que l’un des Riders décrits comme le gardien du Japon.

Le film n’échappe cependant pas à une logique commerciale. On y retrouve un caméo des Riders précédents, une panoplie de gadgets et les célèbres motos, fidèles destriers du justicier. Celle de Super-1, en particulier, évoque les véhicules de la police américaine, comme on en voyait dans la série CHiPs à la même époque.

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Kamen Rider Black: Mission urgente à Onigashima – 1988

Après une nouvelle pause, la série revient avec Kamen Rider Black, un héros aussi sombre que son armure. Initialement prévu comme un reboot, le projet finit par s’intégrer à la continuité de la saga. La série aborde les angoisses qui traversent le Japon à la fin de l’ère Shōwa : les sectes religieuses gagnent du terrain, l’économie vacille à cause d’une nouvelle crise, et le moral national plonge.

Kamen Rider Black affronte une vague de disparitions d’enfants. Quand la jeunesse est menacée, le héros à moto entre en action. Les ennemis cherchent à corrompre les bambins pour les transformer en monstres et semer le chaos. Le film convoque l’imaginaire des peurs enfantines avec le fameux monstre sous le lit. L’apparence des créatures très axée sur les fleurs et les plantes peut être perçue comme une force animiste souvent présente dans le folklore japonais. La nature se révolte face à la noirceur de l’humanité. Malgré cette ambiance angoissante et plusieurs idées intéressantes, le film laisse une impression de produit marketing destiné à vendre des jouets. Son potentiel dramatique se voit ainsi un peu étouffé.

Kamen Rider Black Horreur au manoir du col du diable – 1988

L’ère Shōwa se clôt par une dernière aventure teintée d’horreur, un genre cher à Ishinomori. Le créateur, fidèle à lui-même, n’hésite pas à apparaître en caméo au fil des films pour rappeler le message de paix que le héros incarne. Cet opus adopte une esthétique typique de l’époque, mettant en avant la technologie. La transformation du Rider évoque la série L’Homme qui valait trois milliards, mettant en avant les progrès scientifiques.

Dans cette histoire, le héros affronte une secte mystérieuse ainsi que son double négatif : son propre frère. Cette confrontation annoncée laisse espérer un duel à forte portée psychologique, où le chevalier se mesurerait à ses propres démons pour mieux comprendre ses traumatismes. Malheureusement, cette promesse ne se concrétise jamais. Le duel n’a pas lieu, laissant un goût d’inachevé. Autre déception, le robot géant, conçu par un scientifique sous la menace de la secte. Présenté comme la menace ultime pour le Rider, l’engin ne se met jamais en mouvement. Pire, il explose avant même d’entrer en action. Malgré ces frustrations narratives, le film conserve son attrait grâce à des scènes d’action toujours efficaces, pleines d’inventivité, même avec un budget très restreint.

Kamen Rider L'ère Shōwa 01

Vers l’avenir

La licence Kamen Raider réussit à traverser les décennies en faisant briller les yeux des enfants et en inspirant les plus grands à ne jamais abandonner et se battre pour un meilleur futur. Le justicier à moto réussit à se réinventer et à rester connecté à son époque pour toujours atteindre le cœur de sa cible, encore aujourd’hui.



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Article rédigé par Faye Fanel

Ses films préférés - Chantons sous la pluie, The Thing, La maison du diable, Evil Dead 2, Fire walk with me... Ses auteurs préférés - JRR Tolkien, Stephen King, Amélie Nothomb, Lovecraft, Agatha Christie... J’adore le cinéma d’horreur et parler de mes nombreuses passions dans mes podcasts sur James & Faye ainsi que sur le site Les Réfracteurs.