Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

Hong-Kong - 1981 - Kuei Chi Hung
Titres alternatifs : Gu
Interprètes : Ngaa Fai, Chan Lee Lee, Melvon Wong, Lam Wai Tu, Fan Lei

retrospective

Bewitched

BEWITCHED est une réalisation de Kuei Chi Hung, un prolifique cinéaste hongkongais ayant travaillé longtemps pour la Shaw Brothers et dont la spécialité était le film de sorcellerie, un sous genre typiquement local du cinéma d’horreur et d’exploitation. Le cinéaste a donc livré la fameuse trilogie HEX mais aussi CORPSE MANIA, CURSE OF EVIL et le très cinglé THE BOXER’s OMEN dans ce genre particulier. Plus généralement, il fut un véritable spécialiste de l’exploitation capable de torcher aussi bien une imitation des comédies kung fu de Jackie Chan (COWARD BASTARD) qu’un décalque des “porno nazi” en vogue dans les années 70 (CAMP D’AMOUR POUR CHIENS JAUNES) ou un film à la gloire des triades (THE TEA HOUSE). Bref, pas le style à œuvrer dans la dentelle fine et BEWITCHED s’inscrit clairement dans la catégorie des métrages excessifs prêts à toutes les outrances pour satisfaire le spectateur pervers.
La première demi-heure de ce titre rappellera sans doute aux connaisseurs BLACK MAGIC, un métrage antérieur de la Shaw Brothers qui lança la mode de la sorcellerie sur grand écran. Avec un certain soin, le scénario nous conte donc les démêlées d’un beau jeune homme marié parti s’encanailler en Thaïlande. Là il s’offre du bon temps en compagnie d’une demoiselle trop naïve à qui il promet le grand amour et toutes ces sortes de choses. Evidemment, rentré au bercail hongkongais, notre séducteur délaisse vite sa conquête mais celle-ci, pour sa part, ne l’a pas oublié. Voici donc notre Don Juan asiatique pris au piège de redoutables envoûtements…Il devra demander l’aide d’une sorte d’exorciste local pour se dépêtrer de la magie noire.
BEWITCHED installe son récit et prend son temps pour construire son climat d’angoisse, plutôt bien entretenu même si le cinéaste ne peut s’empêcher de glisser quelques passages gentiment gore ou érotiques. Le début du métrage donne immédiatement dans le glauque avec la découverte du corps pourrissant d’une fillette retrouvée un énorme clou planté dans le crâne. L’ombre des réalisateurs italiens de la même époque plane donc sur ce BEWITCHED que l’on devine influencé par l’école Lucio Fulci (pour le côté craspec) et Mario Bava / Dario Argento (pour la photographie très contrastée). Durant près d’une heure, le cinéaste désire manifestement ancrer son intrigue dans un certain réalisme et ne distille les informations qu’au compte-goutte, le flic menant l’enquête allant de découvertes en découvertes.
Mais, lors de sa seconde moitié, la folie gagne l’écran et la cohérence scénaristique en prend un coup tant Kuei Chi Hung semble alors uniquement soucieux d’en rajouter une couche. Fluides corporels visqueux, vomissements, jets de sang, tuerie de poulet pour le seul plaisir de choquer, rituels délirants exécutés à grand renfort d’effets spéciaux kitsch, etc. BEWITCHED sort le grand jeu d’autant que chaque sortilège nous est présenté de manière très documentaire, pratiquement accompagné de sa petite recette de “cuisine”. Les affrontements entre le bon sorcier et son collègue maléfique occupent donc la quasi-totalité des dernières 45 minutes, laissant de côté l’intrigue précédente, pourtant assez bien ficelée et relativement originale. Un peu comme si le cinéaste, trop réfréné dans son imagination délirante, avait soudain laissé libre cours à ses penchants les plus bizarres. Malheureusement, le tout manque vraiment de profondeur et le public trouvera difficilement quelqu’un à qui s’identifier: Stephen, notre touriste adepte des bordels thaïlandais, s’avère vraiment peu sympathique, le flic nonchalant manque de poigne et de charisme et nos deux magiciens sont réduits à des silhouettes hurlant des sortilèges en touillant des mixtures répugnantes. Et il faut avouer que le résultat de tant d’excès s’avère plus propice à sourire qu’à frissonner tant certaines séquences ne sont pas rappeler la pantalonnade ILS SONT FOUS CES SORCIERS.
La fin très abrupte du métrage n’aide pas non plus à en garder une impression pleinement positive même si le cinéaste reprendra les événements juste à ce moment dans sa suite / remake THE BOXER’s OMEN.
BEWITCHED est donc, en résumé, un produit tout à fait standard mais loin d’être désagréable. Il lui manque sans doute la rigueur de BLACK MAGIC ou la folie furieuse de THE BOXER’s OMEN mais, dans l’ensemble, le métrage offre au spectateur ce qu’il est venu chercher: du pur cinéma d’exploitation jouant la carte de l’horreur et de l’érotisme (très soft) avec une certaine efficacité.
Les amateurs apprécieront l’effort mais les néophytes risquent de trouver la recette un poil indigeste.


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- Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer

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