Un texte signé Patryck Ficini

France - 1960 - Claude Ferny (Peter Marsch)
Titres alternatifs : Kill Kill Gang Bang

chroniques-infernales

Cette Rousse est explosive

Une super-agent de la CIA enquête sur des taupes communistes infiltrées au sein d’une base secrète américaine, perdue dans les glaces du Pôle.
Claude Ferny restera avant tout comme l’auteur d’un inoubliable roman d’horreur, J’ETAIS JACK L’EVENTREUR, sans doute l’un des meilleurs et des plus méchants bouquins sur le thème.
Il n’en faudrait pas pour autant oublier le Ferny auteur de romans policiers classiques (LA BAIE DES MORTS ETRANGES est très sympa ; LE TEMOIN NE PEUT PAS PARLER et L’ETRANGLEUR, beaucoup moins), de romans noirs hargneux (qu’il qualifiait de « romans sociaux ») comme POUPEES ATTENTION N’EMBARQUEZ PAS ou FRED PROTECTEUR DE FILLES. Sans oublier le “culte” cité par Jean Rollin TU ETERNUERAS DANS LA SCIURE (Rollin grand connaisseur du polar français des années 50 comme le prouvent ses articles et préfaces cultivées et passionnantes). Ferny toucha même à l’érotisme pur (pour l’époque) avec LA CHAIR QUI FLAMBE, pas mal du tout pour les amateurs.
Ferny commit enfin des romans d’espionnage assez nerveux à l’heure où Coplan et OSS 117 cartonnaient. On peut citer SABOTAGE A CARNAVERAL avec son héroïne fille d’un gangster passé sur la chaise et d’une prostituée. De l’espionnage un peu longuet mais avec des meurtres au stylet pré-Argento !
L’originalité de Ferny dans le genre fut assurément de prendre des femmes espionnes comme personnages principaux, un peu comme la mode du roman noir féminin chère à Roger Dermée l’exigeait à l’époque : La Mome Double-Shot et sa fille, One-Shot (lire à ce propos un très bon dossier dans CHERI-BIBI N°5), de Georges Maxwell, les « mômes » d’André Héléna himself.
Il y eut ainsi la Colibri de SABOTAGE A CARNAVERAL ou Jessie-La-Rousse qui apparut dans au moins trois bouquins sur la petite dizaine de romans d’espionnage signés Ferny (ou plutôt Peter Marsch ou Jim Hamilton !).
Jessie est ainsi l’héroïne amorale et meurtrière de CETTE ROUSSE EST EXPLOSIVE, paru chez Détective Pocket en 1963 mais déjà édité en 1960. Un belle fille ultra sexy comme le popularophile les aime ; qu’on en juge, P. 13 :
« Jessie-la-Rousse devait autant à son sex-appeal qu’à son intelligence et à son courage les succès remportés par elle dans l’espionnage et le contre-espionnage. La robe blanche qui la moulait étroitement accentuait les saillies de sa poitrine largement décolletée et de ses hanches houleuses, qui allumaient le feu dans le regard des hommes. Ses grands yeux violets battaient doucement sous les longs cils rimmelisés et à chaque fois qu’elle remuait la tête sa luxuriante chevelure fauve cascadait sur ses épaules laiteuses. »
Son supérieur veut la saouler pour la violer dans son bureau !!! Délirant. Fernyen. Imagine-t-on M. Smith désireux de sodomiser OSS 117 (non pas celui des Jean Dujardin, le vrai) ?
Mama mia ! que l’on reconnaisse ici publiquement les indéniables attraits de Jessie comparée à la concurrence des super-mâles dominants de l’espionnage. Jessie allie la beauté des OSS girls à l’efficacité d’H.B.B en personne. Ferny signe un véritable roman féministe qui démontre que les femmes n’ont rien à apprendre des hommes, dès 1960 et avant la magnifique et plus littéraire Modesty Blaise de Peter O’Donnell.
Si les bouquins de Maxwell ont vieilli avec leur écriture à la Cheyney ou à la San-Antonio première manière, le style fluide et parfait dans sa simplicité, sans pour autant s’avérer plat, de Claude Ferny permet aujourd’hui encore une lecture aisée d’un roman comme CETTE ROUSSE EST EXPLOSIVE.
Le bouquin est trépidant. Il s’y passe toujours quelque chose. Ferny signe là un modèle du roman de gare avec espions, à étudier dans les écoles !
Ca n’arrête pas : combat aérien, piège démoniaque (le couloir de la mort, P. 37, avec vaporisation d’acide et mitrailleuses sortant des murs faute de mots de passe) étranglement démentiel de son amant par Jessie après une somptueuse nuit d’amour, P. 48-49 :
« Les mains serrèrent davantage, le visage du sergent devint cramoisi, vira au violet. Sa langue, énorme, darda hors de sa bouche tuméfiée sur laquelle s’étalait le rouge à lèvre de Jess. »
Nécromantisme !
Jessie est une casse-cou ( ses prouesses en avion) mais aussi une tueuse de sang-froid, fanatisée à la cause des U.S.A. Rien ne l’arrête, aucun scrupule, aucune victime.
Elle empoisonne ainsi plus d’une centaine de communistes pour s’emparer de leur base secrète, entraînant par sa maladresse la mort d’un collègue… plutôt que la sienne ou celle de son (nouvel) amant ! Pas folle, la guèpe…
Les Amerloques débarquent dans la base… qui explosera bientôt à la bombe atomique, causant cette fois la mort d’une nouvelle centaine de militaires de la Bannière Etoilée…
Dans un genre où les morts violentes ne se comptent plus, Ferny met le paquet et va plus loin que ses confrères. OSS et Coplan sont des durs, Jessie tue sans conscience. Elle tue ! non, elle extermine !
Evoquons pour finir cette scène digne de Bruno Mattei où Jessie et ses compagnons sont empoisonnés (on ne sait si l’antidote absorbé va fonctionner) et sont saisis d’infâmes colliques :
« Leurs vomissements et leurs défécations se mêlèrent en un magma immonde et ils sombrèrent tous les trois dans l’inconscience. »
Et après, il faudra nettoyer tout ça.
Amis de la poésie et du glamour, bonjour ! Vous voyez une scène comme ça dans un James Bond, vous ?


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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