Un texte signé Jérémie Vey

Japon - 1973 - Yasuzo Masumura, Yoshio Inoue
Interprètes : Shintaro Katsu, Kei Sato, Ko Nishimura, Toshio Kurosawa

retrospective

Hanzo The Razor

Pourtant, pas de Kenji Misumi dans ce coffret. L’éditeur ne propose en effet que les deux derniers films de la trilogie dans son coffret, à savoir L’ENFER DES SUPPLICES, réalisé par Yasuzo Masumura et LA CHAIR ET L’OR, de Yoshio Inoue. Il est bien dommage de ne pouvoir apprécier l’ensemble de la série, mais ce n’est que partie remise puisque HK devrait prochainement éditer le premier film. Concentrons nous donc, pour le moment, sur ce que nous avons sous la main, à savoir deux films aussi déjantés que décomplexés.
Hanzo est un policier qui officie dans la capitale du Japon. Ses méthodes radicales font de lui le meilleur agent du pays, résolvant les enquêtes les plus sordides du Japon.
Dans L’ENFER DES SUPPLICES, Hanzo est confronté à un réseau de prostitution impliquant l’un des membres les plus importants du Shogun, et dans LA CHAIR ET L’OR, il doit retrouver le responsable du vol du trésor du gouvernement.
Ce qui caractérise le personnage de Hanzo, c’est d’abord son coté anticonformiste, le bonhomme étant toujours insolent envers ses supérieurs hiérarchiques corrompus. Magobei, son supérieur direct, devient ainsi un élément comique du fait de ses relations avec Hanzo : à la fois apeuré par ce flic charismatique, et jaloux de son habileté à résoudre toutes ses enquêtes, Magobei est traité comme un moins que rien par Hanzo, sans pouvoir agir contre lui à cause de sa réputation sans faille. Et bien sûr, Magobei n’est pas le seul à souffrir de l’insolence de Hanzo. En effet, celui ci n’a aucun respect pour toute forme de hiérarchie, et il traite chacun de ses supérieurs de la même manière, sans jamais employer des gants. Si bien que Hanzo est détesté par chacun d’eux, d’autant qu’il officie souvent pour contrecarrer leurs plans.
Dans la série, l’autorité prend donc un sale coup puisqu’elle est constamment remise en question et même dénigrée. Mais Hanzo n’agit pas de la sorte gratuitement. S’il méprise autant ses supérieurs, c’est parce que ceux-ci sont tous plus corrompus les uns que les autres. De Magobei, qui tente par tous les moyens de sous-tirer de l’argent pour arrondir ses fins de mois, jusqu’aux intendants du Shogun qui s’adonnent aux pires méfaits, aucun d’eux n’est digne de respect.
Ainsi, si elle possède de nombreux aspects humoristiques, la série n’en est pas moins nihiliste au possible. A travers les enquêtes de cet inspecteur hors du commun, les pires travers de la société sont mis en exergue. C’est là qu’intervient tout le contexte sexuel, sans aucun doute le thème majeur et fédérateur des films qui constituent cette saga. Et c’est par cet aspect que les Hanzo se différencient des films d’exploitation nippons auxquels nous sommes habitués. Car s’ils n’évitent pas les affrontements au sabre, les gadgets dignes de James Bond et les effluves de sang, ceci ne constitue qu’un élément mineur de ces films. Le sexe a donc une grande importance dans la série.
Tous les puissants corrompus qu’affronte Hanzo montrent un intérêt tout particulier pour l’argent. Mais ici, l’argent leur permet d’assouvir leurs fantasmes les plus pervers. Viol, sadomasochisme, torture et autres déviances de ce genre sont des éléments récurrents des aventures de Hanzo. A commencer par Hanzo lui-même, d’ailleurs. Sa réputation de meilleur policier du pays est en effet en majeure partie due à son sexe d’une taille impressionnante. Ainsi, les génériques des films nous montrent Hanzo qui entraîne son membre en le frappant avec un bâton ou en perçant des sacs de riz. Par la suite, son sexe démesuré devient un instrument de torture imparable, et chacune des femmes qui subit le supplie de Hanzo ne peut résister devant le plaisir qu’il leur confère. Celui-ci se sert donc des méthodes perverses de ses ennemis pour parvenir à ses fins.
Cet aspect demeure sans doute l’élément le plus déroutant de la série. Mais c’est aussi ce qui lui donne tout son potentiel comique. En effet, la misogynie du personnage, ainsi que son ego démesuré deviennent tellement extravagants qu’il est difficile de les prendre au premier degré, et bien souvent, on rit devant tant d’exagération. Le jeu du grand Shintaro Katsu va droit dans cette optique, puisque son sérieux inaltérable face à des situations si burlesques ne peut que provoquer l’amusement.
Mais ceci met aussi en exergue le pourrissement de la société, qui n’est plus régi que par le vice. La misogynie et les méthodes outrancières de Hanzo deviennent en effet bien légères en comparaison des actes atroces auxquels se livrent les autres personnages, tous plus pervertis les uns que les autres.
HANZO THE RAZOR est donc une série à ne pas mettre entre toutes les mains, tellement elle pourrait être prise pour ce qu’elle n’est pas. Elle se révèle en revanche très intéressante pour tout amateur d’exploitation japonaise car elle dépasse tous les carcans du genre, et traite de thèmes très sérieux sur un ton comique des plus délirants. Une vraie réussite donc, anticonformiste et drôle au possible, qui reflète bien l’état d’esprit général de l’époque à laquelle elle a été tournée.


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- Article rédigé par : Jérémie Vey

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