Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

Grande-Bretagne - 2008 - Steven Sheil
Titres alternatifs : Mum and Dad
Interprètes : Perry Benson, Dido Miles, Olga Fedori, Ainsley Howard

BIFFF 2009review

Mum and Dad

Production volontairement crasseuse évoluant dans le style du Torture Porn, ce mini-budget anglais s’apparente surtout à une parodie dégénérée de soap-opéra à la fois drôle et immonde. Petit coup marketing supplémentaire, MUM AND DAD eut droit à une sortie simultanée dans les salles de cinéma anglaises et via la vidéo à la demande sur Internet. Une initiative intéressante sans doute appelée à être renouvelée dans les prochaines années pour les métrages désargentés.
L’intrigue, très simple, tient de l’argument pur et simple mais permet au réalisateur Steven Sheil de laisser parler ses pulsions les plus trash avec une bonne volonté rappelant les œuvres les plus excessives de la catégorieIII hongkongaise, EBOLA SYNDROME ou THE UNTOLD STORY en tête.
Lena, une jeune femme originaire d’Europe de l’Est, travaille depuis peu à l’aéroport de Heathrow, en compagnie de Birdie et de son frère Elbie. Après avoir raté son bus, Lena accepte l’invitation de ses deux collègues et les suit jusque dans leur maison familiale. Sur place elle fera la connaissance de Papa et Maman, deux malades mentaux ne vivant que pour le sexe, la torture, la violence, le sadisme et le cannibalisme.
Steven Sheil signe ici son premier long-métrage, une sorte de relecture inversée des derniers métrages hollywoodiens (HOSTEL en tête) affirmant que l’Europe de l’Est constitue une zone dangereuse où vivent des êtres (à peine) humains monstrueux. Dans MUM AND DAD ce sera au contraire notre immigrée qui tombera entre les mains d’une famille anglaise cachant sa déviance totale derrière l’apparence respectable d’un petit pavillon de banlieue. Et en matière de folie, la petite communauté s’avère particulièrement cinglée.
Nous trouvons donc Papa, un obsédé aimant découper en morceau ses victimes et se masturber dans les morceaux de viandes fraiches sous l’œil ravi du reste de la famille. Maman, pour sa part, préfère torturer ses victimes en les tailladant de toute part. Birdie, la fille adoptive, cache mal sa nature de petite peste manipulatrice ayant manifestement pris goût aux supplices subis et Elbie, enfin, se retranche derrière son mutisme. Vivant une existence simple en volant tout ce qu’ils peuvent parmi les colis « oubliés » à l’aéroport, nos quatre détraqués prennent joyeusement leurs repas en se touchant partout et regardent en boucle des pornos sur leur téléviseur.
A l’heure où le cinéma d’horreur cherche désespérément un nouveau souffle en proposant des déclinaisons de SAW ou des remakes de succès des années 80, Steven Sheil donne dans une voie plus personnelle et dérangeante. Ayant assimilé les classiques d’antan (MASSACRE A LA TRONCONNEUSE en tête), l’extrême gore des torture porn récents et l’humour provocateur des productions Troma, MUM AND DAD s’affranchit de toutes limites et propose un spectacle assez réjouissant.
Si les premières minutes du métrage laisse présager un énième torture-porn (soupirs !), la suite verse davantage dans la parodie sanglante où domine un humour noir secouant. Dido Miles (Maman) et Perry Benson (Papa) sont tous deux des vétérans des feuilletons anglais bien pensant et l’idée de génie de Steven Sheil consiste à leur demander de jouer leur rôle à la manière de personnage de soap. Leur anormalité flagrante n’est jamais véritablement remise en question tant Maman et Papa semblent persuader d’incarner un certain idéal familial en péril. Ainsi, lorsqu’Elbie renverse une série de sac poubelle contenant des abats humains dégoulinant de sang, les parents le réprimande gentiment, comme si l’événement s’apparentait simplement à une bouteille de lait renversée sur le carrelage. Peter Benson mène d’ailleurs superbement la danse en composant un personnage savoureux à la croisée du bon vivant débonnaire type « gros ours sympathique » et du taré homicide irrécupérable.
Au fil du métrage, Steven Sheil se rapproche donc de plus en plus d’un soap-opéra dont toutes les conventions auraient été revues sous l’angle de l’excès et de la décadence. Le derniers tiers du film nous convie ainsi à une fête de Noël particulièrement cauchemardesque, le cinéaste attaquant frontalement toutes les conventions de ce genre de célébration en les pervertissant joyeusement.
Est-ce à dire que MUM AND DAD constitue une pleine réussite ? Non, pas vraiment, car le métrage se montre nettement moins intéressant lorsqu’il s’éloigne un tant soit peu de sa famille de tarés. Ainsi, le personnage de Lena apparaît peu développé et ses vaines tentatives pour s’échapper de la maison échouent à provoquer le moindre attachement de la part du spectateur. L’intrigue, très simple, tourne également rapidement en rond et les excès proposés finissent par se ressembler tant le début du métrage frappe très fort et ne parvient pas à maintenir véritablement le même niveau, à l’exception du final déjà cité où Sheil brise les derniers tabous subsistant en massacrant la sacro-sainte tradition de Noël.
MUM AND DAD reste donc une petite surprise sympathique dont la volonté manifeste de choquer attire immédiatement l’attention des fans de cinéma déviant. Quoiqu’il patine un peu en se vautrant dans la fange, Steven Sheil réussit donc son coup en proposant un petit produit provocateur dont les excès gore et humoristiques semblent parfaitement adaptés à l’ambiance survoltée des festivals spécialisés.


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- Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer

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