Un texte signé André Quintaine

Turquie - 2006 - Mustafa Altioklar
Titres alternatifs : Beyza'nin kadinlari
Interprètes : Tamer Karadagli, Demet Evgar, Levent Üzümcü, Arda Kural, Engin Hepileri

review

Shattered Soul

A Istanbul, la police est sur les dents. Des jambes tranchées sont retrouvées dans le port ! Qui peut bien être assez tordu pour commettre des crimes aussi atroces ! L’enquête piétine mais l’inspecteur en charge de l’affaire découvre finalement un nom. Il n’imagine pas encore que derrière ce nom se cache une seule et unique personne et qui en porte beaucoup d’autres.
Alors qu’il s’annonce dès les prémices comme une passionnante enquête policière à la SEVEN, très rapidement, SHATTERED SOUL se focalise sur la suspecte numéro 1 de tous ses crimes, ou plutôt, les suspects. L’actrice Demet Evgar incarne Beyza, mariée à un psychiatre qui travaille pour la police. Elle est une jeune femme tout ce qu’il y a de plus normal, si ce n’est qu’elle abrite plusieurs personnalités. Tour à tour femme fatale, femme enfant ou extrémiste religieuse, on pourrait presque voir en ce personnage une représentation de la Turquie, pays aux visages multiples.
Mais SHATTERED SOUL rappelle plutôt ces thrillers très en vogues à la fin des années 80 et au début des années 90 où les psychopathes s’avéraient victimes de troubles de la personnalité et dont les climax pourvoyaient de nombreuses surprises. L’explication du tourment de Beyza nous entraîne également dans une enquête qui faisait la joie des fans de Giallo. C’est élément n’est malheureusement qu’effleuré et le film préfère s’inspirer du cinéma de l’oncle Sam. C’est avec beaucoup de naïveté que SHATTERED SOUL copie le cinéma américain d’il y a une vingtaine d’années et cela se ressent instantanément à l’écran. Les protagonistes sur réagissent lors de certains événements et l’attention que porte le réalisateur à sa star paraît un peu puérile. Certes, Demet Evgar passe sans problème d’une interprétation à une autre mais le passage de témoins aurait pu se faire d’une manière moins présomptueuse. La scène emblématique est celle du monologue/duel devant un miroir entre la Beyza désirable et la Beyza puritaine. Pour un public occidental gavé par les performances d’acteur, la séquence sonne un peu trop « m’as-tu vu »…
Pour le reste, SHATTERED SOUL souffre d’un découpage un peu brouillon et il faudra suive si l’on ne veut pas se perdre dans les méandres d’un scénario qui n’a pas de complexe avec les ellipses. De même, la dernière demi-heure tourne un peu trop autour du pot. Une fois Beyza inculpée, tout indique qu’elle est bien la meurtrière, à moins qu’il ne s’agisse d’un complot machiavélique ? De nombreuses surprises sont au rendez-vous. Quoi qu’il en soit, on trouvera de nouveau une pique envers les Etats-Unis. Dans D@BBE, c’est l’Internet, nouveau symbole de l’impérialisme américain, qui propage les suicides et le virus en Turquie. Dans SHATTERED SOUL, l’assassin, homme ou femme (gardons le suspens pour ceux qui n’ont pas encore vu le film) a vécu aux Etats-Unis. Nul doute que c’est là-bas qu’il a hérité de ce sens de la perversion. Les meurtres empruntent d’ailleurs leur visuel à la série des SAW, films bien connus pour leur penchant à décrire une violence perverse et sadique.
SHATTERED SOUL marque une nouvelle étape pour le cinéma Turque. De tous les films Turques contemporains que nous avons évoqués à Sueurs Froides, SHATTERED SOUL est sans doute celui qui se rapproche le plus des standards occidentaux, ne serait-ce que par ses incursions dans le gore (jambes tranchées) et l’érotisme puisque nous avons droit à une poitrine dénudée ! Malheureusement pour les garçons, l’actrice ne possède pas le charme des femmes turques. En revanche, les filles seront aux anges avec des mecs virils comme c’est pas permis : carrés, bruns, moustache fournie. Rien à voir avec les gringalets imberbes du cinéma américain. Ils n’hésitent pas non plus à cogner les témoins quand ils ne veulent pas partager leurs informations, ce qui n’est pas fait pour déplaire.
Techniquement, la naïveté et l’enthousiasme dont fait preuve le métrage rappelle le cinéma asiatique d’il y a quelques années ce qui apporte un brin de fraîcheur au métrage et excuse certaines imprécisions. SHATTERED SOUL peut certainement s’avérer un choix judicieux si vous désirez retrouver le suspens des psycho-thrillers d’il y a 10-15 ans.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : André Quintaine

- Ses films préférés : Frayeurs, Les Griffes de la Nuit, Made in Britain, Massacre à la Tronçonneuse, Freaks

Share via
Copy link