Un texte signé André Cote

Grande-Bretagne - 2005 - David Smith
Interprètes : Billie Piper, Luke Mably, Sam Troughton, Emma Catherwood, Alsou

review

Spirit Trap

De nos jours, des jeunes gens se rassemblent dans une maison isolée. Après avoir réparé l’horloge du hall d’entrée, de curieux phénomènes se manifestent.
L’Angleterre est décidément le pays où le cinéma fantastique se porte de mieux en mieux. Ainsi, après THE CREEP ou 28 JOURS PLUS TARD, voici ce SPIRIT TRAP qui revisite un autre genre ultra codé : la maison hantée.
Ce film se verra ainsi comparé sur bien des points au récent HANTISE de Jan de Bont, mais le film prend surtout comme modèle LA MAISON DU DIABLE de Robert Wise, l’original donc. De ce fait, le réalisateur, David Smith, qui en est à son premier film (ce qui, d’office, rend le métrage plus sympathique), privilégie une approche plus psychologique que le remake de son prédécesseur. Ici, pas de surenchère d’effets numériques ou si peu, David Smith choisissant de les harmoniser avec le contexte qu’il s’évertue à mettre en place. Les effets spéciaux sont mis en avant dans la simple optique d’illustrer un propos, de rendre plus limpide une situation qui aurait été confuse sans eux. Il montre toutefois beaucoup de retenue à leur utilisation. Pour les amateurs de grands frissons, le film n’a pas les allures d’un train fantôme mais celles d’une étude de caractères.
Cependant, on peut percevoir un problème d’effet narratif : le pré-générique, au demeurant sympathique, est purement gratuit. On y voit un sans abris se faire tuer par une tuile tombée du toit. Son potentiel sympathie provient de l’ambiance : une photographie aux inspirations gothiques du plus bel effet (sans pour autant filmer des gargouilles et diverses statues de démons, en somme le cliché des films gothiques) avec un mélange de bleu nocturne et de blanc neigeux ; une musique simple mais entêtante. Une introduction qui gagne notre adhésion sans difficulté.
Toutefois, cette bonne impression passée, force est de reconnaître son artifice : le film aurait pu débuter après le générique, cela n’aurait absolument rien changé à sa compréhension. En fait, ce pré-générique sert à introduire, maladroitement, l’idée de la malédiction, élément crucial de tout film de maison hantée. Maladroitement puisqu’il faut attendre l’avant-dernière scène du film pour s’en rendre compte, un clin d’oeil un peu forcé : une tuile se détachera à nouveau lors de la dernière scène, le résultat s’avérant différent pour aboutir à la déduction suivante, « la malédiction est levée ». Cependant, il ne s’agit là que de défauts minimes lorsque l’on constate le travail fourni par les techniciens et les acteurs.
Ainsi, le film propose une étude psychologique de ses personnages. L’étude, il est vrai, reste conventionnelle car aucun personnage ne révèle une quelconque originalité. Pourtant, elle ne fait jamais tomber le métrage dans l’ennui, un petit exploit en somme. Beaucoup de films se perdent dans cette étude, entendez par là qu’ils en deviennent redondants, le plus difficile étant de maintenir un minimum d’attention avec un sujet mille fois rabattu dans le même métrage : ce sont toujours les mêmes personnages avec le même problème, comment ne pas perdre l’intérêt du spectateur avec le développement et l’approfondissement de ceux-ci ? A ce titre, il convient de revoir LA MAISON DU DIABLE, le film matriciel des « maisons hantés ».
Aussi, en raison de l’utilisation des effets visuels, on sera plutôt tenté de rapprocher SPIRIT TRAP de HANTISE. On peut se demander si c’est la seule question du budget qui a interdit à l’équipe de réellement déployer une pléthore d’effets visuels. Les a-t-il contraints à se contenter de la simple performance des acteurs ? Toutefois, les quelques effets visuels restent efficaces et convaincants. Et en jouant à chercher les différences entre SPIRIT TRAP et HANTISE, on retrouve alors quelques scènes en commun : la visite de la demeure et les disputes au sein du groupe.
Dans HANTISE, la découverte des lieux était pesante en raison de l’utilisation d’une caméra peu adéquate (toujours des plans d’ensemble fixes) et qui ne mettait jamais en valeur les sublimes décors filmés. A contrario, les différents travellings et panoramiques de SPIRIT TRAP réussissent à donner une réelle sensation d’exploration et de profondeur. Ils parviennent à rendre palpable un sentiment de claustrophobie fort bienvenu et réussissent de cette manière à donner de l’ampleur à des décors qui, au premier abord, auraient pu en manquer. En effet, la bâtisse de SPIRIT TRAP est nettement moins volumineuse que celle de HANTISE. De plus, les conflits entre les personnages révèlent une justesse de ton, dénotant d’une direction d’acteurs convaincante et d’une parfaite compréhension des enjeux dramatiques en œuvre ici. Lorsque, dans HANTISE, les personnages étaient en conflit, les motivations étaient si mal expliquées que l’on arrivait à se demander pourquoi ils se bornaient à rester dans cette demeure. Au contraire, dans SPIRIT TRAP, notre empathie est telle qu’il nous paraît naturel que les personnages ne pensent pas à s’échapper de celle-ci. Les différents enjeux clairement expliqués n’aboutissent pas immédiatement à la déduction suivante : leurs problèmes viennent de la maison. En fait, le scénario réussit à multiplier les fausses pistes.
De leur côté, les acteurs parviennent à ne pas tomber dans le cabotinage, même si certains le frôlent dans le dernier tiers du film. Il s’agit là d’un risque inévitable en raison de la « désinhibition » nécessaire à l’épanouissement du climax. Un risque d’autant plus grand étant donné les caractéristiques de leurs personnages : la médium, la gothique, le dealer de drogue… Un rassemblement réfléchi mais la justesse de ton des acteurs produit une alchimie naturelle qui facilite notre adhésion au suspense distillé par le film, ce suspense ménagé par les révélations concernant la malédiction du film. A ce moment, le scénariste choisit d’enraciner les origines de celle-ci dans un climat social, offrant au film une réflexion un peu inopportune puisqu’il fait dériver le film vers une thématique qui n’était pas mise en place : le racisme. On peut regretter que cette réflexion n’ait pas été plus poussée, ce qui aurait permis au film de voler vers de plus hauts cieux, mais tel n’est visiblement pas le propos du réalisateur.
SPIRIT TRAP en devient un film de maison hantée très sympathique et efficace. Il ne réserve aucune surprise mais reste prometteur quant à la carrière de ce jeune réalisateur qu’est David Smith. Il ajoute son nom à la liste des films fantastiques anglais qui viennent poindre le bout de leur nez dans notre contrée et ceci pour notre plus grand plaisir.


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- Article rédigé par : André Cote

- Ses films préférés : Dark City, Le Sixième Sens, Le Crime Farpait, Spider-Man 3, Ed Wood

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