Concrete Utopia (2023) – post-apo en huis clos
Oscillant entre le film catastrophe et le film de zombie par ses thématiques, Concrete Utopia adapte au cinéma le webtoon Pleasant Bullying.
Un puissant tremblement de terre détruit la ville de Séoul ainsi que les environs. Au milieu des décombres, comme par miracle, un immeuble reste debout. Alors qu’une vague de froid mortel frappe la Corée, les survivants du séisme se dirigent vers le bâtiment intact pour y trouver refuge. Si dans un premier temps les co-propriétaires sont plutôt accueillants, en voyant qu’aucun secours ne vient, ils se demandent s’ils peuvent encore se permettre d’avoir autant de bouches à nourrir. C’est alors que des tensions naissent et des alliances se tissent.
Post-apo en huis clos
Concrete Utopia n’est pas très différent des films de catastrophe ou plutôt de zombies. Car ici on ne s’intéresse pas tant à comment survivent les personnages, mais comment ils s’organisent ensemble. Une fois la précédente société effondrée, une nouvelle se bâtit. Seulement, avec l’état de crise, cette nouvelle société s’avère plus cruelle qu’on ne l’aurait pensé, plus violente aussi. Comme souvent dans les films de zombies, les survivants se montrent plus dangereux que la menace première ayant provoqué le séisme ou même le froid mortel.
Seulement, ici il n’y a pas de zombies, pas de militaires, pas d’hommes d’actions ni de journalistes en quête de vérité, il n’y a que des gens ordinaires, des petits propriétaires qui veulent garder leur confort bourgeois. Le fait que leur immeuble soit préservé leur laisse croire qu’ils pourraient continuer leur vie comme si de rien n’était, et mais les survivants venant du dehors leur rappellent la dure réalité qu’ils voudraient fuir. Ils ne peuvent donc accepter leur présence, leur misère. Évidemment, le film critique notre société où chacun s’accroche à ses privilèges et préfère ignorer la catastrophe écologique, dans laquelle on nous nous trouvons déjà.
Adaptation d’un webtoon
Concrete Utopia est l’adaptation cinémathographique du webtoon coréen Pleasant Bullying. Même si le film a procédé à quelques changements. Le héros n’est pas un adolescent, mais un trentenaire qui vit avec sa jeune épouse dans un bel appartement. Tout leur souriait jusqu’à ce que le monde s’effondre et pour le jeune homme, il est impossible de renoncer à la vie qu’ils se sont bâtis. Comme ses voisins, il espère secrètement pouvoir continuer son train de vie et considère les réfugiés comme une menace à sa petite vie. Peu enclin à partager, les habitants vont rapidement se constituer une armée pour régner en maître sur le quartier.
Le héros est donc un antihéros, il est lâche et sa bonne réputation ne lui échoue que par une suite de circonstances hasardeuses. Mais il n’est pas le seul à en profiter. Young Tak, un charismatique et mystérieux inconnu qui parvient à éteindre un incendie va se voir propulsé à la tête du conseil des habitants, en chef de cette petite armée. Peu à peu, le film nous montre un homme prêt à tout pour survivre, devenir un vrai tyran, gangréné par le pouvoir avec surtout, la peur de le perdre. Le film nous montre ainsi des gens ordinaires qui, mués par la terreur, sont prêts à tout, y compris à commettre des atrocités qu’ils n’auraient jamais osé commettre autrement.
Un casting réussi
Young Tak est campé par Byung-Hun Lee, un comédien talentueux que l’on a pu voir notamment dans A Bittersweet Life ; Le bon, la brute et le cinglé ; J’ai rencontré le Diable ; ou encore Squid Game plus récemment. Captivant de sa première apparition jusqu’à la dernière image, on ne peut quitter son visage des yeux et on déteste la caméra dès qu’elle s’en éloigne. Tae-hwa Um le réalisateur a conscience de la trempe de son acteur puisqu’il lui a destiné un personnage complexe que le film va nous permettre de découvrir couche après couche.
Troisième long métrage de Tae-hwa Um, ce dernier avait déjà exploré les catastrophes dans son second film Vanishing Time. Son jeune comédien, Seo-Joon Park, a fait ses armes dans Parasite, mais aussi The Marvels. Deux films qui devraient lancer sa carrière. À ce stade, occuper un rôle aussi ambivalent est une prise de risque qu’il remplit parfaitement. Bo-Young Park incarne sa compagne, douce et délicate au début, elle se montre finalement plus résiliente et intelligente que son mari.
Mais quelques ombres subsistent au tableau
Ce fond des plus intéressants est parfois desservi par l’image. Si la grisaille est de bon ton avec ce qu’il se passe, on regrette de n’avoir plus de nuance de couleur, plus de chaleur et de couleurs rougeoyantes quand la violence éclate. Mais ce qui est le plus regrettable reste les effets spéciaux numériques pas toujours heureux. Comme c’est le cas dans la mise en image de la catastrophe en elle-même, notamment sur les plans larges.
Malgré ces défauts, la mise en scène de Concrete Utopia reste proche de ses personnages et permet de s’immerger pleinement dans leur vécu en adoptant leurs regards.