Sin'Art a dédié la Scare-ific Collection aux poverty row. Six titres, tous sous-titrés en français et accompagnés du serial Undersea Kingdom en bonus :

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Mort de peur – Trop belle pour la Mort

Un texte signé André Quintaine

Nationalité
USA
Année de production

1947
Réalisation

Christy Cabanne
Titres alternatifs

Scared to Death
Interprètes

Bela Lugosi, George Zucco, Nat Pendleton, Molly Lamont, Joyce Compton, Gladys Blake, Roland Varno...

Mort de peur est l’un des derniers films de Christy Cabanne qui s’éteindra trois années plus tard. Si le nom ne vous dit rien, c’est peut-être parce que l’on trouve beaucoup de films insignifiants dans sa filmographie, pourtant débutée dès l’aube du muet. À cette période, il participe même à la mise en scène de Ben-Hur (1925). Mais, lorsque le cinématographe se met à parler, le réalisateur a bien du mal à trouver sa place. D’ailleurs, son œuvre la plus fameuse, La Main de la Momie en 1940, remake de La Momie (1932), n’a rien de bien folichon…

Laura Van Ee est morte. À la morgue, allongée sous son drap blanc, elle raconte en voix off comment elle en est arrivée là ! Ward, son mari et son beau-père, le Dr. Joseph, la séquestraient. Prisonnière dans sa propre maison, elle voyait son état psychique se dégrader irrémédiablement. Pire, un mystérieux personnage tout droit issu de son passé hantait la maison depuis peu et nourrissait sa paranoïa. De plus, la visite de personnages douteux, comme l’obscur professeur Leonide et son compagnon nain Indigo, n’arrangeait pas non plus la santé de la malheureuse…

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Un scénario ébouriffant

Dans Mort de peur, les personnages dissimulant un lourd secret sont légion. À un point tel qu’au bout de dix minutes de métrage, on se surprend même à espérer un bon film, bigre ! Néanmoins, le produit retrouve très vite les principaux défauts affectant les poverty row… Ainsi, les séquences se suivent sans avoir franchement de rapport entre elles. Fait notable, la fin oublie carrément de livrer les éclaircissements sur plusieurs points qui semblaient pourtant cruciaux quant au passé de certains protagonistes.

En conséquence, on ne saura pas pourquoi Laura ne doit pas fatiguer son beau-père ni les motifs de l’antipathie de Ward et son père envers elle. On ne saura pas non plus pourquoi le patriarche ressent la nécessité de recourir à un garde du corps… N’espérez pas non plus savoir pourquoi Leonide et Indigo frappent à la porte de la maison, et encore moins ce qui empêche le Dr. Joseph Van Ee de mettre à la porte le journaliste importun qui s’impose dans sa demeure sans raison apparente…

À la décharge des auteurs, les loupés retentissants ne s’arrêtent pas en si bon chemin…

À un moment donné, Laura et Ward se chamaillent au sujet d’une robe. L’épouse tend alors l’étoffe à son mari en exigeant qu’il la reprenne : « C’est la seule chose qu’on ait jamais partagée. » On peine à imaginer Ward déguisé en robe, mais bon, passons, ce n’est peut-être pas ce qu’il fallait entendre dans cette réplique… D’autant plus que le bout de tissu fera de nouveau parler de lui. Plus tard, l’épouse retrouve effectivement sa robe sur les épaules de la bonne qu’elle s’empresse d’accuser de vol. Comme le film ne suggère à aucun moment l’éventualité que Laura puisse être amnésique, on en conclut que nous avons affaire ici à une grossière erreur de script.

Et puis, il fallait quand même oser donner la solution de l’énigme dans le titre au film ! Autant dire que l’effet fait un plouf retentissant à la fin de l’affaire lorsque le médecin légiste révèle avec solennité ce qui a tué Laura.

On ne sera donc pas étonné qu’un scénario aussi défaillant annihile toute chance d’envisager un Oscar. Pour autant, Mort de peur et son lot d’incohérences peuvent facilement postuler pour un visionnage entre amis imbibés de bière.

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Des acteurs à la fête

L’ambiance est effectivement à la plaisanterie. Bela Lugosi semble d’ailleurs prendre bien du plaisir. L’acteur, célèbre pour avoir incarné le compte Dracula en 1931, cabotine tout en incarnant un personnage que l’on a bien du mal à cerner. Cela ne l’empêche pas de se montrer immédiatement sympathique, dès son entrée fracassante à la neuvième minute. À peine a-t-il franchi le palier qu’il s’adresse à Bill, l’ex-flic qui sert de garde du corps au Dr. Joseph :

« Il y a un air d’inquisition sur votre visage qui me blesse profondément. Quelque chose me fait penser à Scotland Yard, la Sûreté française, les Caribinieri italiens, les Brizaï turcs et autres sous-fifres de la justice. »

Puis, adoptant une moue fortement méprisante et contrariée : « En gros, Monsieur, je crois que vous êtes flic. »

Le policier, la cible de tant de dédain, joue alors l’idiot, se réjouissant d’avoir été reconnu, inconscient du sarcasme contenu dans les propos du professeur Leonide. Cet exemple illustre à quel point les interactions entre les différents personnages représentent l’un des points forts du film…

Dans les poverty row, le comique de service génère plus souvent la gêne que le sourire. En particulier lorsque le malheureux est noir ; le racisme de l’époque se manifeste alors de manière désagréable. Mais ici, il faut avouer que ce personnage de policier raté allègrement malmené par l’ensemble des protagonistes attire franchement la sympathie. Ainsi, la bonne s’entête à résister à ses avances tandis que le journaliste rappelle sans cesse sa médiocrité en tant que représentant de la loi. Laura, d’origine française, portera le coup fatal en lançant au pauvre bougre une insulte fréquemment usée de par chez nous pour humilier son ennemi : « Fils de cochon ! ».

L’humour employé reste néanmoins bon enfant, jamais méchant. D’ailleurs, nul doute que la galerie se serait montrée plus respectueuse si elle avait été informée que Nat Pendleton, qui incarne leur souffre-douleur, avait décroché la Médaille d’argent de lutte libre en catégorie poids lourds aux Jeux olympiques d’été de 1920 à Anvers !

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Ici, les facéties du bougre valent bien celles d’un Lou Costello, le petit gros du duo comique Abbott et Costello, connu en France sous le sobriquet des « deux nigauds ». Son personnage ne réclame qu’une seule chose… Un petit coup de pouce du destin avec « un joli petit meurtre » qui lui permettra d’avoir une chance de passer pour un héros et d’être réintégré à la Criminelle d’où il a été viré pour incompétence. De même, lorsque la bonne, assommée, se réveille et gifle notre flic amoureux transi, celui-ci s’empresse de répondre : « Professeur, remettez-la en sommeil, c’est mieux ».

Parmi les autres énergumènes qui portent le film, on trouve la star déchue George Zucco, surnommé le Bela Lugosi du pauvre, habitué aux films fantastiques fauchés, au point d’en être devenu l’un des emblèmes. Mais aussi Angelo Rossitto, le compagnon de voyage de Bela Lugosi, et que l’on reconnaît immédiatement, rescapé de l’un des chefs-d’oeuvre les plus définitifs du cinéma : Freaks, la monstrueuse parade (1932). L’acteur a principalement incarné des nains non crédités dans d’innombrables films de séries B et Z, comme Dracula contre Frankenstein (1971) ou Terrified (1962). Mais il a aussi participé à des classiques comme L’Autre (1972). Jeter un œil sur sa filmographie donne en tout cas envie de s’y plonger plus sérieusement car c’est tout un pan du cinéma d’une époque révolue qui se livre à nous. Néanmoins, dans Mort de peur, on regrettera que le bel Angelo se contente malheureusement de déambuler dans des couloirs. Son personnage n’apporte, à vrai dire, aucune plus-value au film, si ce n’est par son charisme inquiétant.

Molly Lamont, pour sa part, incarne une de ces femmes fatales que l’on essaye de faire sombrer dans la folie, à l’instar des héroïnes que l’on rencontrait dans les drames familiaux de l’époque, comme Rebecca (1940). La comédienne d’origine britannique dispose d’une évidente prestance. Mais le drame qu’elle subit se voit systématiquement confronté à des scènes humoristiques, altérant l’intensité qu’elle s’emploie à conférer à son personnage.

Une situation aberrante qui démontre de manière assez éclatante le mérite des acteurs qui ont malgré tout réussi à porter un scénario aussi chaotique. La prestation générale est exemplaire, permettant de suivre avec amusement cette succession de séquences qui n’a certes ni queue ni tête, mais qui ne connaît pas l’ennui. Au point qu’aucune scène n’est à jeter ! Par ailleurs, Mort de peur est l’un des rares films en couleur dans lequel apparaît Bela Lugosi. Sur ce point, les teintes agréables donnent même l’impression d’assister à un film tourné dans les décors du Crime était presque parfait (1954). Enfin, on appréciera la révélation finale replaçant de manière intéressante le film dans le contexte de son époque juste après la défaite des nazis.



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Article rédigé par André Quintaine

Ses films préférés - Frayeurs, Les Griffes de la Nuit, Made in Britain, Massacre à la Tronçonneuse, Freaks... Passionné de cinéma de genre, oeuvre également sur les blogs ThrillerAllee consacré au cinéma allemand et L'Écran Méchant Loup dédié aux lycanthropes au cinéma