BIFFF 2008 - Quelques jours dans la peau d’un zombie par Philippe Delvaux

2. Bifff 2008 – La vie est un éternel recommencement

Lorsqu’en 2020 on jettera un œil rétrospectif sur le cinéma des années 2000, il faudra bien se rendre à l’évidence qu’il n’aura pas produit énormément d’œuvres originales. Ou plutôt que celles-ci auront régulièrement été étouffées par la surabondance des remakes parfois contemporains des originaux. Et pour quelques modernisations et relectures réellement originales ou réussies (L’ARMÉE DES MORTS, MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE, LES INFILTRÉS…) combien de produits sans âme, affadissant même parfois l’œuvre dont ils sont l’ersatz.

Plus encore que d’autres genres, le fantastique est coutumier des suites et des remakes. Le BIFFF s’en fait donc logiquement l’écho et nous proposait cette année THE EYE (Palud et Moreau), FUNNY GAMES US (Michael Haneke se succédant à lui-même), SHUTTER (Masayuki Ochiai), THE WIZARD OF GORE, FIST OF THE NORTH STAR et THE FALL.

THE EYE est évidemment la relecture du titre homonyme des frères Pang, qui eux-mêmes avaient produit leur œuvre dans la foulée du succès de THE RING (dont on a cessé de compter les remakes, variations ou réutilisations des gimmicks). Faute d’avoir vu la transcription de Palud et Moreau (ben oui, deux salles… faut parfois faire des choix), nous ne nous étendrons pas sur THE EYE. Pour l’anecdote, si THE EYE des frères Pang avait en son temps été présenté au BIFFF, le lendemain de la projection de son remake, le public pouvait découvrir THE DETECTIVE… le nouveau Oxyde Pang.

SHUTTER part du même principe qui guide la plupart des remakes : américaniser le produit… même si (et c’est à bien y regarder très souvent le cas) la réalisation reste confiée à un réalisateur étranger, ici le japonais Masayuki Ochiai, chargé de refaire le film d’un compatriote. A l’instar de THE EYE, l’original avait lui aussi été présenté au BIFFF, mais peut-on parler vraiment parler « d’original » pour un produit qui, tout comme la réalisation des frères Pang, s’inscrivait clairement dans la mouvance des films de fantômes asiatiques dont les canons ont été redessinés par RINGU. En conclusion, SHUTTER 2008 est l’exemple type du remake inutile et sans saveur.

THE WIZARD OF GORE s’inscrit lui aussi dans une tendance récente, celle de la redécouverte d’Hershell Gordon Lewis… par le biais de remakes. L’année dernière, le BIFFF nous faisait redécouvrir le 2001 MANIAC, cette année, c’était au tour de WIZARD OF GORE. Les films de Lewis n’ayant pas toujours bien passés l’épreuve du temps, une relecture peut ici faire sens. Le parti pris de Jeremy Kasten est de recréer une ambiance onirique qui hésite entre sérieux et second degré. Le résultat est étrange, un peu raté et passablement foutraque. Le gore se combine aux nudités. On peut douter du résultat (tout comme les programmateurs du BIFFF, qui ont confiné le film dans la petite salle) mais les amateurs de films malades y trouveront sans doute leur compte.

Michael Haneke a retourné plan par plan son FUNNY GAMES de 1997 (comme avait pu le faire dans les années ’80 Gus Van Sant sur le PSYCHO d’Alfred Hitchcock) afin que – production américaine – il soit vu par une audience plus large. Le remake s’offre donc ici en copie à l’identique, à l’opposé de toute idée de modernisation ou d’adaptation. L’idée est donc de faire voir un film dorénavant américain à des américains que révulse de plus en plus l’idée de regarder quelque chose qui n’aurait pas été tourné chez eux. Peu utile si vous avez vu la version précédente. Sinon, ne ratez pas cet avatar tétanisant de violence.

FIST OF THE NORTH STAR n’est pas vraiment un remake. Cet anime est une nouvelle adaptation du manga que l’on connaît mieux sous nos latitudes sous le titre KEN LE SURVIVANT. La série télé qui en a été tirée jadis a connu chez nous son heure de gloire (mais dans une version censurée) sous la houlette de Dorothée à la fin des années ’80 et certains se souviennent sans doute aussi de l’adaptation live. Ce nouvel anime, au format de long métrage, en annonce clairement d’autres (l’intrigue n’est que très partiellement résolue), ce qui se fera sans notre concours. Que les fans nous maudissent s’ils le veulent, nous n’en démordons pas : FIST OF THE NORTH STAR est affligeant de bêtise, mal scénarisé, mal mis en scène, doté d’une violence censément extrême mais en réalité absolument inoffensive et définitivement plombée par des personnages pleurant toutes les cinq minutes. En bref, un navet !

On finira ce tour des remakes par THE FALL, adaptation d’un film bulgare de 1981. Mais notre culture cinématographique connaissant des limites, nous ne pouvons comparer faute d’avoir jamais vu l’original. Même diminué par quelques faiblesses, THE FALL est un grand spectacle graphique, visible tant par des enfants que par des adultes. Nous vous renvoyons à la recension du film.

In fine, s’il y a bien un « remake » qui emporte le morceau, c’est DOOMSDAY. Le généreux Neil Marshall ne refait officiellement aucun film, mais ses emprunts sont tellement évidents pour le fan que nous le considèrerons comme tel (voir notre critique). Et si le film mérite notre attention, c’est que le civet préparé par l’anglais mêle harmonieusement les extraits des différents films qui le composent. Un film de collage, certes, mais qui réussit à se créer une identité propre, parfaitement fonctionnelle, et pour un résultat totalement jouissif.

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