Un texte signé Frédéric Pizzoferrato

Chine, Japon, Corée, Hong Kong - 2006 - Jacob Cheung
Titres alternatifs : Muk gong
Interprètes : Andy Lau, Ahn Sung-kee, Fan Bing Bing, Wu Ma, Nicky Wu.

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A Battle of Wits

Cette grosse co-production asiatique (Japon, Corée, Hong-Kong), adaptée d’un manga à succès, est une nouvelle adition au cycle des films historiques inspirés du Wu Xia. Ceux-ci récoltent généralement un bon accueil, tant critique que publique, et BATTLE OF WITS ne déroge pas à la règle après L’EMPEREUR ET L’ASSASSIN, HERO ou encore LA CITE INTERDITE et SEVEN SWORDS.
L’intrigue suit les pas de Ge Li, un émissaire des Mozi, décidé à mettre sa connaissance de la stratégie aux services du petit royaume de Liang, assiégé par les armées vingt fois plus nombreuses de Zhao. Mais, au fur et à mesure de ses succès, Ge Li s’attire la jalousie des notables du Liang alors qu’il éprouve un certain respect pour ses adversaires.
BATTLE OF WITS est un beau grand film épique, un poil académique, mais suffisamment travaillé pour maintenir l’attention du spectateur durant plus de 130 minutes. Il s’intéresse surtout à l’aspect “plus grand que nature” de cette guerre dans laquelle les protagonistes ne sont que des fétus de paille. Jacob Cheung se livre à une réflexion pacifique pas vraiment novatrice mais assénée sans lourdeur, même si on n’échappe pas à une certaine naïveté. Le scénario, linéaire, s’éloigne d’ailleurs des clichés du nouveau Wu Xia Pian pour retrouver une simplicité plus typiquement hollywoodienne qui doit beaucoup aux récentes réussites du genre, tel TROIE ou KINGDOM OF HEAVEN. Les lecteurs de fantasy et en particulier de la saga “Légende” de David Gemmell y retrouveront aussi ce souffle épique, lorsque les guerriers retrouvent la foi et la rage de se battre contre une force ennemie beaucoup plus importante. Jacob Cheung prend aussi le temps de nous présenter une galerie de personnages attachants, lesquels ne sont ni des héros ni des salauds. Ces guerriers n’ont souvent pas choisi la voie du sabre mais ils sont condamnés à se battent l’un contre l’autre. Pourtant, ils pourraient tout aussi bien boire un verre de vin et discuter si ils se retrouvaient dans le même camp. BATTLE OF WITS évite d’ailleurs le manichéisme en peignant un juste portrait du général Zhao, lequel s’avère en définitive plus respectable que le souverain de Liang, véritable tyran dissimulant (de moins en moins) sa cruauté envers son peuple. Une population d’ailleurs bien peu concernée par cette guerre absurde et dont les paysans seront les premières victimes. L’un d’eux ne dit il pas: “A quoi bon combattre, que nous payons les taxes à Zhao ou à Liang ne changera rien à nos vies”.
Le scénario a beau être simple dans sa trame générale, il multiplie les sous intrigues et n’oublie pas l’inévitable romance, laquelle est traitée avec beaucoup de retenue et évite les clichés. Dommage qu’elle ne soit pas toujours particulièrement crédible, la nouvelle beauté asiatique Fan Bing Bing se révélant un peu fâde dans son rôle de femme amoureuse décidée à abandonner son poste de chef de la cavalerie pour le beau Andy Lau.
Une grand partie du temps de projection est consacré à la préparation des batailles et à la mise au point des stratégies militaires capables de surprendre l’ennemi. Celles-ci ne sont pas très originales mais elles ont le mérite de maintenir l’intérêt du spectateur et de lui offrir quelques morceaux de bravoures. Jacob Cheung opte donc pour une mise en scène sobre mais efficace, d’un bel académisme dirait-on, et reste constamment lisible y compris lors des mouvements de masse. Il utilise aussi, et à bon escient, une musique efficace pour renforcer les passages les plus spectaculaires. Ceux-ci sont grandioses mais réalistes et sembleront sans doute un peu courts aux inconditionnels de l’action à tout prix. Manifestement le cinéaste ne désire pas s’appesantir plus que nécessaire sur le spectacle et préfère se concentrer sur l’humain. Néanmoins le premier assaut contre la cité assiégée montre une belle maîtrise, tout comme le bombardement final, exécuté à l’aide de dizaines de “montgolfières” dont les flammes illuminent la nuit.
Les acteurs, forcément, se devaient d’être excellents et Jacob Cheung ne s’est pas trompé en offrant le rôle principal au charismatique Andy Lau, un pacifiste désabusé venu mettre sa sagesse au service d’une nation pour n’y trouver que folie et rage belliqueuse. Il va progressivement perdre ses illusions et s’interroger sur la nature humaine, jusqu’à son ultime question à son ennemi vaincu “la victoire est elle plus importante que la vie?”
Même si il n’est pas exempt de défaut, BATTLE OF WITS constitue une bonne surprise dans le domaine formaté du “blockbuster” historique qui saura plaire à un large public et mérite bien une vision attentive.


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- Article rédigé par : Frédéric Pizzoferrato

- Ses films préférés : Edward aux Mains d’Argent, Rocky Horror Picture Show, Le Seigneur des Anneaux, Evil Dead, The Killer

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