Un texte signé Alexandre Thevenot

Royaume Unis - 1943 - Michael Powell et Emeric Pressburger
Titres alternatifs : The life and death of colonel Blimp
Interprètes : Roger Livesey, Anton Walbrook, Deborah Kerr...

retrospective

Colonel Blimp

1943, Londres. Lors d’un exercice de défense, des soldats humilient le major-général Clive Candy. Ce dernier est dépassé par les évènements et se souvient, alors, de sa jeunesse. 1902, répliquant à des insultes lancées contre l’armée anglaise à Berlin, il se voit obligé de réparer l’affront en se battant en duel contre un officier allemand pacifiste. Tous deux blessés, ils se retrouvent dans la même maison de soin et tout en se côtoyant, commencent à s’apprécier. Débute, alors, une longue amitié qui perdurera malgré les fortes oppositions de leur pays respectif.

Michael Powell et Emeric Pressburger ne sont pas des inconnus. C’est à eux que l’on doit les chefs-d’œuvre que sont LE NARCISSE NOIR et LES CHAUSSONS ROUGES. Réalisé quelques années plus tôt, en 1943, COLONEL BLIMP témoigne de la réelle maîtrise de ces cinéastes à bâtir des histoires complexes et ambitieuses. Ce film fleuve de 2h40, qui trace, sur quarante ans, la vie d’un personnage peu sympathique mais néanmoins touchant, peut paraître rebutant tant, par sa durée que par sa volonté de jouer la grande fresque humaine. De même, celui qui voit dans ce film le moyen d’assister à tous les conflits guerriers de la première moitié du XXème siècle sera vite déçu : pas d’héroïsme, pas d’action, pas de scènes de guerre. Le contexte militaire n’est qu’une toile de fond qui permet d’envisager la psychologie et le tempérament du personnage principal, au fur et à mesure des années. De ce fait, l’histoire présente des longueurs. Mais si on parvient à passer outre, il est possible de se laisser captiver par l’itinéraire de l’officier dont le traitement particulier et fascinant fait l’intérêt et l’intelligence de ce film. Toute l’histoire s’attache à montrer comment un homme jeune et fougueux finit par devenir une vieille baderne de l’armée. Les conjonctures, les amis et les drames qui vont se jouer font qu’il se retrouve désabusé, perdu dans une époque moderne qui n’est définitivement plus la sienne. Il y perd ses convictions et ses idéaux.

Si l’histoire peut paraître triste, c’est ce qui en ressort, Powell et Pressburger ont ce talent de faire passer les choses avec douceur et humour. Le film est rempli de moments drôles qui se jouent sur des détails ou des remarques. A ce titre, la préparation du duel est un très bel instant : le protocole y est écorché avec délice et ironie.

Les acteurs Roger Livesey (Clive Candy) et Anton Walbrook (Kretschmar-Schuldorff) livrent chacun une très bonne interprétation, à peine voilée par l’extraordinaire prestation de Deborah Kerr qui joue trois personnages féminins différents. Au travers de COLONEL BLIMP se profile une idée de la femme éternellement jeune. Dévouée en 1902, elle se libère progressivement à mesure que les temps changent jusqu’à avoir une fonction au sein de l’armée en 1943. Le parallèle avec ces hommes qui vieillissent permet de faire un contraste saisissant qui amène le film à la lisière du fantastique. Cependant, l’usage qui en est fait, reste sobre et se cantonne simplement à un rôle symbolique : la femme comme idéal ou comme figure de résistance au temps. Elle incarne peut-être aussi les convictions, qui se perdent peu à peu, de Clive Candy.

Il est bon également de rappeler que le long métrage date de 1943, et que sa production a été difficile. Winston Churchill s’est lui-même opposé à sa sortie. En se remettant dans le contexte, il est aujourd’hui aisé de constater que l’œuvre, d’abord destinée à glorifier la nation anglaise, ce qu’elle fait en montrant sa capacité à résister à l’Allemagne, livre en fait un regard tout en nuance sur son armée. De même, raconter l’amitié d’un anglais et d’un allemand, alors que le nazisme battait son plein, s’avère être une véritable prise de position. Parce qu’au fond, seul compte, l’analyse profonde de l’être humain.

Servi, en outre, par une qualité technique irréprochable, des choix de mise en scène inventifs et un Technicolor de toute beauté, COLONEL BLIMP est à redécouvrir tant il dépasse son sujet.


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- Article rédigé par : Alexandre Thevenot

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