Un texte signé Philippe Delvaux

Espagne - 2012 - Antonio Chavarrías
Titres alternatifs : Childish games
Interprètes : Juan Diego Botto, Bárbara Lennie, Mágica Pérez, Marc Rodríguez

Dossierreview

Dictado

Professeurs dans un lycée, Daniel et Laura fileraient le parfait amour si ce n’était cette difficulté pour Laura de tomber enceinte. Un jour, Mario, ancien ami d’enfance de Daniel, s’en vient le trouver pour lui demander de venir rendre visite à sa fille, Julia. Mal à l’aise, Daniel l’éconduit et quelques jours après, Mario prend un bain avec sa fille et se tranche les veines. Laura se propose aux services sociaux pour s’occuper de l’orpheline en attendant qu’un membre de la famille l’adopte. Ce qui trouble, sans qu’il puisse le lui avouer, Daniel à qui la petite fille rappelle un très désagréable et douloureux souvenir.

Toute la force de Childish games tient sur cette hésitation voulue et entretenue quant au genre dont il relèverait : drame ou film fantastique. Le scénario instille savamment le doute sur la nature réelle de Julia tandis que la mise en scène reflète l’aliénation de Daniel.

On peut regretter le final qui sacrifie sous la « nécessaire » loi du climax au détriment de l’ambiance précédemment créée : une séquence en porte-à-faux qui convoque dans le métrage nombre des poncifs et tics que celui-ci avait précédemment pourtant soigneusement évité : le décor dramatique (un à-pic), la folie émergée, le motif par trop caricatural du cimetière…

L’autre faiblesse tient, hélas, à ce visuel calibré pour la télévision, véritable cancer du cinéma de ces 20 dernières années. La mise en scène est efficace, certes, mais manque cruellement d’ampleur ou de regard. La photographie se fait oublier au profit d’un focus sur les personnages et leurs ressentis. Cependant, on contemple extérieurement l’angoisse de Daniel là où on aurait plutôt dû l’éprouver avec lui. Antonio Chavarras a bien visionné les péloches asiatiques de ces dernières années, mais sans parvenir – ou même vouloir le faire – à insuffler la même anxiété.

Childish games a été présenté en section Panorama du 10e Brussels Film Festival. Et ce désir de maternité couplé à la peur de la paternité, thème second du film, entre en résonnance avec un autre métrage présenté à ce même festival, mais qui lui n’a rien à voir avec le cinéma de genre : le très beau documentaire d’animation Couleur de peau : miel. Renversement complet de point de vue puisqu’on suit dans ce dernier le récit autobiographique d’un enfant adopté qui cherche à se trouver, à se définir. Julia, elle, catalyse les sentiments des adultes qui l’entourent : sa tante, Daniel et Laura.

Le titre original, Dictado, réfère à la clé du mystère, logiquement retenue jusqu’à la dernière bobine ; le titre international, Childish games, peut aussi bien renvoyer à Julia – dont Daniel ne sait initialement si elle « joue » ou non – qu’au passé commun de Daniel et Mario. Les deux titres sont donc pertinents.

Imparfait, Childish games n’en reste pas moins en dépit des limites énoncées ici un spectacle tout à fait correct valant par son approche estimable qui nous balance entre les genres.


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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare


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