Un texte signé Marisa C. Hayes

Espagne - 1976 - Juan Carlos Olaria
Titres alternatifs : The Man of Ganimedes
Interprètes : Richard Kolin, Juan Carlos Olaria, Lynn Endersson, Rosario Vineis, Jose Marisa Montserrat…

retrospective

El Hombre Perseguido Por Un O.V.N.I.

Au mieux, EL HOMBRE PERSEGUIDO POR UN OVNI est une curiosité ; au pire, il permet de faire une bonne sieste. Le mélange délicieusement kitsch de science-fiction et d’érotisme soft proposé par ce film espagnol ne parvient pas à le sauver de son rythme lent, soporifique, mais il ajoute suffisamment d’occasions de rire pour le rendre digne d’intérêt à ceux qui apprécient les genres suscités. Souvent présenté comme le Ed Wood espagnol (PLAN 9 FROM OUTERSPACE, GLEN OR GLENDA, etc.), Juan Carlos Olaria partage quelque chose avec le réalisateur américain travesti, principalement son dévouement au cinéma (en dépit de ses échecs critiques, Olaria a continué de tourner des court-métrages de 1955 à 1997), son manque de soutien financier, ainsi qu’un penchant pour les soucoupes volantes.

A l’ouverture du film, Alberto Oliver (Richard Kolin), le personnage principal du récit, est un écrivain qui s’escrime à boucler sa dernière commande. En quête d’inspiration, il quitte son appartement et rend visite à une prostituée familière nommée Carol (jouée par Lynn Endersson, une habituée des films érotiques de Juan Xio Marchal) dans un village des environs. Toujours en manque d’inspiration, Alberto marche dans la nature et dans les ruines archéologiques situées près de sa demeure. L’écrivain se retrouve sans prévenir entouré par un groupe d’assaillants à la démarche lente, à la peau gris-noire et cols roulés assortis. Il combat ses agresseurs l’un après l’autre et parvient à leur échapper. Entre-temps, ces créatures venues d’ailleurs poussent sa voiture du sommet d’une falaise, laissant ainsi Alberto en rade. Il essaie de prévenir rapidement Carol, mais cette dernière est bien trop occupée avec un nouvel amant pour prêter attention aux dires d’Alberto, qu’elle ne prend pas au sérieux. Fuyant la zone, Alberto fait signe à une voiture de s’arrêter pour l’emmener en ville, où il s’en va trouver le chef de la police. Pendant ce temps, les « aliens » soulèvent la voiture d’Alberto à bord de leur soucoupe volante à l’aide d’un rayon tracteur (pensez à STAR TREK, avec moins d’argent). Un modèle réduit de la voiture d’Alberto est ainsi tenu à l’aide d’un fil lumineux aux côtés d’une soucoupe constituée d’un bol en céramique et d’une assiette ! Un cercle orange vif (du papier peint ?) complète le tableau. Ces effets spéciaux au budget extrêmement réduit alternent avec des images authentiques de la NASA, que le réalisateur est parvenu à convaincre de la validité de son film afin d’obtenir un stock d’images venues de l’espace. Après la disparition de sa voiture, Alberto révèle finalement à la police qu’il croit que ses assaillants sont des extraterrestres. Comme on peut s’en douter, le capitaine de police (joué par le réalisateur lui-même) rejette cette possibilité. Alberto se retrouve donc seul pour échapper aux agresseurs extraterrestres qui continuent à le dénicher où qu’il se cache…

Malgré son manque de tempo, EL HOMBRE PERSEGUIDO POR UN OVNI est intéressant car il fournit une touche espagnole au genre de la science-fiction, largement ignoré par le cinéma de ce pays – on peut d’ailleurs légitimement se demander pourquoi il en va ainsi… L’intérêt porté par ce film au thème de l’enlèvement renvoie directement à des longs-métrages et séries populaires tels que RENCONTRE DU TROISIEME TYPE, V et les X-FILES, qui se focalisent également sur les enlèvements par des extraterrestres. Carlos Olaria a en fait débuté son travail sur ce film en 1972 (bien qu’il ne l’ait bouclé qu’en 1976), ce qui fait de lui une sorte de pionner dans la catégorie des enlèvements par des « aliens ». De la même manière qu’Ed Wood fit usage d’éléments bizarres sortis de spectacles forains (Vampira, des êtres doués de seconde vue, etc.) afin de transcender la nature humain, peut-être Juan Carlos Olaria a-t-il compris l’appel de la vie extraterrestre. Ce thème a pris de l’importance depuis les années 60, avant de déborder au sein de la société « mainstream » entre les années 70 et les années 80. Dans les média populaires, ces enlèvements extraterrestres sont perçus comme une source de transcendance de plusieurs manières : la personne victime de l’enlèvement est immédiatement reconnue comme détentrice d’un statut spécial qui la distingue de ses pairs. Plus important, elle est allée plus loin que ses contemporains dans la découverte d’autres planètes/mondes/univers, soulignant ainsi son départ du domaine de la normalité. Les psychologues notent souvent ce besoin de transcendance et de statut à part chez les patients qui prétendent avoir été à bord de vaisseaux spatiaux. Dans le cas de EL HOMBRE PERSEGUIDO POR UN OVNI, l’expérience peut également être reliée au rôle et au statut de l’écrivain. En gardant à l’esprit qu’Alberto est lui-même un écrivain qui vit péniblement, l’enlèvement sert de fantasme pour décrire l’état quasi spirituel que les écrivains « Transcendantaux » ont évoqué durant leur période d’activité créative au milieu du XIXème siècle, qui a laissé un impact durable sur la littérature et les arts d’aujourd’hui. Même s’il est difficile d’accepter le prémisse intellectuel du film, EL HOMBRE PERSEGUIDO POR UN OVNI, bien que lent, vaut toutefois le détour pour les fans de cinéma kitsch et de science-fiction – tout particulièrement pour les « Mulder » à la recherche de leur sœur disparue.


Votre soif de lecture n'est pas rassasiée ?
Téléchargez les anciens numéros de Sueurs Froides


Inscrivez-vous à la liste de diffusion et accédez au
téléchargement des anciens numéros de Sueurs Froides :
- Une tranche d'histoire du fanzinat français
- 36 numéros de 1994 à 2010
- Près de 1800 films critiqués
Un index est disponible pour chercher un film ou un dossier
CLIQUEZ ICI.

- Article rédigé par : Marisa C. Hayes

- Ses films préférés :

Share via
Copy link