Un texte signé Alexandre Lecouffe

Italie - 1965 - Mario Caiano
Titres alternatifs : Erik il Vichingo
Interprètes : Giuliano Gemma, Gordon Mitchell, Eleonora Bianchi

retrospective

Erik le Viking

L’héritage culturel et légendaire que les guerriers et navigateurs scandinaves ont légué à l’Occident passe notamment par la littérature (traduction de sagas islandaises, danoises…) et le cinéma. Ce dernier mélangera allègrement réalité historique et idées fausses (non hélas, les Vikings ne buvaient pas dans le crâne de leurs ennemis) pour donner corps à un imaginaire où s’entremêlent bravoure, barbarie et dimension mythologique. On peut bien sûr citer l’excellent LES VIKINGS de Richard Fleisher (1957) et en ce qui concerne le cinéma italien, LE DERNIER DES VIKINGS de Giacomo Gentilomo (1960) ou LA RUEE DES VIKINGS de Mario Bava (1961). Lorsqu’il signe ERIK LE VIKING, Mario Caiano a déjà une petite carrière où se succèdent péplums (ULYSSE CONTRE HERCULE, 1961), westerns (LA GRIFFE DU COYOTE, 1964) et film fantastique (le fabuleux LES AMANTS D’OUTRE-TOMBE avec Barbara Steele, 1964, et signé sous le pseudo d’ Allan Grünewald). L’originalité de ERIK LE VIKING provient du fait que le film est le premier à illustrer l’hypothèse historique probable quoique contestée que les Vikings auraient exploré l’Amérique plusieurs siècles avant Christophe Colomb ; signalons qu’au tout début des années 60, un groupe d’archéologues affirme avoir découvert des ruines d’origine viking sur l’île canadienne de Terre-Neuve.
Le chef viking Thorvald est blessé dans un combat opposant sa tribu à des guerriers danois ; avant de mourir, il confie sa succession à son fils Erloff tout en attribuant un grand pouvoir à son neveu Erik qui a pour mission de mener une expédition en mer afin de trouver une nouvelle terre pour son peuple. Jaloux du pouvoir octroyé à Erik, Erloff somme deux de ses acolytes d’assassiner son cousin pendant la longue et dangereuse traversée. Le complot échoue momentanément alors que le drakkar mené par le valeureux Erik atteint finalement une terre nouvelle peuplée d’indigènes pacifiques. Notre héros ne se doute pas de la menace qui plane sur lui alors qu’une tribu belliqueuse menace son groupe et ses nouveaux amis «indiens ».
ERIK LE VIKING part donc d’un postulat inédit au cinéma à l’époque et qui prend racine dans la légendaire quête du territoire du « Vinland » (Terre des Vignes) qu’auraient réalisé vers l’an 1000 des navigateurs islandais. Evidence pour certains historiens, vaste supercherie pour d’autres, la possible découverte par les Vikings de la future Amérique n’a cessé depuis de se développer dans l’imaginaire collectif comme en témoigne le récent PATHFINDER de Marcus Nispel (2007) qui voit s’affronter guerriers nordiques et tribus Natives. Doté d’un budget peu important, le film de Mario Caiano souffre dans sa première partie (jusqu’au départ d’Erik en mer) d’un manque de crédibilité : figurants peu nombreux, Vikings trop « proprets », combats rendus inoffensifs par un montage trop peu découpé… Quant au principal enjeu dramatique (il y a deux traîtres à bord du drakkar qui ont juré au méchant Erloff d’occire Erik), il apparaît bien trop conventionnel pour ménager un réel suspense en dépit du physique inquiétant du cruel Sven, joué par Gordon Mitchell (LE GEANT DE METROPOLIS de Umberto Scarpelli, 1961). Heureusement, après l’arrivée des Vikings sur le Nouveau Continent, le film gagne en consistance : l’utilisation habile de décors naturels et d’un format cinémascope optimal permet de bien mettre en relief un espace immense et inquiétant que les héros nordiques vont devoir subir plutôt que conquérir. Le thème de la confrontation entre les deux civilisations est également bien traité, le film prenant le temps de décrire les contacts, les échanges puis les liens qui se nouent entre les deux tribus, notamment par l’entremise d’un lettré grec accompagnant les Vikings (personnage qui rappelle un peu celui joué par Antonio Banderas dans le magnifique 13EME GUERRIER de John Mc Tiernan, 1999). Si certaines naïvetés ou maladresses émaillent encore cette partie du récit (le Chef indien parlant brusquement italien à sa fille !), le scénario évite les facilités en se concentrant dans sa dernière partie sur la désillusion : la découverte d’une montagne d’or met en péril la co-existence pacifique des deux tribus et pousse les Vikings à rejoindre leur lointain pays. Malgré d’évidentes faiblesses tant au niveau de l’interprétation (le séduisant italien Giuliano Gemma en guerrier viking, il faut y croire !) que de la mise en scène trop impersonnelle, ERIK LE VIKING est un intéressant récit d’un voyage plus initiatique que réellement épique. Signalons que le même titre fut donné à un film satirique réalisé par Terry Jones, des Monty Python, en 1989.


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- Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

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