Un texte signé Nassim Ben Allal

France - 2007 - Xavier Gens
Interprètes : Karina Testa, Aurélien Wiik, Samuel Le Bihan, Estelle Lefébure

review

Frontière(s)

Le cinéma de genre à la française constitue la plupart du temps un sous-genre en soi, empli de nanars aux prétentions diverses dont l’intérêt flirte avec le néant . Très peu assumé, ce cinéma là se cherche souvent des prétextes intellectuels pour exister mais ne parvient jamais à prendre le spectateur aux tripes. Et pourtant, voilà que déboule en juin 2007 un véritable électrochoc du nom de A L’INTERIEUR (qui, pour la petite histoire, a été tourné après FRONTIERE(S) et en a récupéré pas mal de techniciens dont l’excellent chef opérateur Laurent Barès). Film pur et viscéral, totalement assumé, il est aujourd’hui rejoint par FRONTIERE(S), premier long de Xavier Gens qui a depuis signé HITMAN.
Alors que l’extrême droite arrive au second tour de l’élection présidentiel et que de terribles émeutes secouent la capitale, une bande de jeunes braqueurs poursuivis par la police tente de rallier Amsterdam. La première étape de leur périple, un arrêt dans un petit hôtel en rase campagne française, risque bien d’être la dernière. L’établissement est en effet tenu par une famille de néo-nazis cannibales prêts à tout pour les éliminer.
Sur ce pitch lorgnant sans vergogne sur le Z, le réalisateur parvient à signer un film énervé, d’une intensité gore rarement atteinte de ce côté de l’atlantique. Servi par un casting irréprochable composé de jeunes espoirs et de formidables contre-emplois (Samuel Le Bihan et Estelle Lefébure sont méconnaissables, Patrick Ligardes tout bonnement incroyable), FRONTIERE(S) n’est pas qu’une déclaration d’amour à un genre dont il brasse les nombreuses influences, mais un vrai film de cinéma, intense et secouant comme il est rare d’en voir.
Xavier Gens parvient à s’affranchir de tout un pan du survival pour nous proposer sa vision du genre avec un sérieux assumé qu’aucune vanne ne cherche à désamorcer. La première séquence, une fusillade nerveuse et douloureuse annonce d’emblée la couleur : on est pas là pour rigoler. Tout le reste du film n’est alors plus qu’une course désespérée pour tenter de survivre. Ne lésinant pas sur les effets choc d’une effroyable efficacité (les effets spéciaux sont à ce titre irréprochable) et les séquences éprouvantes (la fuite de la porcherie), FRONTIERE(S) se place dans le peloton de tête des films de genre français réussis.
Tirant parti de son budget en concentrant l’action dans seulement quelques décors (magnifiés par une lumière très travaillée), Gens transforme son premier essai en coup de maître.
Bien entendu, son film n’est pas exempt de défauts mais ceux-ci sont mineurs et l’intensité émotionnelle dégagée est telle qu’on les remarque à peine. Un seul regret, en revanche : la non-utilisation (ou presque) du contexte politique et social introduit au début.
En ce début d’année 2008, FRONTIERE(S) s’impose comme un métrage essentiel, pour la production française comme pour le cinéma de genre en général. Visuellement parfait, viscéralement épuisant, c’est un trip qui ne se regarde pas mais se vit. Espérons que le public, trop souvent écœuré par l’horreur made in hexagone, soit au rendez-vous.
Réponse à partir du 23 janvier.


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- Article rédigé par : Nassim Ben Allal

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