Un texte signé Sylvain Pasdeloup

Japon - 2006 - Ryuta Tasaki
Titres alternatifs : Gamera : Little Brave Ones
Interprètes : Kaho,Kanji Tsuda,Susumu Terajima

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Gamera The Brave

Ces temps-ci le Kaïju-Eiga classique semble être en plein jubilé ! En effet alors que Joon-ho Bong a fait de son THE HOST une vraie révolution du film de monstre, les figures emblématiques de ce style ô combien attachant fêtent dignement leur anniversaire. D’une manière novatrice en ce qui concerne l’hyper jouissif GODZILLA FINAL WARS et d’une façon un peu plus traditionnelle pour ce GAMERA THE BRAVE.
Sorti en 1966 par la compagnie Daiei, avec l’objectif de barrer la route à Godzilla qui accaparait alors tous les écrans du Japon, Gamera, durant ses quarante années de vie, aura été successivement un monstre atomique (GAMERA CONTRE BARUGON) puis une arme biologique (GAMERA 1 : THE GUARDIAN OF THE UNIVERSE). Ainsi, pas forcément cohérente dans son histoire, la série des Gamera constitue pourtant une vraie saga ponctuée de grandes réussites (le sombre GAMERA, REVENGE OF IRIS) et de réalisations plus contestables (le bien plus enfantin GAMERA VS ZIGRA). Toutes ces productions auront eu le mérite de faire de Gamera un personnage incontournable du Kaïju-Eiga.La première scène du film montre d’ailleurs Gamera affrontant dans un combat dantesque ses plus séculaires ennemis, les Gyaos. A la fin de ce combat, notre tortue géante se sacrifie en s’immolant pour sauver l’humanité menacée. Nous sommes alors en 1973 et pour Ryuta Tasaki, le choix est clair. Il veut s’affranchir des films précédents pour mieux nous proposer une relecture du personnage de Gamera, tout en offrant à la tortue originelle une sortie en grandes pompes.
La suite de GAMERA THE BRAVE s’avère assez déroutante pour ceux qui ne voient dans le Kaïju-Eiga qu’un spectacle de destruction massive. Ici Ryuta Tasaki nous emmène dans l’amitié qui unit Toru, un jeune garçon qui vient de perdre sa mère et Toto, une tortue tout juste née trouvée sur une île. Extrêmement touchante et très peu portée sur les artifices, la première partie du film prend d’emblée le chemin d’un spectacle certes familial et plein d’humour mais surtout sensible et sincère. Seulement voilà, Toto n’est pas une tortue comme les autres. Elle est ainsi capable de voler et grandit très vite, ce qui intrigue fortement Toru et ses jeunes amis.
Un beau jour, Toto disparaît. Et tandis que Toru la recherche dans toute la mesure de ses moyens, Zedus, un monstre marin dévastateur arrive sur terre pour tout casser. C’est alors que réapparaît Toto, devenue comme son père Gamera, une tortue géante capable de cracher du feu. La bataille peut alors commencer.
La série des Gamera s’est toujours voulue comme le pendant naïf et grand public d’un GODZILLA ou d’un RODAN, faisant de son monstre l’ami des hommes et particulièrement des enfants. Au contraire des monstres précités, Gamera ne s’attaque jamais aux hommes, il combat pour eux, pour leur sauvegarde, parfois au détriment de sa propre vie. A ce niveau-là Ryuta Tasaki ne change pas son monstre d’un iota et en faisant de son personnage l’héritier direct de ses ancêtres, GAMERA THE BRAVE s’avère un spectacle cohérent avec son passé. En revanche, visuellement, le Gamera de Tasaki évolue très nettement. Dans GAMERA THE BRAVE il est presque difficile de parler de monstre tant le design de Toto est enfantin et presque trop gentil. Peut-être est-ce là le point noir et en même temps la force de GAMERA THE BRAVE : nous présenter un monstre qui n’en est pas vraiment un. Ainsi, contrairement aux Gamera produits dans les années 60, réminiscences de l’ère atomique, Toto a l’aspect d’une tortue attachante, presque naturelle et très humaine par moment. Les sentiments qu’a le spectateur pour lui sont forcément bien différents de ceux que l’on peut éprouver pour le lézard géant atomique d’Inishiro Honda.
L’attachement pour la bête est une force. La tendresse que l’on peut éprouver pour elle est rare car dans un Kaïju-Eiga, il est toujours préférable d’avoir un monstre impressionnant à montrer sous peine de laisser le spectateur sur sa faim. Certes les séquences finales de combat entre Gamera et Zedus sont réussies tout comme les effets spéciaux dans leur globalité. Cependant, même arrivé à ce point du film, la relation entre Toru et la tortue géante reste omniprésente et permettra en outre de sauver l’humanité. Ce sont d’ailleurs les enfants qui remettront à Gamera le sésame lui donnant les moyens de vaincre Zedus (un classique dans la série des Gamera).
GAMERA THE BRAVE est un film de monstres, certes, mais aussi un spectacle sensible qui, sous couvert de bons sentiments un peu naïfs mais pas bêtifiants pour deux sous, traite de sujets graves comme la perte d’un être cher ou le suicide, et ce tout en finesse. On retiendra tout particulièrement le lien presque maternel qui lie Toru et Toto, l’éducation en quelque sorte que le jeune garçon lui prodigue en dépit de ses difficultés à oublier la mort de sa maman ou son acharnement à ne pas voir Gamera se sacrifier inutilement pour l’humanité.
GAMERA THE BRAVE est donc un film qui risque de diviser par son parti pris de produire un spectacle plus intimiste que la moyenne et par son souci de rassembler les publics jeune et moins jeune. Semi échec ou vraie réussite, GAMERA THE BRAVE porte en tout cas en lui un cœur gros comme ça et nous propose une aventure généreuse, un adjectif que, in fine, le Kaïju-Eiga a souvent su porter bien haut.


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- Article rédigé par : Sylvain Pasdeloup

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