Un texte signé Alexandre Lecouffe

Italie-Yougoslavie - 1960 - Luciano Ricci, Irving Rapper
Titres alternatifs : Giuseppe venduto dai fratelli
Interprètes : Geoffrey Horne, Robert Morley, Belinda Lee

retrospective

Joseph vendu par ses frères

Environ 2000 ans avant notre ère, au pays de Canaan, le patriarche Jacob et ses douze fils sont de paisibles bergers mais l’un des enfants, Joseph, est le préféré de son père ce qui provoque l’ire de la fratrie qui décide de livrer Joseph à un marchand d’esclaves. Peu de temps après, en Egypte, Joseph sauve la vie du prince Potiphar dont il devient l’intendant. Alors que son maître lui rend sa liberté, Joseph est accusé par Heneth, l’épouse de Potiphar, d’avoir voulu abuser d’elle. Le fils de Jacob est alors fait prisonnier mais ses dons de prédiction et d’interprétation des rêves finissent par s’ébruiter dans le royaume, jusqu’au jour où le Pharaon en personne souhaite le rencontrer afin d’élucider un de ses songes…
JOSEPH VENDU PAR SES FRERES fait partie des petites co-productions italo-américaines pour lesquelles des réalisateurs transalpins (souvent de second plan) étaient épaulés par des artisans américains de la série B (Richard Thorpe, Edgar Ulmer,…). Ici, le modeste Luciano Ricci (SEUL CONTRE ROME, 1962 ; LE CHATEAU DES MORTS VIVANTS avec Christopher Lee, 1964) co-signe sa première réalisation avec le méconnu Irving Rapper, c’est dire si cette collaboration fait à priori moins rêver que celle qui eut lieu par exemple sur LA BATAILLE DE MARATHON (1959) entre Mario Bava et Jacques Tourneur ! Retraçant fidèlement un des épisodes bibliques les plus célèbres et des plus propices à un traitement romanesque de premier ordre, JOSEPH VENDU PAR SES FRERES délaisse malheureusement la dimension mystique du récit et simplifie à l’extrême les situations ou l’état d’esprit du personnage principal. A ce titre, il ne s’écoule que quelques minutes entre le moment où Joseph est laissé pour mort par ses frères, vendu comme esclave puis celui où il sauve son futur protecteur et devient son conseiller. Sans être forcément adepte de « psychologie des personnages », le spectateur peut ressentir une certaine indifférence vis à vis d’un « héros » auquel il n’a pas le temps de s’identifier dans ce premier quart de film aux scènes mal développées ou trop elliptiques. Le manque de relief de cette première partie, qui se contente d’une succession de vignettes illustratives, est encore accentué par le jeu bizarrement tout en retrait de l’acteur interprétant Joseph (Geoffrey Horne, un des lieutenants de LE PONT DE LA RIVIERE KWAÏ de David Lean, 1957). On trouvera alors plus d’intérêt pour les personnages secondaires de Potiphar (joué avec une bonne dose d’humour par l’acteur anglais Robert Morley) et de son épouse Heneth (la jolie Belinda Lee, actrice de films sexy décédée à l’âge de 26 ans). Potiphar, amoureux fou de sa femme mais impuissant et Heneth, clairement décrite comme une nymphomane, forment un couple atypique permettant au scénariste de développer par petites touches un sous texte assez audacieux pour l’époque (1960) où les allusions et les tensions sexuelles sont nettement suggérées. C’est aussi le personnage de Heneth qui fera progresser l’action : en essayant de séduire Joseph (elle lui demande de « l’aimer » à l’instant, pendant que son mari reçoit le Pharaon !), elle se heurte à un refus catégorique, se venge en le faisant accuser de viol, ce qui condamne notre héros à redevenir esclave…Tout est à recommencer ! La seconde partie du film se concentre enfin sur Joseph qui passe d’un statut de victime résignée à celui de prophète ; sans être remarquable, la progression du récit est plus solide, mieux développée jusqu’à un final assez réussi. La quasi-totalité du film est située en intérieurs (les palais, la prison…) et les « stock-shots » utilisés (documentaire animalier pendant une scène de chasse ; quelques plans d’attaques tirées d’un film non identifié) illustrent bien le côté « fauché » de cette modeste bande qui ne compte aucune véritable scène d’action. Bref, avec un sujet pourtant substantiel contenant des thèmes potentiellement passionnants tels que la foi, la vengeance, le pardon, la prédestination, le Pouvoir…JOSEPH VENDU PAR SES FRERES ne fait que survoler l’ensemble et se contente d’illustrer ce récit biblique de façon maladroite et peu inspirée.


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- Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

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