Un texte signé André Quintaine

USA - 1977 - Wes Craven
Titres alternatifs : The Hills have Eyes
Interprètes : Susan Lanier, Robert Houston, Martin Speer, Dee Wallace-Stone, Russ Grieve, John Steadman, James Whitworth

retrospective

La Colline a des Yeux

Présenté à l’époque comme étant particulièrement violent et brutal, LA COLLINE A DES YEUX a perdu de sa superbe dans ce domaine. Tous les interdits semblent aujourd’hui avoir été transgressés, alors, LA COLLINE A DES YEUX ne peut plus se targuer d’être « ultra violent ». Et puis, il est ridicule de réduire ce film à sa violence graphique.
Tout comme MASSACRE A LA TRONCONNEUSE trois années plus tôt, LA COLLINE A DES YEUX traite le sujet d’Américains moyens qui se perdent loin de chez eux, sur une route déserte, en terrain inconnu. C’est le retour à la nature sauvage mais aussi et surtout la confrontation avec soi-même, l’animal sauvage sans morale et sans barrière qui sommeille en l’être humain commun. Dans le film de Wes Craven, le vieux papa emmène sa famille à la recherche d’une mine abandonnée qu’il ne trouvera jamais. Un malheureux accident de voiture les laisse perdus en plein désert. Plutôt que l’enrichissement, ce qu’ils vont trouver là, aux pieds de montagnes arides et inhospitalières, c’est la sauvagerie et la mort en faisant face à une famille de freaks qui leur renvoie le reflet de leur propre animalité.

Sur ce sujet qui est loin d’être original, Wes Craven signe l’un des plus grands survival jamais réalisés. Tourné en 16mm avec un budget ridicule et avec des conditions de tournage extrêmes, LA COLLINE A DES YEUX possède la même rage que celle que l’on trouve dans des films comme MASSACRE A LA TRONCONNEUSE et EVIL DEAD. Ils sont nés des tripes de leurs auteurs qui ont sué sang et os pour aboutir. Le film est tout d’abord brillamment monté avec un rythme qui va crescendo. Le début ne déroge pas à la règle du genre et présente un vieux bonhomme qui déconseille formellement de s’aventurer dans le désert. D’ailleurs, ce territoire appartient à l’armée qui y pratique des expériences nucléaires. La confrontation entre les images des avions de chasse et les psychopathes complètement attardés fait froid dans le dos et s’avère particulièrement étrange. Lorsque notre gentille petite famille se retrouve seule et livrée à elle-même, la violence se déchaîne. Wes Craven utilise alors à merveille les décors naturels qui restituent parfaitement la grandeur et la force de la nature. L’impression de désolation qui se dégage du film est particulièrement déprimante. Wes Craven utilise en outre rarement une musique d’ambiance. De même et à la manière d’un documentaire, il filme au plus près ses protagonistes. Rapidement, toutes les conditions sont remplies pour que l’on ait réellement l’impression d’y être. La barrière de l’écran de cinéma s’effondre. Cette sensation est également due aux acteurs qui jouent à merveille. Jamais idiote, cette petite famille qui nous rattache à la civilisation agit logiquement. Le réalisme est de mise, que ce soit dans la réalisation ou dans les réactions des protagonistes. Les personnages qui composent la famille civilisée réussissent parfaitement à ne pas être effacés par ceux de la famille détraquée. L’autre exploit, c’est également le fait que les freaks du film de Wes Craven parviennent à effrayer, ce qui n’est pas facile à faire, en particulier après le MASSACRE A LA TRONCONNEUSE de Tobe Hooper. Ils portent des noms de planètes et sont on ne peut plus charismatiques. On ne les oublie pas facilement. L’apanage des grands films est de ne pas vieillir et LA COLLINE A DES YEUX n’a pas perdu de sa superbe. En le regardant aujourd’hui, c’est la qualité de sa réalisation qui frappe, loin devant la violence qu’il met en scène. C’est justement cela qui en fait le chef-d’œuvre qu’il est. Réalisé presque par obligation par un Wes Craven qui voulait sortir de LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE qui lui collait trop à la peau, LA COLLINE A DES YEUX est un film qui reste superbe en alignant en outre des scènes d’anthologie comme celle de l’attaque du camping-car. Un très grand film.

Et ces très grands films méritent de grandes éditions dvd. Dans ce domaine, on peut tirer très bas notre chapeau à Wild Side. L’édition dvd française s’apparente à l’américaine d’Anchor Bay. Le master a été nettoyé d’une manière spectaculaire et le rendu à l’écran est tout simplement époustouflant. Qu’on ne dise plus qu’un film tourné en 16mm ne peut pas être magnifique ! La compression est invisible, l’image est tout bonnement splendide et c’est dans des moments comme ceux-là que l’on regrette d’avoir vu le film en VHS. En effet, le dvd permet enfin d’admirer le travail effectué sur la photographie du film et, quelle splendeur ! Les montagnes sont superbes et les scènes de nuit avec un noir extrêmement profond sont à couper le souffle. C’en est beau à pleurer ! L’image de cette édition dvd confirme ce que nous savons tous : « Le cinéma est vraiment le plus beau des arts ». L’édition française garde naturellement les pistes audio de l’américaine. A nous donc la piste dts en anglais qui rajoute encore un petit coup de jeune à LA COLLINE A DES YEUX. Sans jamais dénaturer l’original, le dts donne encore plus de profondeur au film. Pour les râleurs, le film dispose également d’une piste mono sur deux canaux (également dépoussiérée), toujours en anglais et qui s’avère également excellente et envoûtante. Si vous ne choisissez pas le dts, c’est sur celle-ci qu’il faudra vous rabattre tant elle est bonne. En revanche, évitez le dolby digital 5.1 qui manque de dynamisme. Avec tout cela, on en oublierait presque la version française qui n’est pas mauvaise mais qui est loin de valoir les autres ne serait-ce qu’en raison du doublage. Bien sûr, le film dispose de sous-titres en français. Sur le premier dvd, celui qui contient le film, nous avons également droit, ô bonheur, à un commentaire audio du réalisateur et du producteur (Peter Locke) !

Les bonus se trouvent sur le deuxième dvd. Et là, il y a foule. On trouve un premier documentaire consacré à Wes Craven. Il permet de présenter Wes Craven et quelques-uns de ses films mais il est peu trop «mainstream» pour être véritablement passionnant. Le second document présente une série d’entretiens avec Wes Craven et plusieurs protagonistes du film dont certains acteurs (Michael Berryman, Dee Wallace Stone…)- Tous racontent leurs anecdotes concernant LA COLLINE A DES YEUX et le document s’avère passionnant. Parmi les autres réjouissances, nous avons droit à différentes bandes-annonces (dont l’allemande qui n’hésite pas à faire passer la famille de détraqués pour des extra-terrestres), une galerie photos, des affiches et même une fin alternative qui est un bonus pas aussi gratuit que pour bon nombre d’autres films. Notez également que l’édition contient en plus un livret pour analyser le chef-d’oeuvre ! Je pense que vous l’aurez compris, cette édition trônera sur votre étagère.


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- Article rédigé par : André Quintaine

- Ses films préférés : Frayeurs, Les Griffes de la Nuit, Made in Britain, Massacre à la Tronçonneuse, Freaks

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