Un texte signé Eric Escofier

Grande Bretagne - 1962 - Terence Fisher
Titres alternatifs : The Phantom of the Opera
Interprètes : Herbert Lom, Heather Sears, Thorley Walters

retrospective

Le Fantôme de l’Opéra

« Le Fantôme de l’Opéra », roman de Gaston Leroux paru originellement en 1910, fut adapté à de nombreuses reprises, tant au cinéma qu’à la télévision, la version la plus réputée restant probablement celle, muette, mettant en scène Lon Chaney, sortie en 1925. Un premier remake parlant, assez décevant, fut produit en 1943 par la Universal avant un second, intéressant mais peu abouti, confectionnée par Terence Fisher pour le compte de la Hammer. La version de Dwight H. Little constitue donc la quatrième adaptation destinée aux grands écrans (il y en eu d’autres par la suite, comme celle de Dario Argento), à laquelle il convient d’ajouter de nombreux téléfilms d’un intérêt variable.
En 1989, Robert Englund est au sommet de sa popularité, ayant déjà incarné à cinq reprises le croquemitaine Freddy Krueger au cinéma. Une série télévisée est même tiré des exploits de Freddy et Englund devient une véritable star du cinéma de terreur. L’idée de lui faire endosser le rôle du célèbre Fantôme paraissait sans doute pertinente aux producteurs de ce nouveau FANTOME DE L’OPERA, lesquels confient la mise en scène à Dwight H. Little. Ce-dernier, seulement âgé d’une trentaine d’années, vient de prouver ses compétences en se tirant honorablement du casse-gueule HALLOWEEN IV et parait le choix idéal pour diriger Englund.
En ce qui concerne le scénario, Duke Sandefur (qui a exclusivement travaillé pour la télévision) reprend les bases d’une intrigue signée Gerry O’Hara, un touche à tout surtout connu pour sa version du classique de la littérature érotique FANNY HILL sortie en 1983.
Le tournage de ce nouveau FANTOME DE L’OPERA prend donc place à Londres, New York et Budapest. L’intrigue se montre globalement fidèle à l’atmosphère du roman mais se permet toutefois de nombreuses libertés dans les détails. Probablement pour ne pas effaroucher le spectateur (supposé) adolescent, un prologue et un épilogue sont ainsi ajouté à l’histoire, laquelle débute par l’évanouissement de la jeune cantatrice Christine Day lors d’une audition artistique dans le New York du vingtième siècle. Lorsqu’elle se réveille, Christine se retrouve dans le Londres de 1880, protégée par un mystérieux personnage hantant les couloirs de l’opéra. Compositeur horriblement défiguré suite à un pacte avec le Diable lui assurant l’immortalité, Erik Destler prend donc sous son aile la jeune femme. Il l’impose vedette de l’opéra après avoir terrorisé sa rivale, la diva La Carlotta, et assassiné un critique un peu trop virulent. Mais Christine va-t-elle accepter l’amour inconditionnel que lui porte le Fantôme ?
Quoique bancal et pas toujours convaincant, LE FANTOME DE L’OPERA n’en demeure pas moins intéressant et relativement agréable à suivre. L’intrigue a, certes, été réduit à l’essentiel mais la plupart des éléments signifiants du mythe demeurent présents (cape, visage défiguré, loge réservée,…), tout comme les nombreuses allusions et références à Faust.
Robert Englund, pour sa part, livre une bonne interprétation du mythique personnage, même si les scénaristes ne peuvent s’empêcher de lui glisser quelques répliques humoristiques et ironiques rappelant évidemment Freddy. Le casting, sans son ensemble, se montre d’ailleurs concerné et les décors sont soignés, tout comme la musique qui, évidemment, consiste essentiellement en morceaux d’opéra (tirés de Faust dans leur majorité) ou en compositions originales influencées par le classique. Dwight H. Little ne cède donc pas à la tentation de moderniser l’intrigue ou le décorum pour plaire au plus grand nombre mais propose au contraire un métrage d’inspiration rétro. Certains personnages secondaires, comme les policiers ou le chasseur de rat errant dans les égouts, paraissent d’ailleurs tout droit sortis d’une production Hammer des années ’60 et renvoie par conséquent aux œuvres de Terence Fisher. Si l’aspect mélodramatique prédomine dans ce FANTOME DE L’OPERA, les séquences d’horreur, quoique rares, ponctuent adroitement le film et se montrent démonstratives sans verser dans les excès écoeurants. Dommage que le rythme laisse parfois à désirer et que le métrage frôle parfois la parodie involontaire en mixant de manière plutôt maladroite slasher, romance, drame historique, opéra, mythe de Faust et répliques à la Freddy.
L’aspect le plus ennuyeux et problématique de ce FANTOME DE L’OPERA reste toutefois le prologue et l’épilogue modernes, lesquels ne servent à rien et se montrent même plutôt incohérents. En effet, ils n’expliquent absolument rien mais laisse de nombreuses suppositions en suspens, suggérant que la Christine moderne pourrait être la réincarnation de celle du XIXème siècle sans toutefois offrir la moindre certitude. Si ces passages modernes s’avèrent ratés, le reste du métrage retrouve, par contre, le charme suranné des récits horrifiques des sixties et se suit sans vraie passion mais également sans le moindre déplaisir.
En dépit de ses nombreux défauts, LE FANTOME DE L’OPERA constitue donc une production sympathique, à redécouvrir pour les nostalgiques du cinéma d’épouvante des années ’80 et même par les fans de fantastique gothique et rétro.


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- Article rédigé par : Eric Escofier

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