Un texte signé Patryck Ficini

France - 2012 - Ganche Edouard
Titres alternatifs : Nécromantismes

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Le Livre de la Mort

« Ce fut le paroxysme de l’épouvantable… La tête oscillait sous les impulsions de l’instrument et communiquait au corps de fortes secousses. Une sciure d’os mélangée à de la cervelle formait une petite pâte mousseuse qui tombait sur la table… (…) La scie grinçait, passait et repassait au milieu du crâne, s’arrêtait un instant pour s’enfoncer plus rudement et ressortir couverte de matière cérébrale… » ( P. 28)

LE LIVRE DE LA MORT d’Edouard Ganche (éditions La Clef d’Argent) s’ouvre sur UNE AUTOPSIE A LA MORGUE, un incroyable texte d’horreur médicale, au vocabulaire précis et au réalisme choquant, digne d’un rapport de légiste. Tout est dans le titre de ce récit sans intrigue, perturbant au possible.
Les autres textes, qui racontent généralement, quant à eux, une histoire, sont d’un macabre achevé. On pense à des films comme BLUE HOLAUCAUST, NECROMANTIK (le terme « nécromantisme » figure en toutes lettres dans l’une des nouvelles) ou AFTERMATH. On pense aussi à la littérature de l’effroi d’un Edgar Poe ou au Théatre du Grand-Guignol. André De Lorde est fort justement cité dans l’un des passionnants documents présentés en fin d’ouvrage, des études signées Philippe Gindre et Philippe Gontier (du BOUDOIR DES GORGONES) tant sur l’oeuvre que sur l’auteur. 70 pages d’érudition après 190 pages de pure littérature.
Citons le romantisme morbide du SQUELETTE , de L’AGONIE ou de AMOUR ET DRAME D’HOPITAL (sur l’infection, comme d’ailleurs LE SYPHILITIQUE, des textes puissants qui trouvent encore leur résonnance aujourd’hui).
Evoquons aussi les délires horrifiques de L’ENTERREE VIVE (la « résurrection », très forte), LA CAVE AUX CERCUEILS (la scène cauchemardesque des insectes)ou LA DANSE DES MORTS (qui aurait pu s’intituler Danse Macabre).
Ces 13 textes ont en commun le même thème : la mort. La mort et la putréfaction. Malgré quelques passages saisissants, proche du surnaturel ou de l’onirisme, on est plus dans un macabre naturaliste que dans le fantastique.
On a rarement vu les outrages du trépas, infligés à l’enveloppe charnelle, aussi complaisamment décrits en détails minutieux et fouillés. Devant les ravages de la mort, le lecteur est pris de dégoût, saisi d’horreur. Le sentiment d’impuissance, terrible, le gagne au fil de sa lecture. Il y aurait tant de passages à citer. Ganche joue autant sur la peur que sur la fascination inspirées par la Faucheuse, souvent dans ce qu’elle a de plus organique.
Jamais un titre ne fut mieux choisi. LE LIVRE DE LA MORT, écrit en 1909, est sans doute LE livre ultime sur la mort.
Il y a toujours des grincheux et des censeurs pour reprocher les excès de l’horreur actuelle, moins policée que l’épouvante à l’ancienne. Qu’ils lisent donc Edouard Ganche, ils comprendront leur douleur.

« Elle se jeta à son cou et l’adjura d’oublier ses propos antérieurs. Ses caresses se prodiguaient, leurs lèvres ne se disjoignaient qu’à l’épuisement de leur souffle.
Une nausée subite convulsa l’étudiant. Il avait dans la bouche un débris de matière dégoûtante, comme une parcelle de peau visqueuse collant au palais et qu’il cracha avec difficulté. Des frissons le glacèrent et il voulut rentrer chez lui. » (P. 172)


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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