Un texte signé Alexandre Lecouffe

Italie - 1972 - Antonio Margheriti
Titres alternatifs : Finalmente...le mille e una notte
Interprètes : Femi Benussi, Barbara Bouchet, Barbara Marzano, Pupo de Luca

retrospective

Les 1001 nuits érotiques

Producteur et réalisateur talentueux et prolifique (souvent surnommé le « Roger Corman italien »), artisan touche à tout de la série B, Antonio Margheriti est plus connu sous son pseudonyme « américanisé » de Anthony M. Dawson. Très doué pour les effets spéciaux et les maquettes, il débute dans la science-fiction (SPACE MEN, 1960), réalise quelques perles du fantastique gothique (DANSE MACABRE et LA SORCIERE SANGLANTE, 1964), du péplum (LA TERREUR DES KIRGHIZ, 1965), du western (ET LE VENT APPORTA LA VIOLENCE, 1970) ; il touche également au giallo, au film d’espionnage… LES 1001 NUITS EROTIQUES est sa seule incursion dans la sexy comédie alors naissante. Le film emprunte aux fameux contes persans quelques personnages emblématiques (Aladin, le Génie…), son parfum érotique et sa structure (les récits enchâssés) mais le fait de manière triviale et parodique : les contes des Mille et Une Nuits ne sont qu’une toile de fond pour une comédie (très) légère et gentiment polissonne. Notons qu’à la même époque, Pier Paolo Pasolini filmait sa « Trilogie de la Vie » dont le troisième opus sera une adaptation plus fidèle quoique très personnelle des célèbres contes (LES MILLE ET UNE NUITS, 1974).
Le sultan Al Mamun perd brusquement de sa vigueur sexuelle ; son conseiller décide de faire venir au palais des conteurs qui devront, par leurs histoires érotiques, ranimer le désir charnel du sultan. Le premier conte est le récit de Samandar qui parie avec un prince qu’il peut reconnaître n’importe quelle femme du royaume en lui faisant l’amour les yeux bandés. Le deuxième est l’histoire d’Aladin et d’un tapis volant aux vertus aphrodisiaques. Dans le troisième, la belle princesse Aziza promet d’épouser l’homme qui sera capable de l’honorer treize fois entre la tombée de la nuit et le chant du coq ; tout perdant aura la tête tranchée…
Doté de moyens confortables, LES 1001 NUITS EROTIQUES frappe tout d’abord par sa forme très soignée ; habitué aux budgets serrés avec lesquels il faisait des miracles (DANSE MACABRE ; LES AVENTURIERS DU COBRA D’OR…), Antonio Margheriti parvient ici à utiliser de manière optimale les techniques mises à sa disposition : le Technicolor et le Cinémascope. Couleurs chatoyantes des costumes et des décors orientaux, gestion soignée de l’espace et cadrages au cordeau donnent au film une allure de série A. Evitant les « tics » fréquents dans le cinéma du début des années 70 (le zoom intensif, le montage abrupt), le réalisateur confère à l’ensemble un cachet « années 60 » des plus plaisant. La construction narrative de LES 1001 ET UNE NUITS EROTIQUES est en revanche beaucoup moins travaillée ; la structure « gigogne » des contes est extrêmement simplifiée (les trois histoires n’ont pas de lien, rêve et réalité ne se rejoignent pas) et le film opte pour un ton parodique parfois un peu poussif. Le registre bas des dialogues a souvent un effet comique efficace car inattendu dans le contexte du conte féerique mais à d’autres moments beaucoup moins car trop répétitif (comme par exemple le Génie qui reproche à Aladin de venir le déranger « encore pour une histoire de fesse » ; à ce propos il est conseillé d’éviter la VF où le Génie semble être doublé par Paul Préboist). Quelques anachronismes viennent renforcer le côté parodique et on pourra donc sourire du bruitage motorisé qui accompagne le tapis volant ou de la présence dans le troisième segment d’un héros tout droit sorti d’un western de Sergio Leone ou de Sergio Corbucci. Quant à l’aspect érotique du film, il est bien sage : les trois histoires et le récit principal tournent bien sûr autour du thème du plaisir sexuel mais de manière un peu convenue. Les érotomanes devront se contenter de (nombreux et jolis) seins nus notamment ceux des charmantes starlettes du Bis transalpin, Femi Benussi (VIERGES POUR LE BOURREAU de Massimo Pupillo, 1965 ; UNE HACHE POUR LA LUNE DE MIEL de Mario Bava, 1970) et Barbara Bouchet (LA TARENTULE AU VENTRE NOIR de Paolo Carava, 1971 ; LA DAME ROUGE TUA SEPT FOIS de Emilio Miraglia, 1972). Leur présence est pour beaucoup dans le charme du film qui est une ode sans prétention mais visuellement plaisante à l’hédonisme ; inutile de dire qu’un tel mélange réussi de comédie, d’érotisme, de féerie et de naïveté ne serait plus concevable de nos jours.
Ajoutons pour finir que LES 1001 ET UNE NUITS EROTIQUES est un film très rare qui mérite d’être redécouvert d’un œil nostalgique.


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- Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

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