Un texte signé Nassim Ben Allal

Italie - 1972 - Francesco Maselli
Interprètes : Daniele Constantini, Nino Dal Fabbro, Laura De Marchi, Daniele Dublino

retrospective

Open Letter to the Evening News

Débutant sa carrière de réalisateur dans le documentaire, Francesco Maselli a auparavant fréquenté les planches – il a été comédien dans une troupe de théâtre. Ancien résistant, communiste convaincu et cinéaste profondément engagé, ses documentaires sont le reflet d’une Italie rurale qui a du mal à se remettre de la guerre et à emprunter le chemin de la modernité. Remarqué, Maselli se retrouve ensuite embauché pour réaliser quelques comédies et autres films de genre dans les années soixante. Autant de coproductions américaines aux castings prestigieux (Rock Hudson, Rod Steiger, Raquel Welsh…) qui lui permettent de mettre un pied dans le cinéma dit « traditionnel », pour mieux s’en servir par la suite.
A la fin des années soixante – début des années de plomb avec l’attentat de la Piazza Fontana le 12 décembre 1969 – Maselli veut réagir face aux actions des Brigades Rouges et signe OPEN LETTER TO THE EVENING NEWS, film qui fera dès lors l’objet d’un certain culte de part le monde.
Rome, 1970. Un groupe d’amis, tous intellectuels de gauche, bouillonnants d’idées mais frustrés par les évènements qui ensanglantent leur pays, décident, afin de bousculer l’opinion publique et dans un pur esprit de provocation, de publier une lettre dans un quotidien du soir dans laquelle ils déclarent souhaiter partir combattre pour le Nord-Vietnam. Dès lors, quand la nouvelle est relayée par les médias de l’ensemble du pays, c’est le début d’une spirale infernale. Les amis n’ont plus le choix : ils doivent assumer leur publication en faisant ce qu’ils ont dit…
Film emblématique d’une époque de profonds changements dans la société civile italienne, OPEN LETTER TO THE EVENING NEWS a aujourd’hui une vraie valeur de témoignage. Tourné caméra à l’épaule en 16mm pour en renforcer l’aspect documentaire, le métrage possède une force visuelle et une liberté de ton directement inspirées de la Nouvelle Vague.
En confrontant ses personnages à leurs actes, en les forçant à assumer leurs responsabilités, Maselli force ce groupe de « gauchos » révoltés – mais en même temps confortablement installé dans un environnement que l’on qualifierait aujourd’hui de « bobo » – à grandir. Pour le réalisateur, si le débat est essentiel, il doit être accompagné de prises de positions fortes et d’actes cohérents.
Mais là ou le métrage de Maselli est particulièrement malin, c’est qu’il ne prend jamais vraiment parti, puisque tous les points de vues sont représentés dans ce groupe d’amis, de la position la plus douce à la plus extrémiste. Ainsi, on assiste à l’explosion du groupe dans une hystérie filmique parfois difficilement supportable, mais toujours très cohérente.
Si aujourd’hui le film apparaît très marqué par son époque, il possède encore une certaine force et il serait aisé d’en faire un remake avec les questions les plus délicates qui se posent dans notre société.
Visionnaire, le film de Maselli ? Non. Mais suffisamment clairvoyant sur son époque pour lui conférer une aura et une portée universelle et intemporelle.
Depuis, le réalisateur n’a jamais cessé de tourner : des fictions politiques ou des documentaires toujours aussi engagés, notamment lors du sommet du G-8 en 2001.


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- Article rédigé par : Nassim Ben Allal

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