Un texte signé André Quintaine

Hong Kong - 1994 - Bosco Lam

retrospective

Red To Kill

Voilà un film d’une violence inouïe. Un film dont on ressort complètement bouleversé. Commençons par l’histoire, plutôt classique, et qui suit à peu de choses près le même cheminement que la plupart des psychokillers de Hong Kong.
Ming Ming est une jeune attardée mentale d’une vingtaine d’années qui vient de perdre son père dans un accident de voiture. Elle se retrouve donc seule et reçoit l’aide de Miss Cheung, assistante sociale, qui la place dans une sorte d’hôpital psychiatrique. Là, elle rencontre le directeur, Chan. Petit à petit, Ming Ming se remet de la perte de son père grâce à Miss Cheung qui devient son amie et sa confidente.
Ming Ming remporte un concours de danse. Le soir, elle se retrouve seule avec Chan. Ce dernier, qui avait toujours été gentil avec elle et les autres malades, montre maintenant un tout autre visage et devient fou. Excité par la robe rouge que porte Ming Ming, il la viole. Chan, enfant, a été le témoin du meurtre de sa mère, tuée par son père parce qu’elle l’avait trompé. Elle portait une robe rouge et, depuis, Chan ne peut plus se contrôler lorsqu’il voit cette couleur.
Red To Kill mérite bien son classement en category 3. On y trouve sans problème sexe et violence. Les deux premières scènes dérangent. Elles sont montées en parallèle, et on peut voir d’un côté une mère se défenestrant avec son bébé dans les bras, et de l’autre, le psychopathe du film tuer et violer une femme. La seconde séquence est très esthétique, aussi belle que glauque avec ses éclairages bleutés “à la giallo”.
En dehors de la violence, Red To Kill est aussi un film sur la tolérance. Tolérance avec des attardés mentaux qui nous sont montrés purs, innocents et solidaires entre eux. De l’autre côté, le monde des gens dis “normaux” semble atrocement perverti, méchant, sans émotion. C’est peut-être un peu manichéen, mais bon…
Aussi, le film peut à ce moment là paraître très mièvre car l’image que le réalisateur peint de ces malades mentaux reste très naïve, et parfois exaspérante. Heureusement, il se reprend sur les scènes de violence qui sont extrêmes et gomment la niaiserie d’autres séquences. Lorsque Chan viole Ming Ming, c’est quasiment insupportable. Il faut dire aussi que les deux interprètes offrent une composition splendide. En particulier l’acteur interprétant Chan qui est on ne peut plus terrifiant.
Chan existe, il est vraiment intéressant. D’un côté, comme c’est souvent le cas dans ce genre de film, il peut être gentil, compatissant. Il s’occupe d’attardés mentaux, ces mêmes attardés qui sont rejetés par la société. De plus, même s’il viole Ming Ming, il l’aime. Tout d’abord, il lui ordonne de partir, car il sait que la robe rouge qu’elle porte va déclencher des pulsions qu’il ne pourra contrôler. Il ne veut pas lui faire de mal. De même, après son méfait, Chan se retrouve au tribunal, accusé de viol. Là, Ming Ming est quasiment agressée verbalement par l’avocat de Chan, qui la fait passer pour une allumeuse et ainsi réussit à disculper son client. La scène est tout à fait atroce car on ressent pleinement la douleur de Ming Ming, qui, en plus du viol, est maintenant humiliée publiquement. Et Chan, s’il est satisfait de son acquitement, souffre aussi face à la douleur de Ming Ming, et veut maintenant se racheter et lui montrer son amour.
Mais lorsque le côté positif de Chan se voit dépassé par son côté sombre, c’est à un véritable monstre auquel nous avons affaire. En effet, l’acteur est encore une fois remarquable et nous pouvons applaudir son jeu car on a véritablemnent l’impression d’une transformation. Ses muscles semblent se développer de manière démesurée lorsqu’on le regarde, et son visage se tord dans tous les sens. C’est absolument effrayant. On regrettera tout de même que l’explication des problèmes psychologiques de Chan soit si peu exploitée. Il aurait été plus intéressant de développer tout cela, et non pas d’expédier la chose en un simple flash-back, qui, de plus, n’explique pas tout. Red To Kill n’est donc pas un film psychologique. C’est un film brutal avec quelques scènes de violence pure qui ne sont peut-être pas très nombreuses mais en tout cas longues et d’anthologie. C’est aussi un film bourré de sensibilité, qui s’attache de très près à ses personnages avec des scènes d’émotions, qui n’ont certes pas le choc visuel des scènes de violence, mais qui possèdent au moins autant d’impact. Il est tout aussi insupportable de voir le viol de Ming Ming que sa détresse juste après, où, sous une douche, elle tente de retrouver sa pureté perdue en se lavant intensément l’entre jambe et en se débarrassant de ses poils pubiens avec une lame de rasoir.
Red To Kill est sans nul doute un très grand thriller, digne des Bunman ou Dr. Lamb. Il ne se limite pas uniquement à décrire la violence brute mais aussi les conséquences désastreuses et incurables qu’elles peuvent avoir au niveau mental. La toute dernière scène est par conséquent l’une des plus fortes, et montre encore une fois que les films chinois n’obéissent pas au même souci commercial que les films occidentaux. Lors de cette dernière séquence, Ming Ming est dans le coma, et ses amis tentent de la ramener à la vie en jouant sur un clavier une musique qui tenait une grande importance dans sa vie. Ming Ming a alors un soubressaut, on croit donc qu’elle est sauvée, mais il ne s’agissait finalement que de son dernier tressaillement avant de mourir. Et le film est tout bonnement à l’image de cette scène, c’est-à-dire splendide.


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- Article rédigé par : André Quintaine

- Ses films préférés : Frayeurs, Les Griffes de la Nuit, Made in Britain, Massacre à la Tronçonneuse, Freaks

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