Un texte signé Angélique Boloré

Grande-Bretagne - 1965 - James Hill
Titres alternatifs : A study in Terror
Interprètes : John Neville, Donald Houston, John Fraser, Anthony Quayle

retrospective

Sherlock Holmes contre Jack L’Eventreur

Dans le monde ténébreux de la criminalité, Jack l’Eventreur n’a jamais été retrouvé. Le mystère de son identité reste entier, il est donc naturel qu’il soit adapté au grand écran avec des versions aussi différentes qu’intéressantes.
Jack l’Eventreur est également entré dans la légende populaire, dans l’imagerie collective. On lui octroie alors des adversaires diverses. Dans A STUDY IN TERROR, le célèbre éventreur rencontre une autre figure de notre culture, Sherlock Holmes. Et il n’a pas été le seul. MEURTRE PAR DECRET pose également les deux mythes en adversaires farouches. Dans le fourmillement des personnalités du meurtrier possibles, MEURTRE PAR DECRET privilégiait la piste des liens avec la famille royale et Sherlock Holmes nous apparaissait comme très complexe puisqu’il participait au complot du silence afin de sauver la couronne. Dans STUDY IN TERROR, c’est encore une autre piste qui est exploitée, à mi-chemin entre le chirurgien et la noblesse. Entre les deux, le cœur de James Hill a dû balancer alors finalement il a compilé.
Nous avons donc ici un terreau commun, un Jack l’Eventreur aux compétences très poussées et aux victimes bien choisies. Cependant, ses mobiles restent bien obscurs. Un large panel de meurtriers possibles défile devant nos yeux. Sherlock Holmes et son indécrottable compagnon Watson rencontrent une foule de personnes diverses. Certaines ont l’air de cacher bien des choses, d’autres d’en savoir plus qu’elles n’en disent. Pour étoffer l’enquête, le réalisateur n’hésite pas à rendre la silhouette du tueur, là au loin, dans l’ombre, bien androgyne. Il joue ainsi avec le spectateur qui finalement ne sait plus trop quoi croire. Par ce jeu, le film lorgne vers les gialli et autres Edgar Wallace. Mais qui se cache derrière le tueur finalement ? Et quand l’enquête avance, on va de surprise en surprise.
Le film louche également vers le règlement de compte social avec un médecin bien présent, qui passe ses nuits à soigner les indigents dans son hospice et qui harangue la foule la journée. Dans une belle tirade, il remercie Jack l’Eventreur de ses méfaits car ainsi les yeux de tous sont braqués sur la misère de Whitechapel. Un tel discours fait de lui un suspect potentiel très crédible. Mais Sherlock Holmes ne s’y laisse pas prendre et c’est avec toute la classe qui le caractérise qu’il nous lance sur une autre piste. A ce propos, John Neville est largement à la hauteur de son rôle. D’aucuns pensent que Peter Cushing a incarné avec un tel brio le personnage de Conan Doyle que les autres ne seraient que de pâles imitations. Eh bien John Neville les contredira de manière éhontée et incarne le célèbre personnage avec crédibilité. Naturellement, sa prestation est parfaite et celle des autres protagonistes de l’histoire également. Sherlock a par exemple un frère et les relations qu’ils entretiennent, leurs échanges verbaux ressemblent à un irrésistible ballet. Dans une atmosphère pesante, une touche d’humour est toujours la bienvenue.
Outre l’intérêt de l’histoire, le réalisateur parsème son propos d’images fortes, d’idées très intéressantes. Nous retiendrons en particulier l’annonce d’une femme, au centre de l’intrigue, défigurée au vitriol. Nous attendons sa rencontre avec ferveur. Elle est à la hauteur de nos attentes, d’autant plus que Sherlock Holmes souligne qu’un visage ravagé peut cacher une âme elle aussi détruite et qui réinvente l’histoire. Que nous a alors apporté cette rencontre ?
Les meurtres sont relativement sobres, à part le premier, très joli. La fille est jetée dans une sorte d’abreuvoir et le couteau plonge encore et encore. La caméra filme les mouvements assassins sous l’eau et c’est très beau.
Pour conclure, SHERLOCK HOLMES CONTRE JACK L’EVENTREUR est très plaisant à suivre. Il campe des personnages complexes et intéressants. Il propose une autre version que celle de From hell, certainement moins spectaculaire et scandaleuse mais finalement, qui ira dire qu’elle n’est pas crédible, aux dernières nouvelles, Jack l’Eventreur n’a jamais été démasqué.


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- Article rédigé par : Angélique Boloré

- Ses films préférés : Autant en Emporte le Vent, Les dents de la Mer, Cannibal Holocaust, Hurlement, L’invasion des Profanateurs de Sépultures

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