Un texte signé Philippe Chouvel

Italie - 1972 - Renato Polselli
Titres alternatifs : Delirio caldo, Delirium
Interprètes : Mickey Hargitay, Rita Calderoni, Christa Barrymore, Raul Lovecchio, Tano Cimarosa

retrospective

Au delà du désir

Herbert Lyutak est un psychologue spécialisé dans le domaine de la criminologie, et de ce fait il collabore régulièrement avec la police. Mais c’est aussi un tueur en série, qui vient de perpétrer son septième meurtre en une seule année. Les victimes sont toujours des jeunes filles pas farouches, dont les tenues légères et les courbes affriolantes finissent par ôter toute once de lucidité chez le criminel/criminologue. Passablement tourmenté, Herbert est marié depuis plusieurs années à une femme ravissante, Marcia, à qui il n’a jamais pu faire l’amour pour cause d’impuissance. En fait, seules d’incontrôlables pulsions sadiques parviennent à lui redonner un semblant de virilité, pulsions qui le conduisent inévitablement au meurtre. Et c’est pourquoi il ne peut se résoudre à se montrer violent envers sa femme, qu’il aime profondément, même si celle-ci est prête à accepter ce genre d’extrémité.
Après le meurtre d’une prostituée, Lyutak finit par être suspecté par la police. Mais la liste des victimes s’allonge encore, crimes pour lesquels le psychologue possède un alibi en béton. Il faut alors se rendre à l’évidence : un second tueur sévit dans les parages…
Catalogué à une époque en tant que giallo, AU DELA DU DESIR est une œuvre d’un tout autre genre, un genre d’ailleurs indéfinissable, et propre à son auteur : Renato Polselli. Décédé voici presque trois ans (une quinzaine de jours après Mickey Hargitay), le cinéaste italien a laissé derrière lui une filmographie plutôt sulfureuse à partir des années 70. Sous le pseudonyme de Ralph Brown, il aura signé des œuvres marquées par le sceau de la sexualité et de la folie. La violence et l’érotisme ont été maintes fois exploités dans le cinéma, mais Polselli possédait un style inimitable, et relativement incompréhensible. La vision d’AU DELA DU DESIR, comme de pas mal des films qui suivront, entre autres REINCARNATION OF ISABEL (avec quasiment le même casting), est une expérience inoubliable. Acteurs aux yeux écarquillés, flics en chemises à fleurs et col pelle à tarte, jeunes filles en mini-jupes, musique de crooner en total décalage avec l’intrigue, servante se masturbant en écoutant ses patrons se faire des confidences, nièce amoureuse de sa tante et scènes d’hystérie collective incompréhensibles font partie des ingrédients au menu de ce thriller ô combien tourmenté.
Comme si cela ne suffisait pas, et histoire de compliquer un peu plus une intrigue nébuleuse, il existe trois montages différents du film. La version originale italienne est la plus longue (une heure quarante deux), mais la plupart des scènes érotiques ont été allégées par rapport à la version destinée à d’autres pays européens comme la France. Ce deuxième montage dure quant à lui une heure trente quatre.
Et puis, il y a le fameux montage destiné au marché américain, et dans lequel le personnage d’Herbert Lyutak devient un rescapé de la guerre du Vietnam. On le voit ainsi au cours du teaser, rapatrié dans un hélicoptère après avoir été gravement blessé. C’est Mickey Hargitay lui-même qui avait suggéré cette idée au metteur en scène, pour expliquer les raisons de la folie du personnage, tout en surfant sur l’actualité du moment (la guerre du Vietnam restait le sujet « brûlant » de cette époque, le conflit ne s’achevant qu’en 1975). Cette version US, en grande partie différente des deux montages européens, d’une durée de quatre vingt six minutes, intègre notamment un nouveau personnage féminin et un coup de théâtre final abracadabrant.
Quelle que soit la manière de juger un tel film, on ne peut pas reprocher grand-chose au jeu de ses deux interprètes principaux, en parfaite osmose avec la folie dévastatrice régnant dans cette œuvre. Mickey Hargitay se fit d’abord connaître en tant que culturiste. D’origine hongroise, il partit aux Etats-Unis, et se maria avec Jayne Mansfield en 1958. On a pu les voir ensemble dans plusieurs films, parmi lesquels le peplum LES AMOURS D’HERCULE. L’acteur tourne beaucoup en Italie, et c’est avec VIERGES POUR LE BOURREAU, de Massimo Pupillo, qu’il va entamer sa palette de personnage fou furieux, et qui atteindra son apogée avec ses deux collaborations avec Renato Polselli.
Rita Calderoni avait préalablement travaillé avec le réalisateur peu de temps avant AU DELA DU DESIR, dans LA VERITA SECONDO SATANA. Le cinéaste avait été conquis par sa beauté, son magnétisme, son talent et bien sûr sa faculté à se dénuder sans complexe quand il le fallait. Il faut avouer que Rita Calderoni avait beaucoup d’arguments de ce côté-là, et les fans de cette actrice seront en mesure de profiter pleinement de la plastique de l’actrice dans le tout aussi déjanté NUDE FOR SATAN, de Luigi Batzella.
Œuvre bâtarde et dépourvue de toute qualité, AU DELA DU DESIR parvient néanmoins à fasciner tant elle se montre extrême dans son approche du sadomasochisme, de la folie et du sexe. L’enquête policière est d’une bêtise hallucinante, mais à la limite on s’en moque. Du film, on retient avant tout son aspect outrancier volontaire et assumé, annonciateur des futures réalisations du cinéaste : RIVELAZIONI DI UNO PSICHIATRA SUL MONDO PERVERSO DEL SESSO (1973) et OSCENITA (1980). En qualité de « sexploitation », AU DELA DU DESIR tient une place de choix, assurément. En tant que thriller, c’est une autre histoire…


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- Article rédigé par : Philippe Chouvel

- Ses films préférés : Femina Ridens, Les Démons, Danger Diabolik, L’Abominable Docteur Phibes, La Dame Rouge Tua 7 Fois

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