Un texte signé Philippe Delvaux

Inde, Grande-Bretagne, USA - 2006 - Tarsem Singh
Interprètes : Catinca Untaru, Justine Waddell, Lee Pace, Kim Uylenbroek, Aiden Lithgow

BIFFF 2008 - Quelques jours dans la peau d’un zombie par Philippe Delvauxreview

The Fall

Dans un hôpital des années ’20, Roy Baker, un cascadeur de cinéma est alité suite à un accident. Il rencontre Alexandria, une petite fille hospitalisée avec une épaule démise. Suite à des problèmes sentimentaux, Roy a des envies suicidaires mais Alexandria se lie d’amitié à lui. Pour la distraire, Roy invente donc l’histoire du bandit masqué et de ses compagnons contre l’infâme gouverneur Odius.

Le nouveau Tarsem Singh se sera fait attendre : THE CELL remonte déjà à 2000. Le petit prodige révélé à la face du monde par le biais du clip Loosing my religion de REM au début des années ’90 accouche enfin de son deuxième long métrage, THE FALL, qu’on se gardera de confondre avec l’excellent mais « ovniesque » film quasi homonyme de Peter Greenaway, THE FALLS.

Le gros des prises de vues du Tarsem Singh a été effectué en 2004 mais le film n’a débuté sa carrière en festival qu’en 2006. En avril 2008, THE FALL qui n’a toujours pas débuté sa carrière commerciale, s’offrait en clôture du 26e Festival du Film Fantastique de Bruxelles. Il sortira en salle dans le courant de cette même année.

Et l’attente n’aura pas été vaine tant THE FALL recrée la magnificence que suscitaient dans notre imaginaire les contes d’autrefois. Pour ce faire, le réalisateur aura bénéficié d’un budget honorable lui permettant de tourner dans les plus beaux décors du monde entier (26 pays au final !). Les palais indiens succèdent donc aux somptueux paysages sud-africains, aux îles paradisiaques, aux déserts mortifères… Tout est grandiose et repose fortement sur la beauté des images (Tarsem Singh a beaucoup œuvré pour les clips mais aussi pour la publicité). On pense parfois au baroque d’un Terry Gilliam, mais sans cependant le côté acerbe du Monty Python… Quoique à la réflexion, l’intrigue de Tarsem Singh se révèle moins lisse que ne peut le laisser penser une première impression car ce qui motive le conte de Roy à Alexandria, c’est une volonté à la fois manipulatrice pour se suicider en paix, avec l’aide de l’enfant, et aussi une vengeance imaginaire où le convalescent s’invente un double héroïque qui s’en ira combattre le félon, cause de ses malheurs. Un filon analogue a déjà été exploité dans le registre comique : souvenons-nous du MAGNIFIQUE, avec Jean-Paul Belmondo.

Le bandit masqué, double héroïque de notre cascadeur, emprunte la défroque d’un Zorro. Quoi de plus normal puisqu’il se veut justicier. Les années ’80 ont également accouché d’un conte à la fois très stylisé et un peu distant de son sujet, qui présentait en outre lui aussi son Zorro : PRINCESS BRIDE. Pour en finir avec les références, THE FALL est basé sur Yo HO HO, un film Bulgare de 1981 dû à Zaco Heskija.

On pourra cependant reprocher une certaine légèreté au script qui multiplie les passages gratuits juste pour placer de belles images. Ce n’est heureusement pas systématique et une bonne partie du conte est en réalité l’interprétation par Alexandria de l’histoire de Roy, que celui-ci travesti sous les atours d’une fable. Il y a donc un pont intéressant entre le monde réel et celui, débridé, de l’imaginaire enfantin.

De manière annexe, le film développe en outre un thème sémiologique sur le rapport signifiant-signifié-signification. Roy, spécialisé dans les cascades de westerns, introduit un indien dans son histoire mais Alexandria le comprend comme quelqu’un venu d’Inde, et c’est sa vision, déformée et agrandie qui est transcrite à l’écran. Ce caractère imprécis du langage, l’écart entre l’intention de Roy et l’imaginaire d’Alexandria, tout cela se double au thème de la manipulation de l’enfant par l’adulte. Par extension, le spectateur peut faire sien le message du film et cherchera dorénavant à décrypter les intentions du cinéma commercial (américain). Quelles sont les valeurs derrière ce qui nous est toujours présenté comme un simple divertissement. Le script est donc bien plus fin que ce que le traitement linéaire de l’histoire le laisse penser au premier abord.

Mais point n’est besoin en réalité d’analyser pour simplement jouir du film. Et dans le registre des contes pour enfant, ce qui emporte au final le morceau reste évidemment la splendeur des images (on insiste) qui enfonce six pieds sous terre toutes les « narniaiseries » du moment.


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- Article rédigé par : Philippe Delvaux

- Ses films préférés : Marquis, C’est Arrivé Près De Chez Vous, Princesse Mononoke, Sacré Graal, Conan le Barbare

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