Un texte signé Patryck Ficini

Etats-Unis - 1971 - Aarons Edward S.
Titres alternatifs : Sam Durell chasse le virus

chroniques-infernalesDossier

Virus-Party

«Durell ressentit un coup sur la nuque et il tomba en avant sur les genoux. Quelque chose le frappa au front et du sang lui coula dans un oeil. Il essaya d’atteindre le garde armé le plus proche, mais un coup de botte le frappa à l’épaule, un autre dans les côtes, et il retomba, rampant à plat ventre, tandis que les coups continuaient à pleuvoir sur son corps. » (P. 215)

Avec la menace d’une guerre bactériologique, et aujourd’hui d’attentats du même type, le thème du virus meurtrier revient assez souvent dans le roman d’espionnage.
Pendant que Nick Jordan, par exemple, s’occupe du VIRUS H 84, c’est ici le beau ténébreux Sam Durell qui doit mettre fin à une épidémie qui, après avoir tué une centaine de Japonais, risque de se propager dans le monde entier.
La peur du virus, en ces temps de guerre froide, est presque aussi forte que celle du nucléaire. Aujourd’hui encore, après les nombreuses pandémies mondialisées, venues on ne sait d’où, à l’ère des attentas terroristes de plus en plus meurtriers et spectaculaires, l’idée d’un virus mortel terrifie.
Un roman comme VIRUS-PARTY est donc au fond aussi anxiogène de nos jours qu’à l’heure où il fut écrit. Autant pour ceux qui ne voient dans l’espionnage de ces années qu’un genre archi démodé.
Le fait qu’une île japonaise est ici touchée ne peut aussi que faire penser à une catastrophe récente, comme Fukushima – même si les fléaux sont de nature différente, c’est un peu comme si, après Hiroshima et Nagasaki, une même malédiction s’abattait encore et encore sur le Japon.
Pendant une bonne partie de VIRUS-PARTY, on ne sait d’où vient le virus. Il pu être « perdu », lâché dans la nature accidentellement, par les U.S.A, l’U.R.S.S ou encore la Chine Populaire. Les 3 camps adverses enquêtent, notamment pour prouver, vrai ou faux, que le virus ne vient pas de chez eux. L’important, nous dit Edward Aarons, n’est pas la vérité mais ce que l’on veut qu’elle soit. La morale et les services secrets n’ont jamais fait bon ménage.
Sam Durell, de la CIA, a 48 heures pour retrouver une jeune femme immunisée naturellement afin de permettre la création d’un vaccin contre ce qui risque bien d’anéantir l’humanité.
L’heure est grave. Durell, dur, impitoyable, en est pleinement conscient. Des milliers de vies dépendent du succès de sa mission. A charge pour lui aussi de blanchir les Etats-Unis s’ils s’avèrent responsables – ce qui est nettement moins héroïque et le dégoûte plutôt.
VIRUS-PARTY se déroule entièrement au Japon. Un Japon bien décrit, parfois poétiquement, par un auteur qui a sûrement connu ce pays.
Durell joue contre la montre , mais aussi contre un terrifiant tortionnaire chinois (lorsque Durell est capturé, il est passé à tabac en attendant que commencent les vraies tortures) et contre un ami/ennemi (un peu comme Serge Koslov dans les Lecomte de F.H. Ribes) , un Russe débonnaire et pochtron qui n’en pas moins un redoutable agent… à qui il ne faut pas se fier.
Le Chinois fait peur à Durell et au Russe. C’est intéressant ; cela le pose en vrai grand méchant. Quand il tue un vieillard innocent ou la collègue de Sam Durell, on a la preuve qu’il est une sorte de salaud parfait, que l’agent de la CIA voudra éliminer à tout prix – sans pour autant sacrifier sa mission, primordiale. Dans le monde de l’ombre, la mission passe avant tout, toujours. Pas de place pour des amours ou des amitiés au-delà d’une certaine limite.
VIRUS-PARTY est haletant de bout en bout et confirme tout le bien que l’on pense ici de la série de Edward Aarons (voir OPERATION FRIGO). L’auteur a une belle plume, ce qui ne gâte rien et le place même au-dessus de l’espionnage pop de base, auquel il appartient pleinement.
Les personnages sont tous attachants ou intéressants.
Sam Durell est un romantique, mais il se révèle aussi d’une incroyable dureté dans les derniers chapitres quand il se voit contraint de menacer la vie de la jeune femme qu’il a aidée jusque-là pour qu’elle ne tombe pas aux mains des Chinois.
Les scènes d’action sont fortes (le lutte de Durell contre des Chinois dans une maison close ; le final bondien dont on ne dévoilera rien ici) et l’intrigue d’une simplicité qui ne la rend que plus efficace.
VIRUS-PARTY est tout simplement délicieux.

« Elle était morte en pleine terreur, dans un spasme de mortelle panique, comme lors de sa première rencontre avec les Chinois, le matin dans les bois. (…) Elle était morte douloureusement, en sachant ce qui lui arrivait, en le refusant, en hurlant et en se débattant. » (P163).


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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