Un texte signé Michaël Guarné

Japon - 2004 - Shinya Tsukamoto
Interprètes : Tadanobu Asano, Nami Tsukamoto, Kazuyoshi Kushida

asian-scans

Vital

Après le très personnel SNAKE OF SNAKE sorti en 2002, relecture plate et vaine des “ pinku eiga ” d’il y a 30 ans, on peut dire que l’on appréhendait quelque peu ce VITAL. Mais si Tsukamoto a pu se reposer sur ses lauriers l’espace d’un film, il revient ici avec une œuvre sympathique, plus touchante qu’avant-gardiste.
Hiroshi Takagi, en partie amnésique à la suite d’un accident de voiture ayant coûté la vie à sa copine, se réveille dans son lit d’hôpital aux côtés de ses parents. Avec l’aide de ces derniers, il reprend ses études de médecine. A la morgue, tandis qu’il étudie le corps humain en disséquant des cadavres, il finit par se rendre compte que la dépouille sur laquelle il travaille ne lui est pas indifférente…
Dès le début, on remarquera que le réalisateur est toujours hanté par les mêmes thèmes. On n’est plus surpris de voir des usines recrachant de la fumée dès le générique d’intro. Tsukamoto entretient en effet une relation obsessionnelle avec tout ce qui touche aux environnements urbains. Il considère la ville (et plus particulièrement Tôkyô) comme un personnage à part entière, un peu comme Scorsese et New York. Une ville qui a moins d’impact que dans TETSUO ou dans TOKYO FIST, mais qui laisse quand même ressentir sa présence au spectateur. Tsukamoto utilise notamment de magnifiques filtres bleus-gris, donnant une touche mélancolique à son métrage. La photographie est hyper léchée et, chose surprenante pour ce réalisateur, permettra aussi d’apprécier de jolis décors naturels (les scènes en bord de mer sont vraiment réussies d’un point de vue esthétique).
Comme dans HAKUCHI, Tadanobu Asano livre une prestation jouant plus sur ses émotions (expressions, regards…) que sur ses dialogues, ce qui pourra rebuter certains spectateurs. Toujours est-il que cet acteur a une forte présence à l’écran, donnant une crédibilité certaine à son personnage. Tandis qu’il explore de fond en comble le corps humain, il se redécouvre petit à petit. Des bribes de souvenirs lui reviennent de temps à autre, sous la forme de flash-back plus ou moins pertinents. La mise en scène prête à confusion ; parfois, on ne sait plus s’il s’agit d’évènements ayant réellement existés ou si on a affaire à des rêves. Ce n’est pas une mauvaise idée en soi, bien au contraire. On a cependant l’impression que tout ceci est gratuit et que Tsukamoto n’arrive pas à maîtriser le potentiel qui se dégage de ce VITAL. C’est dommage. Mais où est donc passé ce côté “ rentre dedans ” qui faisait la force de ses premières œuvres ?
Car malgré la dureté du sujet abordé (le rapport à la mort, à l’inconnu, la nécrophilie…), l’ambiance est plutôt soft, voire poétique. Ce n’est pas un film complètement raté, loin de là. C’est juste embêtant de voir que Tsukamoto ne va pas au bout de son projet. Il laisse un peu ses idées en suspend. L’ensemble pourrait être plus abouti que ça. Par exemple, la relation entre Hiroshi Takagi et l’étudiante qui en pince pour lui n’est pas assez développée. Elle lui reproche de s’intéresser à sa copine décédée plutôt qu’à elle, bien vivante. On se rapproche de la mort pour se sentir vivre… Tout ça sent le film d’auteur qui ne s’assume pas.
En fin de compte, voila un long métrage pas pénible à regarder. Reste que les fans de Tsukamoto regretteront la hargne des personnages et l’aspect “ jusqu’au boutiste ” de ses débuts.


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- Article rédigé par : Michaël Guarné

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