Un texte signé Alexandre Lecouffe

Italie - 1972 - Aldo Lado
Titres alternatifs : Chi l'ha vista morire?
Interprètes : George Lazenby, Anita Strinberg, Adolfo Celi

retrospective

Who saw her die?

Second film d’Aldo Lado après JE SUIS VIVANT (1971), WHO SAW HER DIE ? prolonge et approfondit certains thèmes et parti pris du réalisateur italien. Comme son prédécesseur, WHO SAW HER DIE est un giallo respectueux des codes du genre et en même temps, une variation sur ce genre.
Le film débute en 1968 en Suisse ; une petite fille est sauvagement assassinée par ce qui semble être une femme portant un voile et des gants (!). Le meurtre est toujours non élucidé quatre ans plus tard alors que nous suivons l’arrivée à Venise d’une petite fille venue y rejoindre son père, Franco Serpieri, un talentueux sculpteur (joué par George Lazenby qui fut James Bond dans AU SERVICE DE SA MAJESTE trois ans plus tôt). Peu après, sa fille est enlevée par une mystérieuse femme gantée et voilée et retrouvée morte dans le Grand Canal. Franco est alors rejoint par sa femme (la très racée Anita Strindberg que l’on peut admirer entre autres dans LA QUEUE DU SCORPION de Umberto Lenzi). Le couple, terrassé par le chagrin, va tenter de se reconstruire avec pour objectif la recherche de l’assassin qui en est à sa troisième victime.
On retrouve dans WHO SAW HER DIE l’ambiance sombre et violente du giallo, une énigme meurtrière, un assassin ténébreux dont on perçoit les méfaits en caméra subjective et des personnages tous plus inquiétants et névrosés les uns que les autres. Cependant, c’est davantage la création d’une atmosphère mystérieuse et irréelle qui semble intéresser le réalisateur plutôt que la résolution du « whodunit » (ou du « qui l’a vue mourir ? » plutôt !). Tout comme dans JE SUIS VIVANT où la ville (Prague) revêtait une importance particulière, c’est ici Venise qui devient un élément primordial du métrage et même un personnage à part entière. Filmée par quelqu’un qui la connaît bien (Aldo Lado y est né), la Cité des Doges se révèle un cadre à la fois somptueux et étrange ce qui sied parfaitement au film et à son intrigue. En choisissant de mettre en avant les aspects les moins connus de sa ville (des rues désertes et labyrinthiques où les touristes ne vont pas, des ruelles et des cours fermées, le Canal dans une brume persistante..) Aldo Lado lui donne un aspect fantastique et quasiment onirique qui s’accorde parfaitement à l’ambiance mortifère que le film développe progressivement. A ce propos, il paraît intéressant de noter que le remarquable NE VOUS RETOURNEZ PAS (Nicolas Roeg, 1973), bien qu’adapté d’une nouvelle de Daphné Du Maurier, partagera d’évidents points communs avec WHO SAW HER DIE (le décès tragique de l’enfant du couple, le cadre Vénitien tout aussi étouffant, le caractère obsessionnel du père cherchant à résoudre l’énigme).
Mais c’est aussi par l’audace des thèmes abordés que le film trouve son originalité et sa force : les victimes sont des enfants- fait inédit jusqu’alors dans un giallo- et le thème tabou de la pédophilie est abordé sans que le film n’en devienne douteux, loin s’en faut. Tradition « giallesque » oblige, la plupart des personnages se caractérisent par leur corruption et leur perversion morales et leur appartenance à la classe dominante de la société. Les meurtres- nombreux et graphiquement assez explicites- sont filmés efficacement c’est-à-dire en maintenant un suspense : l’assassin est toujours hors champ et frappe quand on s’y attend le moins. Le seul bémol vient de la complexité des liens entre les coupables potentiels et du flou qui entoure les réelles motivations du meurtrier. A ce titre, le dénouement peut paraître un peu décevant car peu vraisemblable. Qu’importe, Aldo Lado parvient à construire un film qui trouve une vraie unité à mi-chemin entre le giallo classique et une vision personnelle de celui-ci. Finalement, impossible de ne pas mentionner, comme contribution essentielle à cette réussite, la musique inoubliable d’Ennio Morricone. Le thème-comptine (« Chi l’ha vista morire »), la musique et les chœurs liturgiques chantés par des enfants donnent à WHO SAW HER DIE une dimension encore plus poignante et vénéneuse.


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- Article rédigé par : Alexandre Lecouffe

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