Un texte signé Nassim Ben Allal

Grande-Bretagne - 2006 - Michael J. Bassett
Interprètes : Sean Pertwee, Brian Bache, Alex Reid, Richie Campbell

review

Wilderness

Pour qui avait vu son premier film, DEATHWATCH (sorti directement en DVD dans nos contrées sous le titre LA TRANCHEE), le nom de Michael J. Bassett ne rimait pas forcément avec espoir du cinéma fantastique ou d’horreur.
Et pourtant.
De retour quatre ans après un premier opus totalement décevant malgré un pitch prometteur, le réalisateur anglais revient en grande, en très grande forme.
Sur un canevas de « survival » comme il y en a tant, Bassett nous offre une véritable plongée dans les profondeurs de la sauvagerie et de la régression.
Après le suicide d’un de leurs camarades de chambrée d’une maison de redressement, un groupe de jeunes délinquants est envoyé en stage sur une île déserte au large de l’Ecosse.
Terrain d’entraînement pour les militaires, cette île est aux jeunes pour une semaine, le temps pour eux de réapprendre à vivre en communauté. Mais au vu de leurs profils particulièrement violent, la tâche de leur gardien n’est pas aisée.
C’est alors qu’ils s’aperçoivent que tout ne tourne pas rond sur cette île.
Ils ne sont pas seuls… ils se rendent effectivement compte que les lieux accueillent également un groupe de jeunes femmes en réhabilitation, accompagnées de leur éducatrice.
Mais ce n’est pas tout.
Bientôt, l’attaque d’une meute de bergers allemands va leur révéler une bien terrible vérité : il y a, sur cette île, un chasseur bien décidé à les décimer !
Ce qui frappe dés les premières minutes de visionnage de ce film, c’est son ton sans concession, d’une sécheresse brute rarement assumée dans un film de genre ces dernières années.
Viscéralement réaliste dans sa peinture d’une jeunesse foutue d’avance, le métrage se rapproche des plus grands films de Ken Loach. Démarrant sur un ton très fort de film social à l’anglaise doublé d’une réflexion sur l’enfermement physique et psychologique (l’île comme le symbole de l’état mental dans lequel sont prisonniers les personnages), le film prend son temps et présente de véritables protagonistes, complexes, pas seulement des silhouettes à peine esquissées pour mieux se faire tuer ni des héros qu’il est facile d’aimer.
Le premier tiers de WILDERNESS tresse ainsi sa thématique, doucement mais sûrement.
Il est alors légitime de se demander de quelle manière le film va basculer dans le genre pur et dur.
WILDERNESS s’immisce dans le genre par le biais d’une scène magistrale, celle de l’attaque des jeunes délinquants par une meute de chiens dressés pour tuer. Sauvage et violente, celle-ci propulse le film sur les chemins du « survival » et ses protagonistes en plein calvaire.
Ici, la violence des jeunes devient secondaire et apparaît bien douce et faible face à celle des animaux et de leur maître, une étrange silhouette qui se fond dans le décor.
La suite, de facture plus classique, notamment dans sa construction puisque celle-ci adopte la structure type du « survival », transforme donc les violents humains en gibier.
Ceux-ci, d’ordinaire chasseurs en milieu urbain, vont devoir s’organiser pour survivre. Sauf qu’ici, l’homme reste un loup pour l’homme, même confronté à de sanguinaires chiens-loups.
L’individualisme prime et la seule porte de sortie est celle de la régression vers une sauvagerie totale (le titre est donc utilisé à double emploi), bestiale, une remise à niveau pour se battre avec les mêmes armes que son ennemi.
Thème principal du film, il se raccroche ainsi à PREDATOR de John Mc Tiernan, chef d’œuvre absolu du retour à la sauvagerie initiale. Mais là où WILDERNESS tranche net, c’est qu’il conserve du début à la fin un ton qui se veut radicalement réaliste.
Et ce parti pris s’avère bien plus que payant.
Stressant et angoissant de bout en bout, porté par un excellent casting d’inconnus (préservant ainsi un oppressant suspens puisqu’il est strictement impossible de se douter de l’identité du survivant s’il y en a un) et relevé de saisissants effets gore, le film de Michael J. Bassett est une réussite.
Présentant parfois quelques similitudes avec SEVERANCE, de son compatriote Christopher Smith (mais ici, la scène de la jambe dans le piége à loup ne fera rire personne), le métrage se rapproche, dans son traitement de la violence et des corps à corps (lors, notamment, de l’affrontement final) de TRAQUE (THE HUNTED) de William Friedkin.
Efficace et sans concessions, WILDERNESS est un vrai film de genre qui respecte les codes et en même temps les transcende pour livrer une véritable réflexion sur la violence de la société et la sensation d’enfermement (physique et psychologique) que l’on ressent parfois.
Se concluant néanmoins d’une manière plutôt positive, le film offre une véritable renaissance à certains de ses héros, ceux qui ont réussis à se libérer de leurs chaînes.


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- Article rédigé par : Nassim Ben Allal

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