BIFFF 2008 - Quelques jours dans la peau d’un zombie par Philippe Delvaux

4. BIFFF 2008 – L’insolente bonne santé espagnole

Le fantastique espagnol jouit d’une aura que lui envient nombre d’autres pays européens. Le raz de marée au box office espagnol de L’ORPHELINAT (5 millions d’entrées) le confirmait encore récemment.

Le BIFFF ne peut donc pas passer à côté de la production espagnole contemporaine.

Alex de la Iglesia est un chouchou du festival, où une grande partie de sa filmographie a été montrée, et ce depuis ACCION MUTANTE, ce précurseur du renouveau du fantastique espagnol. Le réalisateur rondouillard et rigolard était donc comme un poisson dans l’eau pour présenter son nettement moins rigolard THE OXFORD MURDERS (aka CRIMES A OXFORD). Alex de la Iglesia tente (comme en son temps avec PERDITA DURANGO) un nouveau changement de registre au profit d’un policier à l’anglaise, tiré à 4 épingles où un serial killer tue en fonction de concepts mathématiques. Et finalement, quoi de plus normal qu’une intrigue mêlant enquête et mathématique. Le côté logique et mécanique reste cohérent dans le travail d’un réalisateur de comédies, genre reposant souvent lui aussi sur une progression mécanique. CRIMES A OXFORD n’est pas un chef d’œuvre (difficile de succéder au CRIME FARPAIT et à MES CHERS VOISINS) mais ne déshonore pas son réalisateur. S’il est question de mathématiques, ce sont plutôt celles de l’absurde que celles de la logique pure. Avec PI de Darren Aronofsky et une bonne partie de la filmographie de Peter Greenaway (MEURTRE DANS UN JARDIN ANGLAIS et DROWNING BY NUMBERS en tête), on constate que les jeux mathématiques sont loin de repousser certains réalisateurs et s’accordent assez bien du genre policier ou du thriller (au sens large). Devant un public belge aux anges, Alex de la Iglesia annonçait que son prochain long métrage serait l’adaptation de « La marque jaune » (d’après le classique d’Edgar P. Jacob), soit une bande dessinée plongée dans une atmosphère anglo-saxonne « classique » (avec une touche référentielle à l’expressionnisme allemand). Alors, CRIMES A OXFORD est-il un galop d’essai pour LA MARQUE JAUNE ?

[REC] de Balaguero et Plaza tourne en festival depuis un moment déjà et arrache les prix et distinctions. Il en a été de même à Bruxelles d’où il est reparti avec un Corbeau d’argent et le prix du public. [REC] ouvrait d’ailleurs triomphalement la nuit fantastique, préparant le public à l’expérience A L’INTERIEUR. On n’en dira pas plus ici, le film sortant en salle et bénéficiant donc un peu partout d’une bonne couverture de presse.

Isidro Ortiz n’est pas un inconnu au BIFFF : son FAUSTO 5.0 y a remporté un Corbeau d’or il y a quelques années. ESKALOFRIO (aka SHIVER), sa nouvelle réalisation, inverse la figure du monstre qui se révèle plus humain que certains protagonistes. C’est l’atout majeur d’un film qui pour le reste se contient dans des canons classiques, ce qui n’est pas une tare.

TIMECRIMES (CRONOCRIMENES) de Nacho Vigalondo varie agréablement le style fantastique espagnol et délaisse l’épouvante au profit d’une histoire de paradoxe temporel. Voir notre recension.

On évoquera rapidement DOCTOR INFERNO de Paco Limon, que nous nous sommes bien gardé de voir sur les conseils de Frédéric Pizzoferatto et dont les programmateurs eux-mêmes faisaient peu de cas, le reléguant dans la petite salle.

APARECIDOS (aka THE APPEARED) est un premier long signé Pablo Cabezas. Il s’inscrit dans la mouvance du film de fantôme à message, où les ectoplasmes expriment non seulement la psyché des protagonistes et leur histoire (familiale) mais aussi dans le cas présent la psyché d’une nation toute entière. L’action se déroule en Argentine où un frère et une sœur espagnols se rendent au chevet de leur père moribond qu’ils n’ont pas connu. Le film de fantôme se double « road movie ». Les deux genres œuvrent souvent à fouiller le passé des personnages et leur transformation. Ce passé familial croise ici l’histoire de l’Argentine de naguère et de ses pratiques dictatoriales. La mise en scène reste assez sage mais le script souligne sur la fin sa note d’intention en jouant des métaphores du souffle de vie et de son corollaire « l’anima », l’âme, ici transcrite par la « figure » de l’électricité (le père sous respirateur artificiel parallèlement à un des protagonistes en réanimation). L’électricité y est d’ailleurs montrée à la fois comme un facteur de vie (les chocs électriques en réanimation) et de mort (l’instrument de torture).

APARECIDOS nous permet la transition du cinéma espagnol au cinéma argentin dont trois représentants ont été montrés au BIFFF… mais dans la petite salle.

FILMATRON voit le retour de Pablo Parès au BIFFF, quelques années après ZOMBIE PLAGUE : MUTANT ZONE.

36 PASOS (aka 36 STEPS) de A. Garcia Bogliano ne nous a pas fait grande impression. Sous prétexte de cinéma indépendant, revoici un film amateur en caméra digitale dont la seule force réside dans le fait que les héroïnes sont en bikini du début à la fin. Pour le reste, on se fait suer grave.

La vraie découverte du cinéma argentin, et de la compétition alternative du 7e parallèle qui l’a à juste titre récompensé, est venue de THE AERIAL (aka LA ANTENA, d’Esteban Sapir). Un film esthétiquement audacieux, en noir et blanc, muet et qui dénonce l’emprise des médias sur la société : férus de télévision, les habitants d’une ville en viennent à littéralement perdre la parole (et tout sens critique), ce qui justifie le parti pris du muet. Le noir et blanc se légitime quant à lui par l’opposition avec les médias critiqués dont on n’imagine pas qu’ils puissent accepter une vision « passéiste » du cinéma. Formellement, on pense souvent à Guy Maddin, mais sur le plan du contenu, on réfère moins au cinéaste canadien ‘fictionnalisant’ sa vie qu’à tout ce pan de la science-fiction dénonçant les dérives de notre société du spectacle. THE AERIAL trouvera difficilement son chemin vers les salles mais tourne en festival depuis un moment. La France lui a cependant donné sa chance en le sortant en salle le 30 janvier 2008 sous le titre TELEPOLIS. Si l’occasion vous en est donnée, nous ne saurions trop vous en recommander la vision.

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