Un texte signé Franck Boulègue

Japon - 1988 - Toshiki Sato
Titres alternatifs : Akai Hokokusho : Senketsu no
Interprètes : Tomoko Shinomiya

retrospective

Account in Red: My Bloody Angel

Curieux film que ce MY BLOODY ANGEL. Pourtant, rien de ce qui nous vient du Japon ne devrait plus nous étonner aujourd’hui. Le pays du Soleil Levant nous a en effet habitué à tous les excès possibles et imaginables, dans tous les genres qui soient. Pour s’en convaincre, il suffit de visionner à nouveau les films de Takashi Miike, tous plus déjantés les uns que les autres. Ils ne sont pourtant que la partie émergée de l’iceberg. La production nippone foisonne d’œuvres hors normes, et les excès mis en scène sont inversement proportionnels au rigorisme de la vie quotidienne des japonais.
Il faut bien reconnaître que l’étrange mélange de gore et de pornographie proposé par MY BLOODY ANGEL peut surprendre, même les plus avertis d’entre nous. Non pas que cette fusion des genres soit particulièrement innovante ; non ce qui frappe ici, c’est plutôt la totale gratuité des scènes pornographiques, toujours entrecoupées de séquences dégoulinantes de sang. Dans un cas comme dans l’autre, il serait vain de se pencher trop longuement sur le scénario, dont les trous narratifs sont d’un tel diamètre qu’ils laissent peu de place à la vraisemblance.
Le film s’ouvre sur la confession qu’effectue derrière les barreaux d’une prison une certaine Tomoko. Infirmière dans un hôpital, elle a rencontré l’amour de sa vie, Masao, suite à un accident de la route qui l’a amené à séjourner durant quelque temps dans son service. Chanteur dans un groupe de rock, il vit toujours dans un appartement pour étudiants décoré de posters de Led Zeppelin. Les deux amants convolent joyeusement (les scènes de sexe pixélisées sont là pour nous en convaincre) avant de se marier et de s’installer ensemble.
Surgit alors un certain Monsieur Kawakami, ancien collègue de lycée de Masao, qui vient rompre ce bel équilibre. Il ravive le désir de Masao de composer sa propre musique et il le soutient dans cette démarche. Rapidement, le mari de Tomoko se mure dans un processus créatif extrême, qui le déstabilise mentalement. On ne sait trop comment ni pourquoi, mais Kawakami et Tomoko en arrivent à la conclusion qu’un démon s’est emparé de Masao.
Ils organisent alors une séance d’exorcisme à la mode shinto, un rituel purificatoire fait de déclamations de mantras. Mais rien n’y fait : le démon, sensé avoir envahi Masao à partir de son œil, s’est propagé dans l’organisme comme un virus. Il faut purifier, laver ce corps devenu impur. Pour cela, Kawakami entreprend donc, en toute logique… d’étrangler Masao ! Et Tomoko de lui prêter main forte !
Le film bascule alors dans le n’importe quoi, puisque les deux protagonistes vont entreprendre de découper Masao en tranches (ils le saignent, lui arrachent l’œil infecté, l’éviscèrent, le décapitent, le purifient à grand renfort de sel déversé dans ses entrailles…), sans éprouver le moindre remord. Ah si quand même : lorsque Tomoko est arrêtée un instant par la vision du sexe découpé de son ex-mari. Mais pas plus d’un instant…
Cette production vidéo nippone fait donc l’économie d’un scénario. A vrai dire, elle fait également l’économie de véritables acteurs. Ces derniers ont, il est vrai, peu d’occasions de montrer leurs talents oratoires : soit ils forniquent, soit ils tripatouillent des viscères. Pas besoin de sortir de « l’Actor’s Studio » pour ce genre de scènes…
Le côté vidéo vérité du film le rapproche par moment de la série des GUINEA PIG, le talent en moins. Car au moins, dans cette série, les réalisateurs n’hésitaient pas à tirer un trait sur le scénario si cela s’avérait nécessaire afin d’appuyer un peu plus la puissance des images. Tandis que le film de Sato, lui, préfère sacrifier son histoire au profit de rien du tout…
RED ACCOUNT : MY BLOODY ANGEL s’avère donc au final être une œuvre bancale, ni vraiment excitante, ni réellement traumatisante. Le peu de moyens mis en œuvre transparaît à chaque plan. Quant à la mise en scène, elle est passe-partout. On ne sent pas vraiment la présence d’un réalisateur derrière la caméra, pour ce film qui ne laissera pas un souvenir impérissable derrière lui.


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- Article rédigé par : Franck Boulègue

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