Un texte signé Mickaël BenAyen

Canada - 1974 - Bob Clark
Interprètes : Olivia Hussey, Keir Dulley, Margot Kidder, Marian Waldman, John Saxon

review

Black Christmas

Le soir de Noël, des étudiantes se retrouvent la proie d’un psychopathe.
Transfuge de la série X-FILES (il fait partie des scénaristes à avoir bâti la fameuse mythologie du show), Glen Morgan n’a vraiment pas eu de chance en tant que réalisateur. Ecrivant toujours en binôme avec son compère James Wong, son premier essai à la caméra s’est soldé par un échec au box-office alors que le long-métrage, WILLARD, était d’une qualité satisfaisante. En revanche, son ami Wong réussit lui à enchaîner les petits succès avec la franchise DESTINATION FINALE, coécrite avec Morgan d’ailleurs. A travers ces longs-métrages, nous sentons une envie commune des deux cinéastes de revenir à une certaine forme d’horreur un peu désuète, mais plus sincère que la tendance actuelle de « remettre au goût du jour » les « classiques » des années 70 et 80 (MASQUE DE CIRE, AMYTIVILLE et prochainement VENDREDI 13…). Ainsi, nous retrouvons Glen Morgan aux commandes de ce BLACK CHRISTMAS, remake d’un film homonyme de 1974 de Bob Clark, le film matriciel des slashers.
L’intérêt de ce film provient du simple fait moins conventionnel, donc plus attirant, qu’il attaque frontalement un mythe populaire dont les valeurs sont l’antithèse des films d’horreur. Dès les premiers instants, cette veille de Noël n’est plus une source de chaleur humaine, de joie et de bonheur, mais au contraire de terreur et de menace. C’est en effet la nuit où la surveillance se relâche comme l’atteste cette première scène dans la prison : tous les membres du personnel s’impatientent et se hâtent de finir leur ronde pour retrouver leur doux foyer. L’apparition du Père Noël est d’ailleurs saisissante à cet égard, filmée en contre-plongée décadrée qui le rend menaçant. Une note d’intention d’autant plus à souligner qu’il ne s’agit pas encore du tueur déguisé … mais d’un simple employé de l’établissement. Tout ceci pour installer le postulat suivant : « Noël = Danger ».
Malheureusement, lorsque le cadre change au profit d’une association d’étudiantes (les fameuses sororités), on déplore une multiplication de sous-intrigues autour des adolescentes (personnages principaux du film) qui tire BLACK CHRISTMAS du côté des slashers classiques. C’est bien simple, aucune des protagonistes n’est attachante, l’intérêt de Morgan étant entièrement porté sur son tueur. En effet, l’histoire de ce dernier permet au réalisateur de détourner très vite le poncif « Noël, réunion familiale », puisque la tragédie qui a bouleversé sa vie a eu lieu lors de cette période. C’est ce drame qui donne naissance à un rituel gore : le tueur avale l’oeil arraché de ses victimes encore vivantes.
Néanmoins, les meurtres s’enchaînent à un rythme soutenu dans le cadre d’un whodunit sympathique puisque la première victime succombe alors que le tueur n’est pas encore arrivé sur les lieux. On regrettera (ou se réjouira, selon l’humeur) que BLACK CHRISTMAS ne verse dans une troisième partie plus grand-guignolesque lors de sa résolution, même s’il réussit à retomber un tant soit peu sur ses pattes. Outre la révélation du tueur de « remplacement » (qui fait un peu penser à SOUVIENS-TOI… L’ETE DERNIER 2 tout de même) et le fait que les survivants l’affrontent pendant l’incendie de leur maison, on a déjà vu plus sobre (et surtout plus original) comme conclusion.
Au delà de cette petite réserve scénaristique, les prises de vues de Morgan se révèlent audacieuses, voire souvent excessives. Il cultive ainsi les gros plans qui rendent inquiétants les objets les plus anodins, même si certains sont devenus des clichés. Ironiquement, l’original BLACK CHRISTMAS était le premier à avoir joué la carte du coup de téléphone terrifiant.
Ainsi, si ces quelques minutes sont efficaces en elles-mêmes, ce point de vue transgressif a malheureusement du mal à trouver un écho dans le reste du métrage et, à l’inverse de WILLARD, nous avons du mal à adhérer au contexte du film. Néanmoins, grâce aux années pendant lesquelles Glen Morgan a oeuvré au sein des « X-Files », son slasher se démarque du tout-venant puisqu’il réussit là où les autres se vautrent : dans le gore. BLACK CHRISTMAS est donc loin du désastre annoncé (par son statut d’énième remake d’un classique des seventies) et se savoure en simple film d’horreur aux conventions plus populaires (les seventies tout de même) que la vague actuelle des « torture movies ». Un hommage en bonne et due forme de Morgan à un genre que l’on a tendance à oublier.


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- Article rédigé par : Mickaël BenAyen

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