Un texte signé Patryck Ficini

Espagne - 1972 - Carlos Aured
Titres alternatifs : Los ojos azules de la muneca rota
Interprètes : Paul Naschy, Diana Lorys, Eva Leon

retrospective

Blue Eyes of A Broken Doll

Un ex-condamné (Paul Naschy) devient l’employé de trois soeurs étranges. Bientôt, des meurtres adviennent dans la région. L’homme serait-il pris de folie homicide ?
Comme on peut le lire dans le Nocturno consacré au fantastique (et à l’horreur) espagnol, Paul Naschy a déclaré s’être essayé au simili-giallo, au thriller en tout cas, après avoir vu quelques Dario Argento. On peut ainsi, toujours selon la même source, signaler une vingtaine de thrillers hibériques plus ou moins sous influence (il faudrait le vérifier à chaque film). Ecrivant seul ou collaborant au scénario, Naschy est ainsi à l’origine de JACK EL DESTRIPADOR DE.LONDRES (sans rapport réel avec Jack l’éventreur, le film se déroulant dans le Londres des années 70), LOS CRIMENES DE PETIOT (son jumeau selon Monster-Bis), EL ASESINO ESTA ENTRE LOS TRECE, vraisembablement branché Agatha Christie, et surtout le parait-il excellent UNE LIBELULA PARA CADA MUERTO, tourné à Milan par Leon Klimovsky.
LOS OJOS AZULES DE LA MUNECA ROTA fait partie de ces thrillers espagnols à l’italienne même si l’influence de Argento ne s’y fait guère sentir que dans la mise en scène de l’angoisse qui prélude au meurtre. Si ces préliminaires sont réussis (avec un très bel éclairage des décors intérieurs), les mises à mort elles-mêmes ne sont pas très gore et vite torchées. Chose que ne faisaient pas les meilleurs disciples de Argento, comme le très violent Sergio Martino. Dommage parce que l’assassin arrache les yeux de ses victimes, quand même ! L’enquête, puisqu’elle est indispensable au giallo post-Argento, est présente même si un peu lâche et guère motivante. Il faut dire aussi que le gendarme est bien fade ; on est loin des détectives amateurs de nombreux gialli italiens.
Carlos Aured préfère se concentrer, avec brio, sur l’ambiance claustrophobique de cette demeure habitée par un ex-étrangleur (Naschy, dont on découvre le sombre passé avec des flash-backs plus grotesques qu’esthétiques), une nymphomane sexy (heureusement !), une handicapée en fauteuil roulant et une femme au bras atrocement brûlé (Diana Lorys, toujours belle depuis L’HORRIBLE DOCTEUR ORLOFF). Tout cela est assez mystérieux, et le climat étouffant à souhait, un peu comme dans les thrillers des années 60, de Lucio Fulci ou Umberto Lenzi. Il y a même un très léger côté machination sur la fin, comme pour parfaire la ressemblance.
EL CARNAVAL DE LAS BESTIAS recyclera intelligemment ces éléments (avec Naschy en tombeur de ces dames), meurtres avec arme improvisée et abattage d’un cochon compris. Rien d’étonnant ou de honteux là-dedans, c’est une pratique courante en littérature et en cinéma populaire, et les plus grands auteurs l’on fait. L’imagination humaine n’est pas sans limites et un auteur productif, comme Paul Naschy, n’a pas forcément 10.000 idées en stock.
La chute finale, avec la découverte du coupable, est une réussite qui plaira à nos amis nécrophiles, même si le coup du meurtre sous hypnose est vieux comme le monde et trop facile. La mort de Naschy, aux prises avec la police dans un violent gunfight, est digne d’un polar spaghetti, avec notre anti-héros blessé à mort et plein de sang dans la neige.
Dommage que la musique ne soit jamais à la hauteur. Sauf peut-être dans l’utilisation, très italienne, de la mélodie de Frère Jacques pendant les meurtres.
Sous le franquisme, les Espagnols pouvaient filmer des horreurs ou du sexe, mais à condition de placer leurs intrigues dans d’autres pays. Ici encore, comme dans LA FURIE DES VAMPIRES, c’est une pseudo-France qui a cet honneur. Pour les nostalgiques, on aperçoit même un numéro de Salut les copains, avec Stone et Charden en couverture…
LOS OJOS AZULES DE LA MUNECA ROTA a un beau titre, mais reste un petit film. Aussi agréable soit-il, il n’est à aucun moment un grand thriller.


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- Article rédigé par : Patryck Ficini

- Ses films préférés : Django, Keoma, Goldfinger, Frayeurs, L’Au-delà

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