Un texte signé Mickaël Benayen

Hong-Kong - 2006 - Andrew Lau, Alan Mak
Titres alternatifs : Seung Sin
Interprètes : Tony Leung Chiu-Wai, Takeshi Kaneshiro, Shu Qi, Chapman To

asian-scans

Confession Of Pain

Depuis la fuite des grands maîtres du cinéma hongkongais, tels que John Woo (THE KILLER, UNE BALLE DANS LA TETE), Tsui Hark (les 3 premiers IL ETAIT UNE FOIS EN CHINE, TIME AND TIDE) ou Ringo Lam (TWIN DRAGON, ASIAN CONNECTION), beaucoup se demandaient ce qu’allait devenir le cinéma HK. Ce cinéma étant spécialisé dans les polars (en plus des films d’arts martiaux), la place restait vacante durant près d’une décennie. Les années 90 n’ont pas été très propices à la découverte de nouveaux polars. Et pourtant, quelques-uns sortent du lot : FULL CONTACT de Ringo Lam (1995), A TOUTE EPREUVE de John Woo (1993), AS TEARS GO BY de Wong Kar-Wai (1995), THE LONGEST NITE de Patrick Yau (1997). Mais on retient surtout STORMRIDERS de… Andrew Lau Wai-Keung et Alan Mak Siu-Fai (1998) et le très grand RUNNING OUT OF TIME de Johnny To Kei-Fung (la même année). A eux seuls, ces 3 hommes vont révolutionner le polar HK.
La période post-rétrocession de Hong Kong à la Chine, en 1998, s’avère difficile pour le cinéma local. C’est durant cette période que ces grands réalisateurs prennent leurs marques avec THE STORMRIDERS (1998) pour Andrew Lau et Alan Mak et RUNNING OUT OF TIME (1998) pour Johnny To (on pourrait y inclure THE LONGEST NITE (1997) de Patrick Yau, car on ne sait pas qui de Johnny To ou de ce dernier, a vraiment réalisé ce film).
C’est dans les années 2000 qu’on verra véritablement naître le talent de Andrew Lau, Alan mak et Johnny To. Les 2 premiers réaliseront la désormais mythique trilogie des INFERNAL AFFAIRS (respectivement 2002 et 2003) et le dernier BREAKING NEWS (2004) ou PTU (2003).
C’est en 2006 que Andrew Lau et Alan Mak réalisent CONFESSION OF PAIN.
L’inspecteur Lau (Tony Leung Chiu Wai) est un homme taciturne. Il n’hésite pas à utiliser sa femme et à sacrifier ses proches pour concrétiser ses ambitions personnelles. Son inférieur Chiu (Kaneshiro Takeshi) est un jeune flic fougueux, qui a un chagrin d’amour. Chiu enquête sur le meurtre d’un homme haut placé. Au cours de ses recherches, il fait la connaissance d’une mystérieuse jeune femme (Shu Qi) et mène avec elle une histoire d’amour faite de faux-semblants. Des indices le poussent à s’intéresser aux agissements de son supérieur. L’amitié et l’amour résisteront-ils à l’épreuve de la vérité ?
Ce film marque la rencontre de Tony Leung Chiu-Wai et de Takeshi Kaneshiro après CHUNGKING EXPRESS de Wong Kar-Wai (1994).
En voyant CONFESSION OF PAIN, comment ne pas penser à INFERNAL AFFAIRS, tant les 2 films entretiennent d’étroites relations ? Tout d’abord parce que c’est la même équipe qui dirige. Ensuite, nous voyons clairement qu’ils sont tous deux filmés de façon quasi similaire (jeu de lumière, alternance ralenti/vitesse normale, le jeu des acteurs, les caméras sur les toits). Mais nous commettrions une grosse erreur en nous basant uniquement sur le parallèle avec INFERNAL AFFAIRS. Nous pouvons en effet penser à NEW POLICE STORY (de Benny Chan – 2005) pour illustrer la performance, bluffante, de Takeshi Kaneshiro. Il prend exemple sur le Jackie Chan déchu, mais en plus sobre. Il ne va pas jusqu’à vomir à l’écran, mais on le voit quand même éclater en sanglot. Takeshi joue ici à contre-rôle. Nous l’avons souvent vu en faire-valoir (notamment dans DR WAI de Tony Ching Siu-Tung -1996) ou en jeune héros (RETURNER de Takashi Yamazaki – 2003), mais là, il explose à l’écran. Nous pouvons aussi faire référence à VOLTE FACE de John Woo (1997) pour le plan à 360 degrés. L’élève prend exemple sur le maître. Mais il s’en éloigne en utilisant son propre style avec les alternances ralenti/accéléré, la caméra sur les toits, les plans larges. Les acteurs sont excellents. Seule Shu Qi sert de simple faire-valoir. Néanmoins, elle apporte tout de même un petit côté sexy et romantique à cette sombre histoire. Le jeu de Tony Leung se rapproche de la prestation qu’il a livrée dans THE LONGEST NITE, mais purgé, ici, de ses émotions (Tony tue de sang-froid, il ne ressent aucun amour, même pour sa femme). Il n’y a qu’à la fin où, dans la magnifique séquence qui voit Tony s’occuper de sa femme mourante à l’hôpital, on retrouve un semblant de tristesse. En prime, nous avons le retour à l’écran du très grand Yueh Hua (le légendaire L’HIRONDELLE D’OR de King Hu – 1966) que l’on n’avait pas vu au cinéma depuis RUMBLE IN THE BRONX (une simple apparition) aux côtés de Jackie Chan.
Le scénariste, Felix Fong, sait à l’évidence raconter des histoires assez subtiles (INFERNAL AFFAIRS). Malheureusement, l’intrigue est ici tristement prévisible, jusqu’au final où Tony Leung nous raconte ce qui s’est passé alors que tout le monde avait déjà compris depuis belle lurette. Les deux réalisateurs nous bombardent de plans larges qui ne servent pas l’histoire. Dans INFERNAL AFFAIRS, ces mêmes plans larges servaient au déroulement de la trame avec ces moments somptueux (sur les toits, les prises de vue des groupes, les face-à-face). Ici, Lau les met car ça fait « beau », au mépris des émotions ressenties.
CONFESSION OF PAIN, sans atteindre les sommets des 2 premiers INFERNAL AFFAIRS, reste un excellent divertissement avec un jeu d’acteur consommé (notamment Kaneshiro), une photo resplendissante et une bonne histoire ; même si elle est parfois plombée de répétitions.
A noter que CONFESSION OF PAIN est en projet d’adaptation au USA. Lau a réalisé, toujours aux USA un nouveau polar : THE FLOCK avec Richard Gere, Hans Bauer (ANACONDA de Luis Llosa – 1994) ou encore Craig Mitchell (HIGHWAYMEN de Robert Harmon – 2002). Sous certains aspects, cela peut faire peur quand on voit ce que sont devenus Jonh Woo et Tsui Hark en tentant l’aventure américaine. Espérons qu’il ne suive pas le même chemin.


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- Article rédigé par : Mickaël Benayen

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