Un texte signé Patrick Lang

Grande Bretagne, USA - 2006 - Ray Gower
Interprètes : Thora Birch, Christien Anholt, Toby Stephens, Joanna Hole, Oliver Price, Allan Perrin...

review

Dark Corners

Si on arrivait à sonder les recoins sombres (dark corners en français) d’une âme tourmentée, qu’y trouverions-nous? Ray Gower (également à l’origine du script) tente de donner une réponse, ou du moins, sa vision des choses. Dans DARK CORNERS, sa première réalisation, il se pose la question citée précédemment, mais adopte un point de vue très précis. La vision du film nous révèle donc lequel.
DARK CORNERS nous raconte l’histoire de Susan Hamilton, incarnée par Thora Birch. Cette femme est hantée par des cauchemars où elle voit Karen (Thora Birch dans un double rôle), qui vit dans un monde très sombre et décrépit. Elle est poursuivie par un tueur en série, Needletooth, celui-là même dont Susan entend parler à la télévision. Ces cauchemars seraient-ils des visions de faits réellement entrain de se produire? Le film change constamment entre ces deux mondes, c’est pourquoi la notion de point de vue est si importante. Le premier demeure réaliste et une dimension dramatique est prépondérante (Susan essaye désespérément de tomber enceinte mais n’y parviens pas, situation génératrice de stress), le deuxième est des plus noir et oppressant, proche de l’univers de SILENT HILL, la brume en moins. En analysant plus profondément, ils représentent deux façons d’illustrer l’horreur: l’une est plus psychologique et délicate, l’autre est plus viscérale et directe. DARK CORNERS multiplie les personnages et les situations cauchemardesques. Il possède aussi une symbolique très chargée, à commencer par la ressemblance physique des personnages réels et fantasmés. Le film offre plusieurs lectures et peux donner envie d’y replonger une fois la première vision terminée.
La limite entre cauchemar et réalité s’efface tout au long du métrage. La musique omniprésente renforce d’ailleurs ce sentiment de surréalisme. Beaucoup de questions sont posées, les situations oniriques se succèdent à un rythme soutenu et cela peut rendre l’ensemble déroutant et difficile d’accès. Les spectateurs avides de scénarios retors et compliqués y trouveront assurément leur compte. Les gens moins motivés n’entreront pas dans ce monde, se perdront en chemin et risquent de solliciter la touche ”stop” de leur lecteur. Pour une première mise en scène, Ray Gower frappe un grand coup. Malgré le faible budget, il réussit quand même à nous faire pénétrer dans un monde d’une noirceur infinie et réellement effrayant. Aussi effrayant que le tueur en série que nous suivons également dans ses actes immondes et pervers. Un univers que ne renierais pas David Fincher époque SEVEN, tant les murs suintent la mort et la souffrance. L’enfer n’est pas bien loin. DARK CORNERS fourmille de détails et de symbolisme, une attention toute particulière est obligatoire pour bien comprendre ce que l’on voit. C’est le genre de film qui se termine abruptement et qui reste à l’esprit, après on aime où on aime pas. Toutes les scènes dont on est témoin sont les pièces d’un puzzle que le réalisateur se garde bien d’assembler à notre place. L’originalité est de mise ici, même si Ray Gower se permet quelques clins d’oeils. Il cite notamment LOST HIGHWAY de David Lynch, quand il ne reprend pas la scène horrifique d’anthologie de L’EXORCISTE III toute entière (c’est-à-dire l’attaque de l’infirmière à l’hôpital). Pour un premier film, on peut pardonner ce genre d’emprunts. Une autre scène très réussie est celle où l’on voit un cadavre qui se relève de sa table de préparation mortuaire, un passage carrément effroyable. Malheureusement, la musique, qui est certes réussie, ne laisse aucun répit et plombe l’impact de certains chocs visuels.
DARK CORNERS possède donc une ambiance dramatique et stressante. Elle côtoie celle plus tordue et déstabilisante d’une femme poursuivie par un monstre à la forme humaine. C’est un récit très fragmenté, qui demandera un sens accru de l’observation et du souci du détail. Il nous fait voyager dans un enfer psychologique et hautement symbolique. On ne comprend pas toujours ce qu’on voit, et plusieurs interprétations différentes en résulteront selon le spectateur que vous serez.


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- Article rédigé par : Patrick Lang

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