Un texte signé Sophie Schweitzer

Festival du film Britannique de Dinar 2015review

Departure

Béatrice et son fils Eliott viennent dans leur maison de vacances dans un village de France. La maison a été vendue, et ils doivent la vider. Ce déménagement, douloureux, est plus qu’un simple départ. Béatrice sent son couple voler en éclats. Son mariage est pourtant toute sa vie. Incapable de l’accepter, elle ne peut que songer à tout ce qu’elle a raté, ce à quoi elle a renoncé. Quant à Eliott, l’adolescent va vivre sa première expérience sexuelle, mais aussi son premier amour avec Clément. Ce dernier par sa présence va servir de catalyseur à cette famille au bord de l’implosion.

Autobiographique, le premier long-métrage d’Andrew Steggall est bercé d’une douce nostalgie se transformant parfois en une douloureuse mais nécessaire mélancolie. Pour le jeune Eliott ces vacances qui n’en sont pas vraiment, sont en réalité un moment de bascule, de passage, entre l’enfance et l’âge adulte : une métamorphose. Pour sa mère en revanche, il s’agit d’un saut en avant sans savoir si elle va se briser les jambes en retombant. La fin de son mariage représente la fin d’une vie. Pas de sa vie, mais de celle qu’elle a construite. Là aussi il s’agit d’une renaissance. Le réalisateur évoquait dans ses inspirations les Métamorphoses d’Ovide, et en effet, c’est bien la thématique du film évoquée par la présence de l’eau aussi bien que par celle du jeune Clément.

Clément, jeune français, vivant dans ce village pour un temps, catalyse les désirs secrets des personnages. Si pour Eliott, il est son premier amour, pour Béatrice, il représente tout ce à quoi elle a dû renoncer : son désir, sa jeunesse. Sa présence magnétise et électrise les deux personnages. Il incarne le souffle du renouveau. Pas exempt de souffrance ni de sa propre histoire, Clément apporte aussi un contraste. Face à la douleur de l’amour ressenti par Eliott, la colère de Clément face à la mort de sa mère paraît d’autant plus forte. Ces deux êtres que tout oppose, vont pourtant s’apporter autant l’un à l’autre. En aidant la famille d’Eliott, Clément affronte aussi ses propres démons.

L’évocation de l’amour reste néanmoins la trame principale. Il y a l’amour maternel, celui de Béatrice pour son fils, un amour puissant mais qui la ronge, et celui que porte Clément à sa mère, lui aussi empoissonné et dangereux. Puis il y a le désir amoureux, entre Clément et Eliott, mais aussi entre Clément et Béatrice. Ce trio amoureux est rejoint par le père d’Eliott. Il a d’abord l’image du grand méchant, celui qui a décidé de vendre la maison sans consulter ni sa femme ni son fils, mais qui se révèle aussi brisé et perdu que Béatrice et Eliott.

L’amour donc, tantôt libérateur, tantôt douloureux. La passion qui emporte le jeune Eliott confère de la force à sa poésie et lui donne le courage d’assumer son homosexualité face à ses parents et face à Clément, l’objet du désir. Pour Béatrice c’est un amour fané qui n’existe plus. Son ombre, en revanche, continue d’empoisonner son cœur. Mais seul l’amour leur permet de se défaire de leurs fantômes, celui d’un mariage achevé pour Béatrice, et d’une enfance difficile pour Eliott.

L’image du film est d’une beauté à couper le souffle, les cadres sont soignés et la lumière automnale assez sublime. Il y a des instants de poésie, principalement dans les séquences entre les deux jeunes garçons. Certains cadres sont magnifiques et hautement symboliques. On retiendra celui où le rond d’une table accolée au mur entoure la mère en position fœtale.

D’une beauté hypnotique, DEPARTURE est, de plus, servi par une composition excellente. La poésie du film, souvent apportée par le jeune héros, petit poète en herbe, est également portée par la musique. Classique mais émouvante, elle transcende les émotions amenées par l’image.

L’on peine à croire qu’il s’agisse d’ailleurs d’un premier métrage, tant tout est maîtrisé. Du scénario à la technique, le film est magistral. Il contient une poésie et une douceur donnant lieu à quelques éblouissants moments de cinéma. Véritable film d’auteur, DEPARTURE est d’une grande qualité.


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- Article rédigé par : Sophie Schweitzer

- Ses films préférés : Le bon, La brute et le Truand, Suspiria, Mulholland Drive, Les yeux sans visage, L'au-delà

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