Un texte signé André Quintaine

Allemagne - 1990 - Jörg Buttgereit
Interprètes : Herman Kopp, Heinrich Ebber, Michael Krause

indie-eyeOffscreen 2019

Der Todesking

Lundi:
Un homme écrit différentes lettres. Il rentre chez lui, se déshabille, se met dans une baignoire, et se suicide en avalant une importante dose de pilules.
Mardi:
Un homme entre dans une vidéothèque et loue un film de la série des Ilsa. Il rentre chez lui et regarde son film. Sa femme rentre également et lui fait des remarques. Il prend une arme et la tue. Ensuite, il encadre la tache de sang qui a giclé sur le mur. Mais tout ça n’était qu’un film, et la personne qui le regardait s’est pendue.
Mercredi:
Une jeune femme s’assied sur un banc, à coté d’un homme qui se met à lui raconter les problèmes qu’il a avec sa femme. Celle-ci perd du sang durant leurs rapports. La femme assise à coté de lui tend alors un pistolet qu’il prend pour se mettre une balle dans la tête.
Jeudi:
Dans ce segment, on nous montre différents plans d’un pont avec les noms incrustés à l’écran de ceux qui s’y sont jetés.
Vendredi:
Une jeune femme vivant seule regarde par sa fenêtre le couple vivant dans l’immeuble voisin. Elle s’endort ensuite et se revoie en rêve surprenant ses parents entrain de faire l’amour. Elle se réveille et tente de téléphoner au jeune couple, mais ils ont été tués.
Samedi:
Une jeune femme tue des gens, une caméra installée sur son épaule.
Dimanche:
Un homme se suicide en se frappant la tête contre les murs.

“Il n’y a pas de message, c’est juste un film sur la mort.” C’est ainsi que Jörg Buttgereit décrit son film, et c’est vrai qu’on y parle de la mort, puisqu’il y est question de suicides. Le film est divisé en sept parties, sept jours, et sept différentes façons de se donner la mort. Certains ayant même fait le rapprochement entre ces sept suicides journaliers et les sept jours nécessaires à Dieu pour créer le monde, comme une sorte de réponse de Jörg Buttgereit à Dieu.
Dans ce film, pas de gore (une scène peut être: le sectionnement d’un pénis) ni de perversion. Jörg Buttgereit a d’abord voulu faire de l’art, et, il faut bien admettre que parfois, il se plante. Le peu d’action (comme il se doit pour tout film d’art et d’essai) fait qu’on s’ennuie quelque fois. L’idée du pont où l’on voit en incrustation les noms des personnes s’y étant jetées est intéressante, mais la scène lasse quand même.
Pourtant, l’idée de départ n’est pas mauvaise, et est même intéressante. Les sept segments reliés par la vision d’un cadavre qui se décompose sont parfois même étonnants. Le meilleur est celui où un homme raconte à une jeune femme les problèmes qu’il a avec sa femme. Elle lui tend ensuite une arme, et il se suicide. Elle se venge ainsi d’une certaine façon contre tous les hommes, puisque son petit ami l’a plaquée. Il y a du suspens et on pourrait même dire que la fin est violente d’une certaine manière. De plus (et pas seulement dans ce segment, Jörg Buttgereit ne nous dévoile pas facilement les intentions de ses personnages, nous sommes obligés de bien chercher, et je ne peux que vous conseiller de regarder le film au moins deux fois. Par exemple, toujours pour ce segment, au début, on ne comprend pas vraiment pourquoi la jeune fille tend l’arme à l’homme pour qu’il se suicide. Mais, si l’on revient en arrière, au début du segment, on peut voir une lettre traîner par-terre, aux pieds de la jeune fille, ce n’est qu’alors que l’on peut imaginer que c’est une lettre de son petit ami qui lui écrit qu’il l’a quittée, et que c’est pour cette raison qu’elle se venge.
Et c’est ainsi pour chaque segment. Un autre exemple, dans le segment avec la jeune fille qui porte une caméra sur l’épaule, on peut se demander où il y a suicide, car, en fait, c’est vrai qu’elle ne meurt pas. En fait, elle se suicide en commettant des meurtres devant une caméra. Elle sait qu’elle sera reconnue, et qu’elle ne pourra s’enfuir.
Dans ces moments, le film fait un peu “surréaliste”. Le surréalisme c’est un peu le genre de film où l’on ne comprend rien du début à la fin, et où il faut que le réalisateur explique lui même ce qu’il a voulu dire pour éclairer notre lanterne. Et c’est vrai que dans DER TODESKING, parfois, on ne suit pas vraiment Jörg Buttgereit. Malgré tout, ça s’arrange quand même au bout de deux ou trois visions.
Il n’empêche que c’est apparemment surtout avec ce film que Jörg Buttgereit montre qu’il n’est pas un tâcheron comme certains aiment à le penser. Il y a des images très originales comme dans le premier segment où le réalisateur fait un parallèle entre un poisson dans son bocal et un homme qui meurt dans son bain, ou encore avec un chiffre sept dont l’ombre est une croix.
En définitive, DER TODESKING est un film intéressant, à première vue lassant, mais qui peut se révéler captivant si on se prend au jeu.

En 2019, DER TODESKING a été programmé à Offscreen, en présence de son réalisateur à qui tout un module thématique était dédié.


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- Article rédigé par : André Quintaine

- Ses films préférés : Frayeurs, Les Griffes de la Nuit, Made in Britain, Massacre à la Tronçonneuse, Freaks

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