Un texte signé Tom Flener

Pakistan - 1967 - Khwaja Sarfraz
Titres alternatifs : Zinda Laash, The Living Corpse
Interprètes : Rehan, Asad Bukhari, Deeba, Habib, Nasreen

retrospective

Dracula au Pakistan

Le professeur Tabini, certain d’avoir trouvé la formule pour la vie éternelle, boit ladite formule… et meurt. Il est retrouvé par son assistante et enterré. Par contre, il revient à la vie, transformé en vampire, et mord aussitôt son assistante. Entre alors en scène le Dr. Aqil Harker qui veut passer la nuit dans le château de Tabini. La première nuit, il est attaqué par la vampire après une danse de séduction (!), et est sauvé de justesse par le fameux professeur. Il tue l’assistante-vampire dans son cercueil avant d’être transformé par Tabini lui-même. Tandis que le frère du Dr. Aqil le cherche, Tabini s’est mis à la recherche de Shabnam, la fiancée du docteur, pour en faire sa compagne.
L’histoire même de DRACULA A PAKISTAN ne réserve presque aucune surprise pour quiconque a déjà vu le DRACULA des studios Hammer. Même si tourné en noir et blanc, DRACULA A PAKISTAN est plus proche de la version avec Christopher Lee que de celle de Universal. Ainsi, Rehan semble s’être inspiré plus de Christopher Lee que de Bela Lugosi dans son interprétation du vampire célèbre, et fait somme toute une assez bonne impression.
Néanmoins le Dracula version Lollywood n’est pas complètement sans surprise, surtout pour un public occidental. Lorsqu’Aqil Harker approche le château du professeur Tabini sur la mélodie de La Cucaracha, le spectateur est pris par le pressentiment de s’aventurer sur un territoire nouveau. Une fois que la femme-vampire séduit Aqil Harker en faisant une danse exotique, ce pressentiment devient certitude. Finalement, en interrompant l’intrigue pour une scène occasionnelle de chanson et de danse, Lollywood ancre sa proximité avec Bollywood, et donne à une audience occidentale une approche différente (voire nouvelle, même si ce film est vieux de presque 40 ans) à un mythe qui a été filmé jusqu’à la corde.
Somme toute, DRACULA A PAKISTAN s’avère être un effort assez solide. Khwaja Sarfraz se montre être un réalisateur compétent, même s’il reste assez classique dans son approche. Les paysages et bâtiments sont bien mis en scène. Ils peuvent même déconcerter l’un ou l’autre fan en offrant un mythe classique et en le positionnant dans un écrin tout à fait exotique. Ce sont néanmoins des observations plus que des soucis, et on s’habitue très vite à ces aspects inhabituels. Par contre, les intérieurs se conforment à nos canons et on a droit à tous les locaux qu’on s’attend à voir dans un film d’horreur gothique, des corridors mal éclairés jusqu’à la cave contenant les cercueils.
Alors que les acteurs semblent tout d’abord un peu mal à l’aise, leur performance devient plus assurée par la suite. La seconde partie est dominée par Deeda en tant que jeune fiancée. Si au début de son apparition à l’écran elle est l’innocence personnifiée, elle parvient à transmettre avec crédibilité son désir croissant pour son amant vampire. Quand elle essaie finalement de tuer sa petite sœur, on accepte inconditionnellement son changement en créature sans âme.
En outre, il est à noter que les numéros de danse et de chant, loin d’être des distractions, sont assez agréables à regarder et à écouter. Et ils n’atténuent en rien un sentiment de terreur qui de toute façon n’est pas forcément présent dans ce film. D’un côté, l’histoire même est trop connue pour effrayer. Et de l’autre côté, même si l’équipe a attaqué cette entreprise avec un enthousiasme apparent, l’expérience pour gérer un tel sujet leur fait défaut. Ainsi, ils s’en sont tenus à des méthodes testées et prouvées sans rien innover. Ceci s’étend à la musique pendant les scènes d’atmosphère qui semble avoir été « empruntée » au DRACULA des studios Hammer, parmi d’autres sources. DRACULA A PAKISTAN est donc loin d’être un classique du genre, mais reste une curiosité qui devrait être vue par les amateurs et les aventureux au moins une fois.
En effet, le prologue même ainsi que l’origine du vampire ne semblent exister que pour faciliter la compréhension à un public ignorant la légende du vampire. De plus, il a été éliminé toute allusion religieuse qui aurait pu choquer un public musulman. Après avoir laissé passer le film, l’office de censure rédigeait apparemment une lettre destinée aux maisons de production interdisant toute mise en chantier d’un autre film d’horreur.
Ainsi, on peut dire que grâce à l’office de censure local, DRACULA A PAKISTAN devient le dernier film d’horreur réalisé au Pakistan, tout un symbole.


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- Article rédigé par : Tom Flener

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